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Élis-moi, moi, laïcité !

Laïcité

Moi, laïcité, je suis harmonie; je suis possible ; je suis musique ; la musique du vivre-ensemble ; je suis l’oud dont les cordes dissemblables communient dans la mélodie. 

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi laïcité, je suis originaire de la raison et de l’intuition et non de l’opinion et de l’imagination.

Moi, laïcité, je ne suis l’ennemie ni l’amie d’aucune vérité. Tel le poète([1]), je considère seulement que du miroir divin tombé, puis brisé, de la vérité, chacun en a eu un fragment et a cru avoir tout le miroir ramassé.

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi, laïcité, je te garantis que la majorité des uns n’abolira aucune identité ; et que la minorité des autres ne justifiera aucune inégalité.

Pour moi, moi, laïcité, ta différence est singularité qui emplit l’espace immense de votre complémentarité ; et ta singularité n’attente à aucun dieu terrestre, céleste ou à quelque autre entité.

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi, laïcité, incolore, je suis eau salvatrice qui étanche ta soif du vivant; je suis la lumière qui raisonne l’ombre de tes passions ; je n’ai cure de ta couleur ou de ton origine, ne m’importe ni ton sexe ni ta doctrine.

Moi, laïcité, je te garantis que la vérité de l’un ne vaut pas plus que sa vérité et que de toutes les vérités qui excluent toutes les autres du bénéfice de la vérité, la raison, seule, est capitaine sur le navire de la citoyenneté qui scinde les eaux polies ou agitées pour atteindre l’île de la félicité.

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi, laïcité, dans mon tribunal, la justice a les yeux bandés pour décupler son impartialité ; car, la justice, la vraie, la plus impartiale, la plus sûre de toutes, est celle qui questionne et qui doute, celle qui juge le crime et non le criminel. Sous le soleil de sa raison, tu n’es pas croyant, agnostique ou incroyant ; tu n’es pas une couleur, un pays ou un continent, mais un citoyen, un homme ou une femme simplement.

Pour moi, moi, laïcité, tu peux prier le dieu que tu veux sous ton toit, offrir aux dieux de copieuses libations, vouer au ciel ou aux éléments les prières religieuses ou areligieuses gorgées d’émoi ; c’est ton droit élémentaire, pourvu que tu ne l’imposes pas à ton voisin, que tu ne cries pas sur la place publique que des identités, ton appartenance est l’or de l’identité ; ou que des croyances, ta religion est le pinacle de la piété.

Moi, laïcité, dans le champ républicain où l’école sèmera le grain du possible, pour la moisson des fruits suaves de la liberté, sur le boulevard de la rencontre, j’étalerai les œufs fragiles du vivre-ensemble pour que, dans la marche vers le meilleur de toi-même, personne ne foulera ton intégrité ; et de ton côté, le pays t’est jardin que tu dois désherber du chiendent de la certitude ; que tu cultiveras de débats et d’esprit critique; cultiveras de divergences et d’altitude… Car, moi, laïcité, je suis de la nature ; la différence est ma mère nourricière.

Pour moi, moi, laïcité, mon sacré est l’humanité. Toute vérité est à critiquer, car, pour moi, tout ce qui est enfant du langage est de l’homme et est donc soumis au scalpel et au bistouri de la chirurgie de la raison.

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi, laïcité, je suis la garante de la démocratie ; le bon sens de la majorité, la gardienne de la minorité ; la revendicatrice des ponts entre toi et tes altérités.

Moi, laïcité, je n’ai pas été forgée dans le fer rouillé de la certitude ; je suis raison, je suis mouvement, je suis entendement, je suis doute et questionnement. Modeste et ferme, je n’ai pas toujours raison, mais je me fie toujours à la raison.

Moi, laïcité, je ne suis avide ni de pouvoir ni de postérité. Moi, laïcité, je suis l’enfant de la démocratie, la sœur siamoise de la justice et de l’égalité. Notre mère se nomme aussi Différence; notre père, Entendement. Sous le soleil de leurs vertus, je t’offre un banc public à partager, une agora où discuter, une école dont la nourriture des enfants à midi abolit la géographie et transporte dans les chevaux de ses parfums le meilleur de chaque pays.

Moi, laïcité, je te demande simplement de te libérer de la tribu qui orne les barreaux de tes impensés ; et, tel un narcisse élancé qui mime de ses pétales le soleil, de répandre ton parfum sur la place publique pour livrer ta possibilité et mettre ta brique dans l’édifice de la cité.

Moi, laïcité, je me nourris du mouvement et non de la fixité. J’habite la maison de la citoyenneté. Je joins ma voix à celle de ma mère, Démocratie, et de mon père, Entendement, pour décréter : ici, la race des hommes et des femmes est leur humanité ; leur religion, la fraternité([2]).

Élis-moi, moi, laïcité !

Moi, laïcité, je suis conciliation, je suis paix, je suis libre et apaisée, mais je suis férue, presque fanatique, de l’homme et de la femme.

Moi, laïcité, je suis harmonie; je suis possible ; je suis musique ; la musique du vivre-ensemble ; je suis l’oud dont les cordes dissemblables communient dans la mélodie.

Louenas Hassani (écrivain)

[1] Inspiré d’une citation de Djal Djalāl ad-Dīn Rûmi.

[2] « Ma race : la race humaine. Ma religion : la fraternité.»  Aimé Césaire.

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