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Election en France : le retour des deux gauches irréconciliables ?

DECRYPTAGE

Election en France : le retour des deux gauches irréconciliables ?

Cette expression, devenue désormais célèbre, tient son origine du titre d’une publication dans la presse de l’ancien Premier ministre, Manuel Valls. Alors qu’on pensait le front républicain fonctionner encore pour faire barrage contre le Rassemblement National, le voilà de nouveau déchiré. Les courants de gauche traînent les pieds pour s’y rallier, voire l’écartent radicalement pour le second tour des élections dans plusieurs régions.

En fait, cette notion de gauches irréconciliables vient de beaucoup plus loin dans l’histoire. Remontons le temps et restons dans les très grandes lignes de cette fracture, sans tentative d’érudition, comme je le dis à chaque fois.

D’où vient l’appellation de gauche ?

Comme souvent, en histoire des idées politiques, il faut partir de la révolution française de 1789. Et comme dans un précédent article concernant les girondins (idée décentralisée du pouvoir) et les  montagnards (idée centralisée du pouvoir), il en va de même pour la gauche et la droite.

C’est en fait l’emplacement à gauche ou à droite de la tribune de l’Assemblée qui va être à l’origine de cette appellation (c’est aussi bête que cela, diraient mes étudiants). Rappelons-nous que pour les « Montagnards », c’était la place dans le haut des tribunes qui les avaient baptisés de ce noms alors que les « Girondins », placés plus bas, étaient nommés ainsi du fait de l’origine girondine de nombreux de ses partisans.

Et voilà comment des terminologies que l’on croit originaires du plus profond des doctrines naissent en fait d’une simple position topographique. Le lecteur peut deviner de même pourquoi on s’appelle Drurand, Boubagra, Bounif ou Duval, du simple fait d’une particularité physique, de l’origine gépographique ou de la profession du fondateur de la lignée familiale.

Mais, bien entendu, si le terme de gauche ou de droite en politique a perduré, et même adopté dans la plupart des cultures dans le monde, c’est qu’il y avait quelque chose d’autre de plus important qui fut à l’origine de ces deux courants politiques. Et ce quelque chose de plus important était dans les idées véhiculées.

La droite et la gauche, une histoire de doctrines politiques

Les délégués révolutionnaires placés à gauche étaient, à l’origine, ceux qui s’opposaient au véto du roi  à l’Assemblée. Il ne faut jamais oublier que le respect à la monarchie, ou la crainte de l’éliminer au risque de se mettre à dos une population encore attachée au souverain, est encore présente chez les révolutionnaires en 1789.

Il n’était pas question d’écarter le roi et encore moins de le guillotiner, ce qui sera le cas plus tard, par son entêtement puis, surtout, par sa fuite pour rejoindre les coalisés à l’étranger, ce qui fut considéré comme une trahison à la nation.

Les députés placés à la gauche refusaient donc que le roi ait le pouvoir d’écarter les résolutions du parlement révolutionnaire. Mais la terminologie de gauche va perdurer car au fil du temps cette racine va faire germer d’autres branches qui lui seront rattachée comme la justice sociale, les libertés, la position par rapport au système monarchique, par rapport à la religion, à la lutte des classes, à l’éducation scolaire, et ainsi de suite.

D’ailleurs, au XIXème siècle, on ne parle pas tellement, ou même plus du tout, d’hommes politiques de gauche mais de « républicains ». Et toutes les racines du tronc commun des révolutionnaires placés à gauche du bureau de l’Assemblée vont faire grandir les mêmes revendications de départ. La république, la laïcité, le socialisme, la liberté syndicale, l’anti-militarisme et bien d’autres déterminants que nous connaissons à la gauche actuelle.

Il fallait un événement fondateur, ou plutôt régénérateur après l’épisode de 1789, ce fut la révolte de la Commune de Paris et les massacres qui s’en suivirent. Il fallait un drapeau, ce fut définitivement le drapeau tricolore alors qu’il s’opposait au drapeau blanc, celui des partisans de l’institution monarchique et ecclesiastique.

Mais la racine commune s’est divisée en branches

Et c’est dès la fin du XIXème siècle que les premières fractures sont apparues, c’est la raison pour laquelle on dit, lorsqu’on évoque l’histoire, « les gauches », au pluriel. Mais deux grands courants seront les principaux, ceux qui, d’une manière très simplifiée, seront dans la mouvance appelée socialiste et ceux qui prendront plus tard la qualification de communiste, après la victoire des Bolchéviques, la création de la nouvelle Russie et la victoire des thèses marxistes dans beaucoup de sociétés et groupements.

Une figure s’élève parmi les autres, pour les partisans de la gauche au début du XXème siècle, celle de Jaurès puis, plus tard , celle de Léon Blum, leader du gouvernement du Front populaire en 1934.

La fracture de la gauche s’est organisée autour d’une divergence de stratégie par rapport au pouvoir et au capitalisme. Et c’est ainsi, d’une manière très simplifiée mais tout à fait juste, que nous retrouvons ces deux gauches à l’époque contemporaine. Celle, héritière du courant socialiste, elle-même fracturée par d’autres tendances et celle héritière du mouvement communiste, incarné par le Parti communiste et par des mouvements encore plus à gauche et qui sont, de nos jours, beaucoup plus puissants que lui.

Et c’est cette idée de stratégie qui est encore présente. Le mouvement socialiste prendra une coloration « socio-démocrate », une tendance largement partagée par les mouvements de gauche des grands pays européens. C’est l’idée d’une gauche réconciliée avec l’économie de marché (et  avec la démocratie, ce dont les communistes avaient tendance à écarter lorsqu’il s’agissait des intérêts du peuple) et dont l’objectif est de le réguler pour assurer la bonne répartition des richesses.

C’est ainsi que Michel Rocard a même inventé le concept de la « troisième gauche » lorsque les partisans du parti socialiste avaient traîné des pieds pour sortir de leur orthodoxie afin de se diriger plus franchement vers la sociale démocratie. Ce qu’ils finirent par rallier plus tard, consommant la grande fraxture avec l’aile plus radicale, les communistes et l’extrême gauche.

Le front républicain de 2002

La notion de front républicain, en se référant à sa conséquence première, soit l’unité nationale devant le péril, n’est pas nouvelle. On l’a vu avec Napoléon (qui était issu du mouvement révolutionnaire, il ne faut pas l’oublier et ne retenir que l’image de l’Empereur) mais on l’a vu également avec le Conseil National de la Résistance, dirigé par le général De Gaulle et regroupant autour de lui toutes les sensibilités politiques, de droite comme de gauche, y compris les communistes.  

On l’a constaté également en 1981, même si cette fois-ci, il ne s’agissait que de l’idée de rallier la gauche entière autour du programme de François Mitterrand en 1981, avant d’exploser peu de temps plus tard. Les signataires de l’alliance de la gauche considéraient que c’était également un front républicain contre la droite installée depuis des décennies.

Mais c’est en 2002, lors des élections présidentielles, qu’on incrustera véritablement l’expression dans le vocabulaire politique, usuellement reprise jusqu’à nos jours, et donc pour ce second tour des élections régionales du dimanche 27 juin 2021.

On s’en souvient, lorsque Jean-Marie Le Pen accéda au second tour des présidentielles de 2002, ce fut un cataclysme en France. Il fallait barrer la route à la « peste noire », le retour de la terrible période des années trente et du régime de Vichy.

Tous les partis de gauche se sont résolus à faire barrage contre l’arrivée au pouvoir du Front National. Jacques Chirac, arrivé second au premier tour, à la stupéfaction des français, allait l’emporter à 82,2 % des voix, un score de république bananière.

Puis, le mouvement d’extrême droite s’est, petit à petit, hissé à des niveaux de suffrages qui  prouvaient que 2002 n’était pas seulement un accident de l’histoire mais le départ d’une lente montée dans les plus hautes marches qui se rapprochent du pouvoir.

Ce front républicain s’est installé pour se répéter, surtout dans les élections locales, jusqu’à ce que les partis de gauche et leurs électeurs disent qu’ils en ont assez d’être le marche-pied de la droite, leur caution électorale.

Et voilà comment nous arrivons aujourd’hui à cette situation où de nombreuses régions sont dans l’incertitude du ralliement pour faire barrage aux candidats du RN. Et même si les partis politiques se sont montrés favorables dans certains cas comme en PACA, les sondages montrent que ce n’est pas sûr que les électeurs de gauche suivent.

Emmanuel Macron voulait effacer plus de deux siècles d’histoire de la gauche et de la droite en essayant, comme beaucoup avant lui, un panachage entre les deux.

Mais il a oublié que ces panachages sont seulement le fait de profondes ruptures comme de grands événements historiques, lorsque le peuple français fait face à un danger. Il a surévalué ses capacités à créer ce bouleversement.

Marine Le Pen n’est plus autant qu’auparavant ce diable qu’on agite comme un chiffon rouge.  D’une part parce que la France s’est « droitisée » (elle retourne vers une structuration plus proche de ce qu’elle a été majoritairement dans l’histoire française), d’autre part parce que la fille du baroudeur d’extrême droite a compris qu’elle n’accédera jamais au pouvoir sans alliances et donc sans renier à quelques fondamentaux du courant d’extrême droite. 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar

 




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