« Les couleurs sont des actions de la lumière… » Goethe
Aller à la rencontre du peuple amérindien est une expérience inoubliable. Particulièrement dans l’État d’Oaxaca, situé au sud de celui de Puebla, au Mexique, où la population indigène est nombreuse.
Peaux burinées par l’âge, visages de statues en bronze, cheveux de jais sous les chapeaux en paille tressée, regards farouches enseignés par l’oppression séculaire et des sourires jusqu’aux oreilles. Des couleurs et des motifs sur chaque centimètre carré de tissu.
Chez les Mayas, les habits supportent les identités tribales, une vision du monde et des croyances particulières. Aucun motif n’est gratuit. Tout est symbole et tout est code. Toutes les ethnies partagent cette exceptionnelle tradition vestimentaire. L’omniprésent losange est le yaxché, l’arbre sacré qui représente le centre du monde.
Le maïs, matrice des Mayas, est pratiquement toujours accompagné du colibri. Les animaux bicéphales aux regards opposés figurent la sempiternelle dualité du bien et du mal. L’homme-jaguar des Quichés, accompagne toujours le soleil, lors de la traversée nocturne du monde caché. Le singe, personnage central du mythe du peuple Cakchiquel, s’affiche sur les costumes de danse.
Si les Mayas portent encore haut leurs couleurs, ils ne puisent plus à la symbolique des origines. Ils ne gardent que les signes du ralliement culturel. Ce sont les conquistadors qui ont imposé aux autochtones des motifs distincts pour mieux les identifier.
Le graphisme le plus voyant est celui de l’oiseau sacré, le quetzal, qui se retrouve partout alors qu’il n’était pas représentable sous l’empire maya. Cela dénote l’influence du colonisateur et rien d’autre. Les occidentaux ont imposé le port des vêtements occidentaux aux peuples réduits à l’esclavage – afin d’influencer leurs obligés.
Dans les années 1990, lors de la Révolution dirigée par le sous-commandant Marcos, l’habillement des indiens les désignait comme cibles aux forces de la répression.
Pour casser toute résistance, on est allé jusqu’à obliger les habitants à brûler leurs vêtements traditionnels. Jusqu’à aujourd’hui, le port de ces vêtements génère toujours discriminations et inégalités. Les amérindiens ont payé un lourd tribut à ce ciblage. Dans les grandes villes, les habits traditionnels ont pratiquement disparu de la circulation. Les femmes, confinées à la sphère domestique, ont réussi à sauver cette partie de leur culture.
Le rouge et l’indigo ont laissé place à une large palette de couleurs. Les colorants synthétiques y sont pour beaucoup. Mais aussi les choix imposés par une clientèle touristique influente. Dénaturation définitive ou innovation salvatrice ? Sur les vêtements mayas se jouent les très contemporains débats touchant à toutes les traditions minoritaires de la planète.
Kamel Bencheikh