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En Irak, George Bush restera « Monsieur Embargo »

MEMOIRE

En Irak, George Bush restera « Monsieur Embargo »

Pour nombre d’Irakiens, leur destin est lié à celui de la famille Bush. Et tout a commencé avec « monsieur Embargo », George H. W. Bush mort vendredi, avec douze années de sanctions qui ont réduit à la disette l’un des premiers producteurs de pétrole au monde.

Pour Chamel Abdel Qader, sexagénaire au chic désuet, l’ancien président américain qui, jusqu’en 1990, avait « la confiance de la direction irakienne », a changé de visage après l’invasion du Koweït.

Car quand Saddam Hussein a envoyé à l’été 1990 son armée s’emparer du petit Etat pétrolier qu’il revendiquait comme la 19ème province d’Irak, la réponse de son ancien allié a été cinglante.

Après avoir chassé les troupes irakiennes du Koweït, revenues pour partie à pied en pleine débandade, les Etats-Unis et leurs alliés ont imposé un strict embargo à l’Irak.

George H.W. Bush est devenu un « criminel » et surtout « monsieur Embargo », assure M. Abdel Qader, attablé dans un café historique de Bagdad, sa canne à portée de main. 

L’Irak, un pays « détruit » 

La guerre du Golfe, pourtant éclair, a été « pire » que la précédente, celle contre l’Iran, qui a fait des centaines de milliers de morts de chaque côté de 1980 à 1988, affirme-t-il. 

Car, renchérit Jamal al-Atabi, 70 ans, ses conséquences ont « détruit le pays et ravagé ses infrastructures ».

Pendant 12 ans, jusqu’à l’invasion de 2003 emmenée par George Bush fils, les Irakiens, dont le pays incarnait depuis longtemps la prospérité dans la région, ont été réduits à jongler entre cartes de rationnement, salaires misérables et débrouille.

Le choc a été d’autant plus brutal qu’après les années 1970, l’Irak en plein développement avait « triplé son PIB », rappelle à l’AFP l’économiste Ahmed Sbeih.

Avec l’embargo, « le PIB est passé de 33 à 16 milliards de dollars et 193 importantes unités de production, dans les domaines industriels et pétrochimiques, ont fermé », ajoute-t-il.

Au niveau national, l’économie a été paralysée. Pour les foyers, « les gens qui gagnaient un salaire de 1.500 dollars ne touchaient même plus une centaine de dollars par mois », poursuit-il.

Pour tenter de joindre les deux bouts, tous les Irakiens se rappellent d’un proche ou d’un ami qui multipliait les emplois. Ainsi, racontent-ils, des fonctionnaires se sont retrouvés chauffeurs de taxi en dehors de leurs horaires de travail et des instituteurs sont devenus cireurs de chaussures quelques heures chaque jour.

« De George Bush père, on ne se rappelle que la mort, la souffrance, la tristesse, la famine et la destruction des infrastructures », lance M. Atabi, le visage crispé et les larmes aux yeux.

 « On assèche la mer » 

« Il avait dit: ‘on assèche la mer pour tuer le poisson' », croit se rappeler cet ancien fonctionnaire. Le « poisson », c’était Saddam Hussein, mais « ‘assécher la mer’, ça voulait dire tuer les Irakiens. C’est le peuple irakien qui a payé le prix », affirme-t-il à l’AFP.

Durant l’embargo, « on a dû manger le foin de nos ânes après le bombardement de nos écoles, nos hôpitaux et nos centrales électriques », affirme de son côté Mohammed al-Cheikh, 52 ans. « Il ne nous a rien épargné », poursuit cet homme enrôlé dans l’armée durant la première guerre du Golfe.

Et jusqu’à aujourd’hui, une part des recettes pétrolières –unique source de devises du pays– continue de partir vers le Koweït afin de le dédommager pour les dégâts occasionnés d’août 1990 à février 1991. 

Bagdad a déjà versé 47,9 milliards de dollars à environ 1,5 million de plaignants, sur un total de 52,4 milliards de dollars.

« Et après tout ça, George H.W. Bush nous a envoyé son fils (…) pour en finir avec l’Irak », ajoute M. Atabi. 

En 2003, avec l’invasion emmenée par les Etats-Unis qui a renversé Saddam Hussein, « George Bush fils a créé le chaos dans lequel nous vivons encore aujourd’hui ».

Auteur
AFP

 




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