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El-Harrach, cellule N° 40 (Acte VIII)  

Chronique d’un confiné 

El-Harrach, cellule N° 40 (Acte VIII)  

De gros nababs ayant dirigé le pays et ses finances se retrouvent encastrés dans une cellule de la célèbre prison d’El Harrach, à Alger. Une salle où l’ambiance qui y règne, en ces temps de pandémie, mérite un plongeon entre ces murs, histoire d’en rire ou d’en pleurer. C’est selon.

Le soir de la visite du messager, le chef de file spirituel de zaouïa Sidi Marjajou convoque une réunion d’urgence.  

Les fidèles, qui n’avaient pas lâché le gros sac des yeux, et donc toujours intrigués par l’objet de la visite, se précipitent dans la salle des prières. 

Pendant que chacun s’affaire de son côté à allumer les bougies, B’khour, Djaoui et Ambar, le cheikh s’installe sur le saint tapis, au coin de la pièce. Les fidèles le rejoignent aussitôt après pour former un demi-cercle. 

–  Notre Moula (fondateur de la confrérie), que le Salut de Dieu soit sur lui, m’est apparu, hier, dans un rêve. Il était enfermé dans une pièce sombre et humide, et sa mine était défaite. A ses côtés, se tenaient plusieurs hommes, les pieds nus, tremblotant de froid et souffrant de famine. Soudain, une lumière a transpercé la pièce pour illuminer le visage de notre Moula, qui a pris la voix d’un ange pour adresser un message à notre confrérie : Au nom de Dieu, c’est à vous que je confie mes… 40 enfants. 

Des récitations et chants s’élèvent spontanément dans la salle, accompagnés de roulements de bendir et d’implorations. 

Les fidèles, surtout pour les plus nouveaux dans la confrérie, entrent dans un état d’hystérie total, jusqu’à l’évanouissement. 

Les plus anciens se contentent par contre de verser quelques larmes et formuler des prières, de peur de perdre de vue l’essentiel : le gros sac toujours posé dans la pièce. 

Le cheikh ne tardera pas à ramener de nouveau le calme dans la salle. 

– Ce rêve, mes enfants, est venu apporter la preuve, pour ceux qui pouvaient encore douter, combien la grâce de Dieu est grande sur notre Maison. Et comme pour mieux nous montrer le chemin, la providence a guidé les pas d’un messager vers notre confrérie, pour attester de la prémonition de mon songe divin. Un don gracieux orne désormais notre maison, et nous devons en prendre le plus grand soin. 

Les regards de tous les fidèles se tournent alors vers le gros sac. Le cheikh donne le la. 

– Ya Marjajou H’bab Rabi, Ya Mardjadjou H’bab Rabi, Ya Marjajou dja l’mersoul, h’bib e’rab3ine djab chkara… (1) 

–    Amen ! 

M.M 

Renvoi

  • : La prière «Ya Marjajou H’bab Rabi» est inspirée d’une chanson populaire chantée dans les mariages algériens, «Ya Mimouna Diaf Rabi», et qui raconte l’histoire d’un homme qui prend les Tolbas (les cheikhs) pour aller demander la main d’une fille…

Mail de l’auteur : mehdimehenni@yahoo.fr

 

Auteur
Mehdi Mehenni

 




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