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Etre contre Bouteflika n’est pas nécessairement contre le « système »

OPINION

Etre contre Bouteflika n’est pas nécessairement contre le « système »

Relisons tous les discours de représentant de l’institution militaire, le vice ministre de la Défense, chef d’état major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, ainsi ceux du chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah, aucun d’entre eux n’a parlé à un moment ou un autre de cette deuxième république que revendique la rue chaque mardi et vendredi.

La feuille de route, tracée par l’armée consiste uniquement sur des points sur lesquels, elle n’a jamais tergiversé. Par contre les revendications du Hirak ont évolué progressivement. Rappelons que depuis la capitulation du GPRA imposée par le groupe d’Oujda en 1962, le peuple algérien a été conduit d’une manière directe  ou indirecte par un pouvoir militaire jusqu’au jour où ce déclic du cinquième mandat lui a fait comprendre que sa liberté effective ne l’atteindra que lorsqu’il se débarrasse de ce « système » instauré depuis pour édifier lui-même un Etat de « droit, républicain et citoyen.

C’est depuis cette humiliation (le 5e mandat) que le peuple s’est soulevé d’une seule voie : # Errahlou gâa. Il faut reconnaître qu’à ce jour de nombreux acquis ont été réalisés par un effort conjugué entre les citoyens et leur armée, lesquels citoyens n’ont pas cessé d’en faire appel dés les premiers instants. Cet accompagnement de l’institution militaire devait créer les bases de ce débat en se débarrassant de l’essentiel : l’arrêt inconditionnel du processus du cinquième mandat et encore plus, mise en échec de la tentative de sa prolongation en obligeant Abdelaziz Bouteflika à la démission.

La neutralisation de la « Issaba » qui conduisait le pays par des artifices extraconstitutionnels  et surtout la lutte sans merci contre la corruption qui a vu défiler de hauts responsables devant la justice voire même emprisonnés, restent des actifs considérables pour le Hirak et là commence les divergences. Pour le pouvoir en place détenu par l’armée, les objectifs ont été atteints et donc un président qui a favorisé une gestion extraconstitutionnelle est parti, il faudrait un autre pour ne pas créer un vide constitutionnel sans pour autant évoquer cette deuxième république.  Dans un de ces discours, Ahmed Gaïd Salah a rappelé que l’armée n’ pas les prérogatives de toucher à la constitution qu’il la laisse aux bons soins du futur président mais son accompagnement s’arrête jusqu’à son élection, supposé qu’il ne sera plus le premier responsable de l’armée car le président élu en occupera ce poste.    

Pour le Hirak des mardis et vendredis, il faudrait plus, car cette façon d’opérer reconduit le système en vigueur depuis l’indépendance. Une solution médiane qui pourrait être acceptable est celle de faire de ce scrutin de toute évidence imposé, une «transition présidentielle » sur laquelle le futur président s’engagera bien avant son élection d’utiliser son mandat pour réaménager la constitution  dans son équilibre du pouvoir et son verrouillage pour qu’elle ne soit plus triturée.

1- L’espoir populaire ne s’arrête pas à l’élection d’un président        

Il s’agit de rester dehors pour créer les conditions favorables pour refonder un système institutionnel  dans lequel la puissance publique est soumise au droit. L’environnement de gouvernance contiendrait des normes juridiques hiérarchisées de telle sorte que cette puissance publique s’en trouve balisée. Un tel système assurera une justice « juste et équitable » avec une juridiction indépendante. La souveraineté appartient au peuple, lequel peuple exerce le pouvoir public directement ou par l’intermédiaire de ses représentants qu’il aura à choisir lui-même en toute liberté et transparence. Dans ce système dont la jeunesse d’aujourd’hui longtemps marginalisée,  favorise l’initiative citoyenne pour en faire des citoyens socialement présents, intéressés au corps social. Il s’agit là de tout un processus qui prendra du temps et reste unique dans son modèle de manière à n’attendre de l’aide d’aucun pays limitrophe voire africain ou Arabe.

2- Karim Younes et Charfa ont des divergences avec le régime Bouteflika

Peut-on dire pour autant qu’ils sont contre le « système » en vigueur en Algérie depuis 1962 ? C’est difficile à dire puisque les deux l’ont servi et reconnaissent leur qualité de commis de l’Etat. Le premier fonctionnaire à l’éducation national, militant du front de la Libération nationale voire adjoint mouhafadh jusqu’au poste de ministre puis président de l’assemblée nationale et les mauvaises langues disent qu’il aurait pu rester au service de Bouteflika si ce n’est son soutien à Ali Benflis qui lui a permis d’accéder à ces postes. Le second n’a pas quitté le secteur de la justice jusqu’à sa mise à la retraite. Que se soit en tant que procureur sur le terrain ou ministre de la justice et garde des sceaux. Il a accompagné le regimbe Bouteflika jusqu’à son quatrième mandat en 2014. Sa brouille avec lui sur le dossier Chakib Khelil l’honore certes, mais il n’est pas le seul. Yazid Zerhouni, bouteflikiste de pur sang  a bien eu aussi des brouilles avec Chakib Khelil au moment du débat de la loi sur les hydrocarbures de 2005 sur laquelle la rue a obligé Bouteflika de l’amender par ordonnance, peut on dire aussi que cet ancien ministre de l’intérieur est contre le système qui l’ a nourri. Cela pourrait s’appliquer aussi à Ali Benflis qui lorgne sa candidature à El Mouradia.

Rappelons que Karim Younes, par qui est arrivé Charfa a fait d’énormes concessions, dit-il au nom de l’intérêt suprême de la nation. Pourrait-il aujourd’hui garantir, puisque le pouvoir ne le fait pas qu’un président élu, même en toute transparence dans ces conditions ne serait-il pas pire que Bouteflika ?

Rappelons qu’il allait au départ jeter l’éponge lorsque l’armée lui a dit « niet » aux préalables. Il a déposé un rapport dans lequel le départ du gouvernement Bedoui est bien mentionné «exigé par tous les partenaires consultés » y compris Talaie El Houriyet, à l’issue de son entretien avec le chef de l’Etat lors du dépôt de ce rapport il a déclaré à la presse qu’il avait son aval pour lever cette réserve. Hier, le porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication Hassen Rebehi a confirmé que ce gouvernement auquel il appartient ne partira pas. Finalement, les bonnes intentions de ces personnalités, pourtant crédibles n’ont-ils pas servi plus  l’establishment que ce qu’ils visent réellement : l’intérêt général ?

Avec ce gouvernement, les fonctionnaires de police, de wilaya et de wilaya-délégué ne sont-ils pas venus pour renforcer le terrain que l’autorité semble, selon son président, avoir conquis en moins d’une semaine ou conquerra dans moins de 90 jours. Même s’il est vrai que les trois ministères celui de l’Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères ne sont plus impliqués dans les élections comme avant, ils le seront par le biais de leur ramification dans 48 wilayas à travers le pays.

La manière habituelle avec laquelle a été élu le président de cette autorité indépendante, seul candidat par une levée des mains, la composante des ses 50 membres dont la majorité n’étaient hostile sinon ont soutenu au moins les quatre mandats de Bouteflika ne sont  assurément pas du tout rassurant. Mais faut-il garder espoir ?                                    

Auteur
Rabah Reghis

 




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