Mali, Guinée, Burkina Faso, Tchad, Soudan et maintenant le Niger. En trois ans, sept coups d’États ont eu lieu en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Des bouleversements qui créent une zone d’instabilité.
Prenez une carte de l’Afrique et coloriez en rouge tous les pays où les pouvoirs en place ont été renversés ces dernières années. Vous retrouverez, la Guinée, le Soudan, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso, et le Niger. De la façade Atlantique à l’Océan Indien, une bande rouge barre l’Afrique et la coupe en deux sur une longueur de 6 000 km. On appelle cela la « coup belt », la ceinture des coups d’État. Elle crée une zone d’instabilité, avec des pouvoirs en mal de légitimité interne, et externe, des pouvoirs généralement tentés d’aller chercher vers la Russie, grand pourvoyeur d’armes, peu regardant sur les questions de démocratie, le soutien international que leur refusent les pays occidentaux. Des pays riches en matières premières, stratégiquement importants, traversés par des couloirs de contrebande et de migrations vers l’Europe, et bien souvent aussi en proie à des insurrections locales.
Dans cette diagonale d’instabilité le Niger est le dernier domino à tomber et on voit bien à quel point ce pays – pourtant enclavé et l’un des plus pauvres au monde – est stratégiquement si important. On peut le mesurer notamment à la durée de cette séquence, depuis le début de la séquestration du président Mohamed Bazoum, le mercredi 26 juillet. Le Tchad est aussi confronté à une rébellion et une crise économique. Mahamat Déby a pris le pouvoir il y a deux ans après la mort de son père Idriss Deby. La France a avalisé le putsch du fils Deby, contrairement aux autres coups d’Etat qu’elle a systématiquement dénoncés. Le Tchad est d’ailleurs le dernier pays où la présence française est acceptée au Sahel. Pour éviter tout pronunciamiento, Mahamat Deby vient de promouvoir une nouvelle vague de militaires, après avoir mis en retraite forcée d’anciens généraux de l’armée tchadienne. De quoi refonder un système d’allégeances, face à un paysage politique morcelé.
Le Niger est une base stratégique pour des pays influents
On en est à presque trois semaines de médiations et d’incertitude sur l’issue de ce coup d’État. Le Niger est un pays stratégique évidemment pour la France, mais aussi pour les États-Unis qui y disposent de plusieurs bases militaires, notamment pour les drones. Plus de 1500 soldats français et quelque 1 100 soldats américains y sont stationnés, et c’est du Niger que les États-Unis opèrent pour l’essentiel de leurs interventions militaires en Afrique, de la Libye au Soudan. Comme au demeurant la France, obligée par les putschistes maliens et burkinabé de quitter leurs bases dans ces deux pays.
Chaque prise de pouvoir dans les pays de la ceinture des coups d’État s’est traduite par une arrivée de mercenaires de Wagner, supports providentiels pour ces régimes fragiles. Pour les États-Unis, comme pour la France, le Niger représentait le dernier tampon pour éviter une continuité de terrain pour les paramilitaires russes en Afrique. Septième producteur mondial d’uranium, le pays possède de quoi attiser les convoitises. À chaque coup d’État, l’effet de contagion est quasi immédiat sur les pays frontaliers. Avec la déstabilisation du Niger, c’est aujourd’hui vers le Tchad – dernier pilier français au Sahel – mais aussi vers le Sénégal en route, lui vers des élections compliquées, que tous les regards se tournent.
Ces pays sont rongés également par l’insécurité. Les djihadistes de plusieurs organisations terroristes dont Boko Haram, le Jnim ou Al Qaida y sévissent sans pitié.
L’Algérie qui partage plus de 2000 km avec ces pays suit avec inquiétude et vigilance les derniers développements survenus au Sahel. Si elle appelle à un retour de l’ordre constitutionnel à Niamey, elle refuse comme la Russie une intervention militaire de la Cédéao.
LM./francetvinfo