Au Maroc, en 2020, à seulement 17 ans, lauréate du concours scientifique organisé par « l’association Maroc scientifique» et l’ambassade des États-Unis d’Amérique, Insaf Ajaanit est récompensée par un séjour éducatif au Space Camp de la NASA.
En Algérie, une jeune fille, probablement le même âge que la première, pour avoir obtenu la meilleure note au Bac 2022 dans tout le pays, obtient une Omra, une petite forme de pèlerinage à la Mecque, en guise de récompense.
Mais, objectivement, c’est quoi la différence entre un pays qui envoie son enfant à la NASA et un autre à la Omra ? Eh bien, c’est la différence qui existe entre une société qui investit dans la vie et le vivant et une autre qui investit dans la mort.
Un enfant à la NASA, brillant de surcroit, s’enquerra de la complexité du monde, des lois immuables et des mouvements qui régissent le cosmos, des connaissances poussées qui sous-tendent notre compréhension de l’univers ; il aiguisera sa curiosité créatrice, poussera au summum son interrogation ; et, plus tard, la braise de la passion brulant dans ses entrailles, il voudra, immanquablement, lui aussi, poser sa petite brique du sens dans l’immense édifice de la raison bâti par les hommes et les femmes.
Mais un enfant à la Omra est l’adulte plus tard à qui on a toujours dit, depuis la prime enfance et l’âge censé être celui de l’insouciance et de toutes les questions possibles, que la mort est plus importante que la vie. Car, oui, le pèlerinage, le grand pour le Hadj ou le petit pour la Omra, à la Mecque, après qu’il a été un rite païen, est un espace-temps où l’on pense à la mort, où l’on réfléchit le monde en terme de péché et au poids de sa pesanteur culpabilisante.
Un enfant à la Omra est un enfant en qui on tue l’envie de créer, d’inventer, de pousser jusque dans les tréfonds de son être les plus dérangeantes des questions, de douter, d’attenter aux plus rassurantes des vérités acquises et qu’il croyait évidentes…
Ce qui est désolant dans cette histoire est la réaction de la société. L’assentiment aveugle de la majorité. Sa manière de penser le monde en terme prosélyte. Il n’y a plus une once de raison dans ce moutonnement collectif, fier et assumé.
Mais, de grâce, quelle Algérie construira-t-on avec des enfants à qui on dit que la mort est plus importante que la vie ? Qu’un voyage à la Omra, afin de réfléchir à la mort, pour un étudiant studieux, vaut mieux qu’un voyage scientifique, afin de s’expliquer davantage le mystère cosmique ?
Cet enfant à qui on vient d’offrir une Omra, on ne le récompense pas. On est en train de lui expliquer, sans le recours aux mots, que la mort est plus importante que la vie ; que le savoir et intelligence de l’adolescente ne doivent pas servir pour être le préambule d’un approfondissent de quelque explication du monde, mais être assujettis au dogme, à la religion, à la certitude, à la superstition.
On est en train de lui dire qu’il est des rêves licites et autres interdits. Qu’il n’y a de raison que celle asservie par la croyance antédiluvienne, inexplicable et inexpliquée par la raison.
L’Algérie est un pays malade de son islamisme. Et c’est un euphémisme. Parce qu’avec la pensée mortifère qui a le vent en poupe, la famille qui avance a de moins en moins la possibilité de mettre son bémol de la raison dans ce magma dogmatique, étouffant et délétère.
L’islamisme est un bulldozer qui rase les identités, un rouleau compresseur de l’aliénation des masses, une machine sophistiquée de la crétinisation des foules.
Louenas Hassani