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En finir avec la mentalité du maquis et de la guerre

Censure

Ouvrons les yeux, le monde change.

Il urge pour l’Algérie d’instaurer un esprit d’indépendance et de la paix dans la société et dans nos rapports avec d’autres pays.  

Rares sont les pays qui ont réussi leur « post-révolution » ayant naturellement succédé à la période des guerres pour l’indépendance qui ont généralement été menées dans de très dures conditions, avec leurs lots de morts et de blessés et leurs conséquences psychologiques souvent indélébiles étalées sur des décennies. Avançant avec en son sein les bas-fonds que chaque révolution enfante, les lendemains souvent déchantent, même si l’indépendance, la dignité et la liberté retrouvées occultent pour un temps tout le reste.

Les maquisards ne sont pas obligatoirement de bons gouvernants et sont même souvent de piètres gestionnaires, car de Cuba au Vietnam, en passant par presque la totalité des autres, on constate aisément que l’espoir a couramment été contrarié par les dures réalités de la vie qui ne peut aucunement se suffire d’espoir et d’eau fraîche.

Les sociétés post-indépendances subissent de plein fouet les contradictions héritées du maquis et les querelles intestines finissent par tout gangréner.

Et l’Algérie n’y a pas fait exception. Loin s’en faut. L’élimination de Abane Ramdane par ses frères d’armes a bien évidemment, et hélas !, eu une suite.

Les éliminations physiques ont continué après l’indépendance, avec notamment l’élimination de Mohamed Khider et Krim Belkacem.

L’exclusion a fait le reste, puisque les figures de proue qui ont largement contribué à la libération du pays comme Hocine Ait-Ahmed et Mohamed Boudiaf ont été emprisonnés et poussés à l’exil.

Ce climat postindépendance délétère s’inscrit en droite ligne des pratiques du maquis où les « adversaires », ou souvent de simples contradicteurs, ont été tenus à l’écart, éliminés comme Abane Ramdane ou exécutés sommairement dans la tristement célèbre « bleuite » qui a vu le colonel Amirouche (embourbé dans une opération d’intoxication montée par le SDECE) éliminer sur de simples suspicions, une matière grise hautement qualifiée qui aurait pu bâtir une grande nation après le cessez-le-feu.

Comme au maquis, les accusations de traîtrise sont brandies à tort et à travers ! Et quand les opposants ne sont pas éliminés physiquement, ils sont écartés et réduits au silence.

Ce qui nous emmène aux derniers événements survenus en Algérie avec les affaires Kamel Daoud et Boualem Sansal pris entre deux feux, leur pays d’origine et l’ancien colonisateur.

La question qu’il faut se poser, par les gouvernants en premier est : pourquoi ces deux monuments de la littérature algérienne ont eu besoin de « quémander »  une autre nationalité et tourner le dos, d’après les officiels et une partie de l’opinion, à la mère patrie ?

Ils sont dans la défiance la plus irréversible, car assurément le cordon ombilical est quelque part violemment coupé. Ils ont vu, -ils l’ont toujours exprimé »-, que la révolution est détournée, pour paraphraser une autre icône de la littérature Algérie, Rachid Mimouni pour ne pas le citer. Leur pays d’origine les ligote, ne les laisse pas s’exprimer à l’intérieur et fait tout pour ternir leur image auprès de leurs concitoyens et à l’étranger.

Cette culture d’élimination et d’exclusion, issue du maquis, subsiste toujours et elle fait des ravages malheureusement jamais évalués à leurs justes conséquences, dommages et dégradations.

C’est une véritable autre « opération bleue »,, qui s’opère et qui a pour victimes, toujours les mêmes cibles, entre militants politiques sincères et intellectuels dévoués à leur mère patrie : on peut citer Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Rachid Mimouni, et même l’auteur de l’hymne national « Kassaman » Moufdi Zakaria ; ainsi que les opposants et intellectuels d’aujourd’hui ! Même si elle n’est pas exécutée avec la même violence (éliminations physiques), elle engendre les mêmes conséquences : le pays est privé de l’apport que permettent leurs grandes compétences dans tous les domaines.

L’Algérie doit se ressaisir, car un pays qui écrase ses penseurs, ses opposants politiques pacifiques et ses créateurs ne pourra jamais avancer. C’est une lapalissade.

Continuer sur cette voie est un véritable suicide. Et ce n’est pas cette « Algérie nouvelle », formule tout le contraire de magique, où le vœu pieu se la dispute au slogan creux qui va nous démentir.

Pour se développer, se moderniser et assurer une vie décente à ses citoyens, qui rêvent de renoncer au désir d’exil collectif, il est impératif que l’Algérie reprenne contact avec ses propres enfants, en soutenant à bras le corps son élite et en lui offrant tous les moyens pour faire de leur pays l’Eden tant rêvé !

Il faut surtout stopper ces accusations de traîtrise servies à tout va afin de rassurer son élite, qui pourra ainsi s’exprimer librement et participer fortement au développement de son pays.

Le patriotisme n’est le monopole de personne !

Youcef Oubellil, écrivain

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