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En attendant le vote des bêtes sauvages 

REGARD

En attendant le vote des bêtes sauvages 

Ainsi s’intitule l’un des chefs-d’œuvre de l’un des meilleurs romanciers africains Ahmadou Kourouma. Je lui emprunte ce titre pour mettre en exergue une situation ubuesque. 

Il existe des livres qui n’ont pas besoin de recension c’est parce que leur fiction prémonitoire prévoit le réel  dans ses moindres recompositions délétères ou peut-être le conte n’a pas pris une ride  que la réalité, hélas, n’a de cesse de le mettre en scène.

Nos dictateurs ont-ils lu « En attendant le vote des bêtes sauvages  » ? Certainement pas ! Ce n’est pas pour autant qu’ils  sont moins malins. Ils sont simplement distraits par le jeu. Pour eux, la vie est un théâtre où l’Algérie est une propriété privée, le reste est littérature. Un philosophe disait que « le pouvoir assagit « , non pas dans le sens que le pouvoir rend sage, mais il calme les ardeurs et bride la toute puissance exhibée lors des campagnes électorales.

Ce constat est vrai dans les démocraties où le pouvoir admet le contre-pouvoir. Là où sévissent les dictateurs, le pays entier ne vaut pas une once de leur nombril,  leur ombre éclipse le peuple et la volonté de celui-ci est balayée d’un revers de la main. L’abus de pouvoir verrouille les sens.

Le despote assoit son règne s’il le faut sur des ruines et gouverner des fantômes avec la complicité des grandes puissances moralisatrices, à l’insu de Dieu. Il est à la fois le scénariste, le metteur  en scène et l’acteur, le pays tout entier. « Je suis l’Algérie » disait une voix de mauvais présage. L’hypertrophie concède au peuple à peine une place de figurant.   

En attendant le vote… l’ogre fait montre des érections de force afin de piétiner pour la énième fois la volonté populaire. Dans son sac, un seul tour érodé, exhibé à chaque rendez-vous. Il appelle les figurants à se prêter au jeu sans les règles du jeu. 

En attendant le vote… les cinq visages de la honte, les cinq visages de la fausse monnaie qui ne paie ni n’achète, n’ont aucun programme à défendre sinon celui d’appeler les gens à venir voter pour rajouter des années à l’agonie du système. D’ailleurs ce magma appelé vulgairement système n’a aucune stratégie à long terme, il doit sa survie à sa capacité à se régénérer. Son cauchemar nichait dans le sommeil du peuple. Avec le réveil de celui-ci le cauchemar change de camp, il terrifie plus l’oppresseur que l’opprimé.

En attendant le vote… la résolution européenne, tombée à temps, férocement combattue par les autorités algériennes car  elle écorne l’image des décideurs soucieux de leur apparence hypocritement construite, en revanche, en vérité elle est le carburant tant espéré pour faire tourner la machinerie du complot.  Elle a permis de faire bouger certains énergumènes tapis dans l’expectative. Elle leur a fait gagner une poignée de sympathies et glaner quelques voies électorales. Face à la menace extérieure existante ou inventée, le pyromane haï redevient le pompier applaudi.  

Le contexte actuel est une scène d’affrontement des épées imaginaires. Le vainqueur est celui qui survit à l’étiquette du traître et fera persuader la majorité et les récalcitrants que c’est bien l’autre en face qui est le traître. 

En attendant le vote… les jeunes sillonnent les rues avec (Amahraz), manient le pilon dans le mortier pour sonner le glas des dirigeants grabataires actuels et à venir. 

La mémoire collective se souviendra. Elle saura choisir l’histoire dont elle se nourrira. 
 

Auteur
Khalil Aït Merach

 




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