Devions-nous nous étonnés ? Evidemment pas. En Algérie, la liberté d’expression se réduit à deux hommes : Tebboune et Chanegriha. Tous les autres doivent se taire, y compris et surtout les avocats.
Longtemps considérés comme l’une des rares voix encore libres, les avocats justement voient leur liberté d’expression menacée de l’intérieur. Fin septembre, le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi, a publié une note interdisant aux membres du barreau de s’exprimer publiquement. Médias, réseaux sociaux, conseils juridiques diffusés à la télévision : tout est désormais encadré. Les sanctions peuvent aller jusqu’à la radiation.
La justification officielle parle de « préserver la bonne image » de la profession. Mais pour de nombreux avocats, cette décision touche au cœur même de leur rôle. « Ce n’est pas qu’un métier, c’est un front de résistance », confie un avocat sous couvert d’anonymat. Dans un pays où journalistes et militants sont régulièrement muselés, les avocats incarnent un espace de parole critique et de transparence judiciaire.
La mesure suscite l’inquiétude au sein de la profession. Certains dénoncent une ingérence inédite : transformer une obligation déontologique en injonction de silence menace la crédibilité et l’indépendance des avocats. « Comment défendre la justice si nous ne pouvons pas parler ? », interroge une avocate spécialisée en droits humains.
Cette décision illustre la tension entre discipline interne et liberté d’expression. Elle oblige les avocats à mesurer chaque mot, à peser chaque intervention, tout en restant fidèles à leur mission : défendre, informer, critiquer lorsque nécessaire.
Dans un contexte de contrôle total de tous les espaces de parole, la question est ouverte : combien de temps la profession pourra-t-elle rester un rempart contre l’arbitraire, alors que son droit à s’exprimer est désormais restreint ? La parole des avocats, fragile mais essentielle, semble désormais en première ligne.
Mourad Benyahia