Evgueni Prigojine vient de solder sa vie comme il l’a toujours menée, par la violence et le sang. Il a vécu en mafieux, il disparait selon la loi des mafieux. Tenter de s’attaquer au parrain est risqué car en cas d’échec, c’est la mort assurée. Evgueni Prigojine a échoué, il savait qu’il en paierait le prix.
Evgueni Prigojine est ce que l’humanité peut enfanter de plus barbare. Et cette barbarie est le fruit du régime de Poutine et de ses atrocités.
Prigozhin n’est pas le premier dans sa macabre catégorie mais il en est certainement l’un des plus représentatifs. Comme pour tous les voyous qui sont arrivés au sommet, sa vie est un film hollywoodien, une pathétique et tragique épopée.
Essayons de dérouler le fil de sa biographie en étant le plus concis possible car la série de malversations et de crimes serait trop longue à évoquer dans un article.
De grand délinquant au cuisinier du despote
Sa carrière commence à Saint Petersburg où il vendait des hot-dogs avant de créer une franchise qui allait l’enrichir. Mais l’homme n’était pas de ceux qui en restent à cette étape et s’en contentent. Suite à des vols et autres actions frauduleuses, il est condamné à neuf ans de prison.
Puis vint sa première opportunité vers la grande réussite financière. L’État russe, en pleine transformation libérale des années 90’, avait initié pour cela un programme nommé « thérapie de choc ». Les anciens délinquants emprisonnés en ont particulièrement profité car on pensait qu’ils allaient trouver le chemin de la rédemption tout en favorisant l’économie russe par leur soif de s’en sortir. Il n’en fallait pas plus pour qu’un Prigozhin trouvât son chemin vers les sommets.
D’étape en étape, Evgueni Prigojine devint un restaurateur très connu, notamment avec son établissement luxueux de Saint-Pétersbourg qui accueillait toutes les célébrités et milliardaires que comptait la Russie en pleine expansion mafieuse.
C’est là où il connut Poutine et devint l’un des plus fidèles de son entourage. Et qui approche le maître de l’honnêteté et du combat contre la corruption, soit le détenteur du pouvoir en cette Russie, détient la clé de la porte d’entrée vers l’oligarchie et les milliards.
En toute logique il obtint son premier contrat pour fournir toutes les cantines des établissements scolaires de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Et cela en toute légalité d’une réponse à un appel d’offre public, bien entendu. Puis ce fut le gigantesque contrat d’approvisionnement des repas de l’armée russe.
Il possédait la puissance financière et l’oreille du despote, rien ne pouvait alors l’arrêter. Il passa à la constitution d’un grand groupe média puis, nous le savons, à la création d’une milice militarisée, Wagner. Cette dernière étape, très lucrative pour services rendus aux plus grands démocrates africains, finalisa pour lui une fulgurante ascension jusqu’à devenir l’un des hommes les plus puissants du pays.
Tant qu’il était loyal à celui qui avait fait roi un ancien et toujours délinquant (9 ans passés en prison), tout lui était permis. Ce qu’avait compris Evgueni Prigojine était que les affaires mafieuses devaient rester occultes, aussi bien dans leurs actions que pour ceux qui la contrôlent.
Mais un personnage aussi rustre et avide de puissance financière ne pouvait laisser dans l’ombre un ego surdimensionné. Il fit sa première erreur en dévoilant au peuple russe et au monde (par une vidéo) le visage de l’énigmatique propriétaire de Wagner, jusque-là dissimulé.
Une fois cet anonymat brisé, Prigojine, comme tous les voyous enrichis, voulait exhiber sa puissance et il le fit par son impressionnante vulgarité et sa croyance en son invincibilité et impunité.
Poutine a toujours favorisé son entourage intime à la condition qu’il lui soit fidèle. Dans un entretien célèbre, après que le journaliste lui ait posé la question « Savez-vous pardonner ? », Poutine va répondre : «Oui, sauf les traîtres ».
On ne peut pas dire que les convictions de Poutine soient des paroles en l’air, Evgueni Prigojine les a testées au prix de sa vie.
Les Algériens n’adorent que les tyrans vainqueurs
Ma grande colère, comme souvent, est tournée vers le régime algérien et la majorité des Algériens qui soutiennent cet atroce tyran.
Toujours la même histoire, embrigadés par ce régime politique, ces Algériens tombent une fois de plus dans le plus vieux piège de « l’ennemi extérieur ». L’occident étant le néocolonialiste, il faut supporter et vénérer ceux qui le combattent, soit la Russie.
Le tyran est courageux à leurs yeux, il combat cet occident coalisé qui veut anéantir un pays résistant à la corruption et à la dégénération des valeurs morales. C’est dire la supercherie et mon intarissable colère.
Elle est décuplée envers les anciens hirakistes qui nous avaient divertis par un spectacle de troubadours pendant deux ans, le vendredi après-midi, rendez-vous à la Grande poste à 14 heures. Ils se sont avérés être les plus grands adorateurs de Poutine.
Que disaient leurs pancartes et leurs cris « Dégageons la dictature pour une république libre», « Un pays civil et laïc », « Vive la liberté de pensée » et ainsi de suite. Le tyran russe est effectivement le garant de la démocratie et de la liberté de pensée.
Avec Poutine, la presse est libre, les opposants sont en droit de critiquer, les élections sont transparentes et la parole des medias entièrement au service de la vérité des faits.
Evgueni Prigojine n’a pas terrassé le tyran, il est donc un traître. Hier encore, il était le héros de la majorité des Algériens, un patriote qui se bat pour son pays contre la menace occidentale.
Il aurait réussi, ces mêmes Algériens auraient vénéré le nouveau tyran car le précédent, bien entendu, allait dans le sens contraire qu’ils souhaitaient. Evgueni Prigojine est le vaincu, il est donc le traitre qui mérite un châtiment suprême.
Au prochain Hirak, je retournerai en Algérie et en première ligne, je brandirai le drapeau russe en vociférant : « dictature, dégage ! ».
Il faut bien qu’un seul jour dans ma vie, je sois en phase avec ce pays qui m’a vu naître.
Boumédiene Sid Lakhdar
Enseignant retraité