Mercredi 4 avril 2018
Erdogan, Poutine et Rohani plaident pour un « cessez-le-feu durable » en Syrie
La Maison-Blanche a estimé que la « mission militaire » visant à éradiquer le groupe État islamique (EI) en Syrie touchait à sa fin.
Mercredi 4 avril, lors d’un sommet à Ankara (Turquie), les présidents russe, iranien et turc se sont engagés à coopérer en vue de parvenir à un « cessez-le-feu durable » en Syrie, où les trois pays se sont imposés en maîtres du jeu. Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine et Hassan Rohani se sont réunis pour tenter d’avancer vers un règlement du conflit qui ravage la Syrie au moment où les États-Unis sèment le doute sur un éventuel retrait de leurs troupes. La Maison-Blanche a ainsi estimé mercredi que la « mission militaire » visant à éradiquer le groupe État islamique (EI) en Syrie touchait à sa fin, mais elle n’a donné aucune indication sur un éventuel calendrier de retrait des troupes américaines.
Jugeant que l’EI était « presque complètement détruit », l’exécutif américain souligne que les États-Unis et leurs partenaires restent déterminés « à éliminer la petite présence de l’EI en Syrie qui […] n’a pas encore été éradiquée ». « Nous continuerons à échanger avec nos alliés et amis concernant l’avenir », ajoute le communiqué qui n’évoque à aucun moment un retrait de troupes, évoqué à plusieurs reprises ces derniers jours par le président Donald Trump.
Dans un communiqué publié à l’issue du sommet d’Ankara, Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine et Hassan Rohani « ont réaffirmé leur détermination à coopérer activement en Syrie en vue de parvenir à un cessez-le-feu durable entre les belligérants ». Ils ont en outre souligné leur volonté d’«accélérer leurs efforts pour assurer le calme sur le terrain et protéger les civils dans les zones de désescalade et de faciliter un accès rapide de l’aide humanitaire à ces zones ».
Sécuriser Minjeb
Moscou et Téhéran, qui soutiennent Damas, et Ankara, qui appuie des rebelles syriens, sont les parrains du processus d’Astana qui a notamment permis la mise en place de quatre « zones de désescalade » censées réduire les affrontements en Syrie. Lors d’une conférence de presse à l’issue du sommet, Vladimir Poutine a dénoncé un manque d’action de la communauté internationale pour trouver un règlement au conflit syrien. « Personne ne fait pratiquement rien, sauf l’Iran, la Turquie et la Syrie », a-t-il lancé. « Nous voyons de petites livraisons de l’aide humanitaire de la part de l’ONU, mais cela ne suffit résolument pas », a-t-il ajouté.
Recep Tayyip Erdogan a, quant à lui, mis l’accent sur les opérations militaires menées par la Turquie dans le nord de la Syrie contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme terroriste par Ankara, mais alliée de Washington dans la lutte contre l’EI. « Nous ne nous arrêterons pas avant d’avoir fini de sécuriser ces régions, notamment Minbej », a-t-il dit en se référant à une ville stratégique dans le nord de la Syrie où des soldats américains sont stationnés aux côtés des YPG. Hassan Rohani, dont le pays soutient activement le président syrien Bachar el-Assad, a pour sa part affirmé que « l’avenir de la Syrie [appartenait] aux Syriens ».
350 000 morts en sept ans
En dépit de la coopération qu’ils ont nouée, la quête de la Turquie, de la Russie et de l’Iran vers un règlement du conflit syrien, qui a fait plus de 350 000 morts en sept ans, patine, notamment du fait de leurs intérêts contradictoires et de divergences sur le sort de Bachar el-Assad. Signe de ces divisions, Hassan Rohani a estimé dans son discours que la ville d’Afrine, arrachée par Ankara aux YPG le mois dernier, « devrait être transférée au contrôle de l’armée syrienne ». La dernière rencontre entre les trois dirigeants sur le dossier syrien a eu lieu le 22 novembre à Sotchi, aboutissant à un Congrès national syrien dans la station balnéaire russe qui s’est soldé par un échec retentissant. Un troisième sommet, dont la date reste à déterminer, aura lieu à Téhéran, selon le communiqué publié à Ankara.
Grâce au soutien de Moscou et de Téhéran, le régime d’Assad a réussi à reprendre plus de la moitié du territoire syrien. Dans l’autre camp, Ankara a aidé des rebelles acquis à sa cause à mettre la main sur de larges pans de territoire dans le nord du pays à la faveur de l’offensive turque contre les YPG. Mais le sort de la province rebelle d’Idleb (nord-ouest de la Syrie) pourrait mettre la coopération entre Ankara, Moscou et Téhéran à l’épreuve, surtout si le régime décide de s’y attaquer. Cette région, qui est actuellement dominée par les jihadistes de l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, est une « zone de désescalade » dans laquelle la Turquie a établi plusieurs postes d’observation. « Les tensions russo-turques vont émerger à nouveau lorsque la coalition pro-régime se concentrera à nouveau sur la province d’Idleb », anticipe Elizabeth Teoman, analyste à l’Institute for Study of War (ISW).