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Entre Washington, Téhéran et Doha : la diplomatie algérienne ou l’art délicat de ne fâcher personne

Tebboune Larbaoui

Face à la récente escalade militaire entre les États-Unis et l’Iran, Alger a choisi, comme à son habitude, de ne pas trancher. À travers deux communiqués successifs, le ministère algérien des Affaires étrangères s’est exprimé avec une extrême prudence, illustrant une posture de neutralité rigoureuse, mais parfois perçue comme ambiguë.

Le premier communiqué est intervenu à la suite des frappes américaines ayant visé des sites nucléaires iraniens. Sans nommer explicitement Washington, le texte se contente de « regretter l’attaque » contre les installations iraniennes, soulignant les risques d’un embrasement régional, mais en s’abstenant de désigner le responsable. Le lendemain, alors que Téhéran ripostait par une salve de missiles sur une base américaine située au Qatar,  la diplomatie algérienne a publié une seconde déclaration, cette fois pour condamner « la violation de la souveraineté du territoire qatarien », sans mentionner l’Iran.

Cette retenue dans les mots n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une tradition diplomatique fondée sur le respect de la non-ingérence, le soutien à la souveraineté des États et une volonté constante de préserver une position d’équilibre entre les puissances régionales et internationales. L’Algérie, fidèle à sa ligne historique de neutralité active, refuse de se ranger dans un camp ou de se laisser entraîner dans les dynamiques de confrontation, surtout lorsqu’il s’agit d’alliés ou de partenaires stratégiques.

Mais cette posture, bien que conforme à la doctrine algérienne, suscite des interrogations. Car à force de vouloir ménager toutes les parties, Alger court le risque d’être perçue comme frileuse, voire absente, dans un contexte où les lignes de fracture se durcissent. Dans un Moyen-Orient à haute tension, où chaque mot est scruté et chaque silence interprété, ne pas nommer les acteurs d’un acte militaire peut être interprété comme un signe de faiblesse ou de calcul diplomatique excessif.

Cela étant dit, cette prudence traduit aussi la complexité du moment. En condamnant les atteintes à la souveraineté – que ce soit celle de l’Iran ou du Qatar – sans se livrer à des dénonciations directes, Alger cherche visiblement à maintenir des canaux ouverts avec tous les acteurs. Une stratégie qui vise sans doute à préserver sa capacité de médiation et à défendre ses propres intérêts sécuritaires et économiques dans la région.

En somme, la diplomatie algérienne continue de marcher sur une ligne de crête : celle du refus de l’alignement tout en évitant l’isolement. Une posture qui relève autant de la prudence que d’un positionnement réfléchi, dans une région où la moindre prise de position peut avoir des conséquences durables. Reste à savoir jusqu’où cette stratégie du « bâton tenu au milieu », selon une expression populaire algérienne, peut tenir dans un monde de plus en plus polarisé.

Samia Naït Iqbal

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