Toutes les hypothèses pour expliquer le basculement d’un homme ou d’une femme vers un changement de personnalité hautement répréhensible, voire dangereux, ont été étudiées, depuis les sciences médicales jusqu’aux sciences humaines comme la psychologie.
Pourquoi un être humain bascule-t-il vers l’horreur et l’abjection, d’une manière subite ou progressive, alors que rien de son passé ne le laissait supposer ? Lorsqu’il s’agit d’explorer le fin fond de la personnalité humaine, je persiste à affirmer que nul ne peut avoir une certitude, par le biais d’aucune discipline de recherche. Nous devons exclure de ce doute les explications par la démence ou la vengeance, toutes les deux lorsqu’elles sont objectivement observables et attestées (donc pas enfuies).
L’ennui dans les approches des spécialistes pour comprendre les causes des basculements humains est qu’elles peuvent se lire en validation des hypothèses ou en infirmation, pourtant pour un même cas. Autrement dit, si vous prenez en compte la cause psychologique la plus retenue, soit la survenance d’un fait traumatisant dans la vie d’un homme, lointain ou plus proche, vous ouvrez toutes les portes à des spéculations hasardeuses.
Le cas d’Eric Zemmour est un exemple particulièrement parlant pour mettre en doute les explications tranchées et définitives qui nous persuaderaient par leur signature scientifique en psychologie.
Eric était un gentil garçon qui faisait partie de notre entourage sans en être un intime du cercle rapproché des camarades. Rien à priori ne laissait penser qu’il basculerait un jour dans l’abject et l’innommable. Diplômés tous les deux de l’Institut d’Études Politiques en 1979, tout dans son comportement ne pouvait faire un lien direct et prévisible avec la descente future aux enfers de l’humain.
Passons en revue un petit nombre d’explications habituelles. L’oubli ayant fait son travail nous pouvons apprendre sur Internet qu’il a fréquenté des établissements confessionnels privés et qu’il saurait parler et lire l’hébreu. Et alors ? Si tous ceux qui avaient fréquenté des établissements confessionnels basculaient vers l’horreur de la pensée, je n’imagine pas l’état de ce monde. Tout le monde ne devient pas Netanyahou.
Puis nous pourrions penser que c’est un malaise de porter ce nom et d’assumer les sous-entendus de la droite réactionnaire chrétienne française. Il se serait senti déclassé dans son état de juif ? Si tous ceux qui portent le nom de Bensousson, El Kabbach, Amar, Chekroun et autres, devaient ressentir une honte ou une rancune, la société rentrerait dans une guerre civile.
Eric Zemmour se sentirait blessé par ses deux échecs au concours d’entrée à l’ENA ? Ce serait la confirmation des propos de beaucoup. C’est vrai qu’Eric Zemmour fustige continuellement ce qu’il appelle l’intelligentsia de gauche, responsable de tous les maux de la France et qu’on penserait que c’est une rancœur enfuie. Echouer au terrible concours de l’ENA n’est ni une honte ni n’atteste d’un niveau intellectuel insuffisant car que ce serait des séquelles psychologiques pour tant de de gens, pourtant très instruits comme Eric Zemmour.
La dénonciation des élites, particulièrement de gauche, n’est ni plus ni moins l’accusation constante des mouvements populistes d’extrême droite. Eric serait là dans un discours mimétique habituel plutôt qu’explicatif de sa supposée vengeance.
En plus, il avait été l’un des auteurs de livres les plus vendus en France. Puis il fut un journaliste reconnu dans sa compétence même si ses opinions d’extrême droite étaient visibles et assumées. Comme traumatisme de non reconnaissance, nous en trouvons des plus convaincants tout de même.
Il accuse l’immigration d’être le fléau d’une invasion qui détruirait la noble histoire et culture françaises. C’est presque un gag et de l’opportunisme car s’appeler Zemmour et revendiquer le sang bleu et catholique d’un Clovis ou Philippe le Bel c’est comme si un Hamza revendiquait sa descendance de Jeanne d’Arc.
Il aurait été traumatisé récemment par la perte de son père, juif d’Algérie, ce que certains évoquent pour expliquer une radicalisation freudienne encore plus forte ? Si tous ceux qui ont la douleur de perdre l’être cher devaient plonger dans la fureur paranoïaque d’Eric Zemmour, il ne resterait plus aucun être humain sur cette terre. Puis de toute façon l’explication est irrecevable car Eric Zemmour était Eric Zemmour depuis très longtemps auparavant.
Son complexe d’un physique plutôt petit qui dans l’histoire est souvent prêté à beaucoup d’hommes pour expliquer leur rage à prouver par l’horreur et la dictature qu’ils sont plus grands, Napoléon, Hitler et bien d’autres ? Si tous ceux qui ne ressembleraient pas à Brad Pitt ou à Monica Belluchi devaient se venger par leur pouvoir sur les populations, c’est mal parti pour les millions d’autres.
Non, il ne faut pas perdre son temps à comprendre les racines du basculement d’un être humain, depuis sa sympathique cordialité et esprit jovial avec ses camarades jusqu’à la pensée immonde. C’est inéluctable que l’humanité en connaisse alors que rien ne les disposaient à l’être.
Eric Zemmour est de ceux-là, il ne faut pas s’expliquer sur le pourquoi mais le combattre avec les puissantes armes dont disposent la rationalité et les démocraties. Eric est devenu dangereux, il faut le mettre à genoux par la force légitime et l’empêcher de réussir son plan diabolique.
L’être humain est complexe, souvent imprévisible, sinon il ne le serait pas.
Boumediene Sid Lakhdar