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El-Harrach, cellule N° 40  (Acte II)  

Chronique d’un confiné 

El-Harrach, cellule N° 40  (Acte II)  

De gros nababs ayant dirigé le pays et ses finances se retrouvent encastrés dans une cellule de la célèbre prison d’El Harrach, à Alger. Une salle où l’ambiance qui y règne, en ces temps de pandémie, mérite un plongeon entre ces murs, histoire d’en rire ou d’en pleurer. 

La nuit aura été de courte durée. Et lorsque les bâtons des gardiens se mettent à tapoter sur les barreaux des geôles, le réveil est difficile. Les locataires de la cellule n° 40 ont la tête dans le C… 

– C’est à croire que j’ai la gueule de bois. Mais à quelque chose malheur est bon ; le souvenir de soirées bien arrosées, puis de décisions prises, le lendemain matin, au pied levé. Autres temps, autres sottises… pense à haute voix H’mimed. 

El-Fakakir s’étire, puis lâche un rire.

–    Hada ga3 el yaourt ta3 3lilouche wech der fik, djibelna l’ghounia hadik ta3 sir ya nakar lahcène (Tout ça pour un pot de yaourt, chante à Alilouche ton fameux refrain «va-t’en, ingrat») (1)

Mais H’mimed, faisant appel à son sens du sarcasme, réplique sèchement.  

–    Je vois que tu es nostalgique toi aussi, ce matin. Wa3lach mat’choufch m3a Samia t’dirlek el mouziga (Pourquoi tu ne demanderais à Samia de mettre de la musique). (2) 

Alilouche, amusé par la réponse, éclate de rire.  

–    Wallah ghir khassou n’sa f sala hadi (Il faut dire que ça manque de la femme dans cette salle). 

El-Fakakir, trouvant plutôt étonnant le petit regret de son ami,  ne manque pas l’occasion de lui lancer une pique. 

–    Kount hassbek ta3chek ghir f swared wel goudron (Je te croyais porté uniquement sur l’argent et le goudron) ! 

Alilouche perd le sourire. 

–    T’sema ana matchi bnadem (Tu sous-entends que je ne suis pas un homme) ! 

El Fakakir, qui se rend compte de sa maladresse, tente de rattraper le coup. Mais Alilouche ne lâche pas l’affaire. 

–    A3tini 9elbek, 12 s’na habs w mazalek tedjyah (12 ans de prison et tu as encore le cœur à faire le clown). 

El Fakakir prend mal la réplique. Il a le visage rouge de sang. Il fonce droit sur Alilouche, mais les codétenus s’interposent. Les gardiens, alertés, interviennent. 

Ils séparent les deux détenus. Plutôt le gaillard, comme Alilouche n’avait pas bougé de son lit. 

Au cachot tous les deux, tranchent-ils. 

Alilouche, qui trouve la décision des gardiens injuste, proteste. 

–    Mi ci loui, moé ji su risti o lait (Mais je n’ai rien fait moi, je suis resté au lit). 

C’est finalement seul El Fakakir qui quitte la salle pour être placé en isolement. Ses compagnons ne savaient certainement pas que ce petit incident allait complètement changer leur vie de détenus.

A suivre… 

M.M 

(1)    : En janvier 2018, l’ancien chef d’un parti au pouvoir répondait aux attaques politiques d’un ancien ministre, contre sa personne, par le refrain d’une chanson «chaâbi», du défunt Hadj M’rizek, «Sir ya naker lahcène (va-t-en ingrat) ». 

(2)     : En mars 2014, un ex-haut responsable qui animait un meeting, à Alger, en pleine campagne pour le 4e mandat, a terminé son discours envers l’assistance exclusivement féminine en lançant : «Samia, zidi fel mouziga bach yechathou (Samia, augmente le son de la musique pour qu’elles dansent). 

La 1re partie :El Harrach cellule numéro 40 (Acte I)

Mail de l’auteur : mehdimehenni@yahoo.fr

Auteur
Mehdi Mehenni

 




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