On croyait que ce n’était que le fait des hommes politiques populistes mais c’est maintenant celui des dirigeants des méga-entreprises qui veulent gérer le monde et qui commencent à y parvenir, du moins le pensent-ils et en font leur objectif.
Parmi ceux-là le milliardaire Elon Musk dont on connaissait les fantasques apparitions qui ont mené jusqu’au délire qui l’ont rapproché de Donald Trump, son double parfait.
L’objectif de cette chronique n’est pas d’autopsier l’homme dans toutes ses facettes et péripéties, chacun peut en constater la réalité dans les médias. Ce qui m’intéresse aujourd’hui est l’immense hypocrisie de ce personnage atypique en ce qui concerne son idéologie revendiquée, celle du libertarisme.
C’est au début du XXème siècle que cette philosophie est apparue aux Etats-Unis, très peu connue en Europe. Dans sa traduction française le mot trouve sa source dans le courant « libertaire », une variante de la pensée politique anarchiste.
Comme ce dernier, le libertarisme a pour base idéologique de s’opposer à toute forme de contrainte dont la plus emblématique, la présence d’un état trop puissant et trop interventionniste. Pour les libertariens l’état doit se cantonner dans des interventions minimales dans la vie des citoyens. Nous en trouvons un exemple emblématique, celui du très connu clivage sur le débat concernant les armes dans lequel les libertariens soutiennent la libre disposition et usage pour l’autodéfense individuelle.
Ainsi, si l’anarchisme et le libertarisme combattent la mainmise de toutes les institutions d’État, ce n’est vraiment pas pour le même objectif tant il est radicalement opposé. Pour résumer assez grossièrement (mais en restant juste dans le fond) l’anarchisme se localise surtout dans les mouvements historiques d’ultra gauche.
Dans cet état d’esprit doctrinal du libertarisme, comment le milliardaire ne pouvait-il pas être admiré et soutenu par tout ce que représente l’extrême droite américaine, ultra conservatisme et puritaine (dans le discours). Entre autres identifiants, la réussite et la puissance financière sont la marque d’un homme fort capable de prendre la tête d’un pays pour y reproduire la même compétence et mettre l’État dans un rôle très marginal sinon dans une disparition quasi totale.
Elon Musk est l’opposant de tout ce qui se rapproche des mouvements sociétaux qui sont à l’opposé de la doctrine conservatrice et puritaine. Il exècre et combat le wokisme, le mouvement LGBT, l’avortement et toutes les autres formes d’avancées sociétales. Il est ainsi la caricature d’une extrême droite florissante dans le monde actuel. Ami de tous les dirigeant populistes de la planète, nous avons en lui une parfaite représentation du mouvement de pensée et de pouvoir qui est en expansion fulgurante.
Mais si nous revenons à la volonté de réduire l’état à sa plus petite expression, Elon Musk est le plus grand des hypocrites. Lui qui veut supprimer toute présence de l’Etat dans les médias, l’éducation et les affaires avait reçu des aides de l’État dès le départ de la construction de son empire même si les premiers financements proviennent de la réussite de PayPal dont il était co-fondateur.
Par la vente de ses parts il détenait un pactole très important mais cependant loin d’expliquer à lui-seul l’extraordinaire ascension vers le titre d’homme le plus riche au monde.
Une enquête du Los Angeles times avait estimé qu’en 2015, Tesla, SpaceX et SolarCity, les fleurons de son groupe, avaient reçu près de cinq milliards de dollars d’aides gouvernementales quelles qu’en soient les formes.
Ces aides se sont multipliées durant les périodes ultérieures. Une confirmation en est donnée par le groupe Good Jobs First dont l’outil Subsidy Tracker suit et milite contre les subventions aux grandes compagnies. Nous pouvons nous étonner que ce soit Elon Musk, grand pourfendeur des interventions de l’Etat, qui soit sur la liste de cette organisation militante censée partager ses idées.
Mais l’immense aide gouvernementale provient surtout des contrats gouvernementaux qui ont fait exploser les montants. On estime que SpaceX a obtenu près de 15 milliards de dollars de contrats, principalement avec la NASA.
Dès 2016, de nombreuses enquêtes et reportages ont prouvé qu’en l’absence du financement de l’agence, la jeune entreprise aurait fait faillite huit ans plus tôt.
Et cela s’est poursuivi pour tous ses projets. Époustouflant ce que nous révèlent les montants générés de toutes parts car il n’y a pas que la provenance gouvernementale mais aussi celle de certains États. Entre autres exemples, celui du Texas pour la localisation du centre spatial de SpaceX et l’investissement de l’État de New York pour un montant de 750 millions de dollars dans le projet de fabrication de panneaux solaires qui en avait couté 900 millions, c’est-à-dire presque la totalité.
Et nous pourrions continuer durant plusieurs pages du journal pour recenser les montants considérables en subventions et contrats publics.
Monsieur Musk, vous pouvez remercier le contribuable américain pour ses impôts de vous avoir permis d’arriver au sommet de la fortune et de l’extravagance. Les impôts, ce financement d’État qui vous est insupportable.
En plus de vos idées d’extrême droite très repoussantes, vous êtes la définition parfaite du culot.
Boumediene Sid Lakhdar