28 mars 2024
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El-Harrach, cellule N°40 (Acte X)  

Chronique d’un confiné 

El-Harrach, cellule N°40 (Acte X)  

De gros nababs ayant dirigé le pays et ses finances se retrouvent encastrés dans une cellule de la célèbre prison d’El Harrach, à Alger. Une salle où l’ambiance qui y règne, en ces temps de pandémie, mérite un plongeon entre ces murs, histoire d’en rire ou d’en pleurer. C’est selon.

Les locataires de la cellule N° 40 se réveillent sur une grosse déception. Les nouvelles de la veille manquaient, en effet, de précisions. Les gardiens de la prison parlent plutôt d’une pandémie mondiale, et qui ne touche pas donc que l’Algérie. Surtout que d’éminents scientifiques, de par le monde, s’appliquent à trouver l’antidote. 

–  Satané occident, ils finiront par trouver le remède, et voilà nos plans foirés, s’écrie H’mimed. 

Alilouche, le visage blême, a une pensée pour le gros sac d’argent. 

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–  H’chawhana mlih Jma3et Marjajou, ykounou chab3ine t’3am welham b’swaredna (Ils nous ont bien eu la clique de Marjajou, ils doivent bien profiter de notre argent, en ce moment). 

Pendant que les comploteurs tentent de se remettre de leur désillusion, un détenu s’isole au fond de la pièce. 

Chahid-El-Hey a perdu la parole à l’instant où les gardiens ont évoqué la possible contamination d’une Première Chancelière, placée carrément en quarantaine, dans son pays.  

Plongé dans un immense chagrin, il sort, les mains tremblotantes, une feuille et un crayon de sa poche.

Meine liebe  (très chère), 

Voilà maintenant plusieurs mois que je ne vois que rarement la lumière du jour. Enfermé dans ma cellule, et plongé dans une solitude extrême, je n’ai plus pour consolation que nos charmants souvenirs de fac. 

Je me rappelle toujours de ces moments de folies, à sécher des cours, pour aller se perdre dans les ruelles du vieux Leipzig. Te souviens-tu, Meine Liebe, des samedis soir, lorsque nous nous retrouvions sur le parvis de la Place du Marché, à siffler des bières sous le monument Jean-Sébastien Bach, et à fredonner la «toccata et fugue en ré mineur ».  

Par moment, je m’oublie à tendre ma main dans le vide comme pour caresser tes boucles d’or… 

Combien de fois tu as porté pour moi ta tenue unique, et par solidarité contre les quolibets machistes qui te visaient, j’ai longtemps mis des cravates rose bonbon et je garde encore, sous mon oreiller, les chaussettes violettes que tu m’as offertes lors de la fête foraine de l’année 1964.  

Quand je reçois ma maigre ration du jour, je m’imagine souvent à savourer ta fameuse soupe de pomme de terre, et j’ai aussitôt après les larmes à… la bouche ! 

Te rappelles-tu, Meine Liebe, de nos longues promenades dans la Forêt noire, et  comment j’ai volé à ton secours quand un méchant russe s’était amusé à lâcher son chien, dans les bois, pour t’effrayer. Tes cris «Zuper Yamal, Zuper Yamal », résonnent encore dans ma tête. 

Aujourd’hui, et comme un malheur ne vient jamais seul, la nouvelle de ton isolement m’a brisé le coeur. 

Mit all meiner Zärtlichkeit Mia (avec toute ma tendresse).

A suivre… 

M.M

LIRE AUSSI : https:/El Harrach, cellule numéro 40 (Acte XI)

Mail de l’auteur : mehdimehenni@yahoo.fr

Auteur
Mehdi Mehenni

 




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