19 avril 2024
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Expert à la télévision, est-ce une profession ? 

MEDIAS et POLEMIQUES

Expert à la télévision, est-ce une profession ? 

Dès que survient le moindre événement sur la scène politique, économique ou sociale, généralement gonflé à escient par certains animateurs des télévisions privées, on a le droit à tous les pseudo-connaisseurs du sujet ! Et fatalement, les chaînes en question, nous ressortent ad nauseam les mêmes experts prémâchés et prédigérés qui pullulent, dans les formations politiques, les universités, les institutions publiques et les syndicats, sans originalité ni épaisseur. Et souvent ignorant tout de la thématique dont ils parlent en direct live.

Pour les responsables des émissions de débats, indiquait quelqu’un au fait du sujet, faire appel à ce type d’expert, habitué des plateaux c’est s’éviter par exemple de lui recommander qu’il devra arriver à temps pour passer par la loge maquillage ; c’est aussi lui rappeler qu’il doit bien se tenir, ne pas ronger ses ongles ou tapoter son micro-cravate. S’il en a une de cravate déjà. Quand est-ce qu’ils apparaissent, ces experts de l’expertise ? Une grève dans le secteur de l’éducation ? Dans les hôpitaux ? Un fait divers ? Une défaite de l’EN, encore une ? Une déclaration d’Ali Ferkous celui-là même qui vient d’excommunier « les défenseurs des droits de l’homme, les défenseurs des droits de la femme et les démocrates » ?

Allumez une des télévisions privées et vous les verrez rappliquer. Toujours les mêmes. Compétents, peut-être, mais de là à ce qu’ils soient les seuls à commenter l’événement, c’est à voir ! A croire qu’être expert à la télé est devenu presque une profession trustée par une poignée de personnes. Un journaliste qui s’est penché sur la question a accusé les animateurs de se « repasser » ce type d’expert ou de consultant, avec le risque de les entendre ressasser ce qu’ils ont eu à dire sur des précédents plateaux de radio ou de télévision. Qui sont-ils ces « sachants » ? Dans notre pays, cela concerne quelques professeurs d’université ou du moins une petite minorité d’entre eux, en quête de «starisation». Et aussi quelques hommes politiques et ces derniers temps, des syndicalistes du secteur de l’éducation à vous en donner le tournis ! Ces gens-là veulent à tout prix passer à la télé, parler à la radio et se faire appeler «khabir», «moukhtass fi echououne kada oua kada» ou «bahit acadimi», c’est-à-dire expert, en tout et en rien, en somme. Ou appellation suprême « Douktour ». Des experts de salon, disons-le sans ambages, loin de la réalité et qui se font passer pour des stratèges aux lieux et places des compétences avérées, celles qui ont côtoyé le monde extérieur et acquis ainsi, de solides connaissances et des expériences potentielles bénéfiques.

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Défenseurs de portes ouvertes, adeptes de la langue de bois, ces aspirants-experts-économistes-politologues, en herbe, ne manquent pas d’air, si l’on en juge par leur niveau d’audace. Alors qu’ils n’ont pas vocation à le faire, ils n’hésitent jamais à donner leur avis, franco de port, face à la caméra, ou pour peu qu’on leur tende un micro. Généralement, ils manquent d’informations les plus élémentaires et les plus utiles à l’élaboration d’une vision claire des sujets qu’ils abordent. Ils ne disposent d’aucun élément pour en faire l’évaluation. Qu’à cela ne tienne, nos experts traitent tous les sujets, de manière désinvolte, avec cette facilité déconcertante qui sied aux ingénus.

Parmi eux, il y a ceux qui développent un commentaire teinté de chauvinisme étroit et se disent nationalistes ; d’autres, estampillés idéologiquement, n’hésitent pas à défendre des thèses portées par des islamistes notamment, quand il s’agit d’évoquer le sujet de la condition féminine. Tel que distillé, leur avis et c’est là que réside le danger, peut être perçu comme le sentiment prédominant dans notre pays voire même, comme la position officielle. A ce sujet, gardons toujours à l’esprit, que ces gens là, heureusement minoritaires, interviennent souvent en direct sur les ondes radios et les canaux de télévisions étrangères, et l’impact de ce qu’ils avancent, comme analyses, affirmations, fake news, ou éléments de langage redondants, se paye cash. D’ailleurs beaucoup de chaînes satellitaires s’arrachent ces experts de pacotille, dans l’espoir de faire du «buzz», au détriment de l’Algérie.

Au diable donc, la vérité ou la fiabilité des faits ou des chiffres avancés, ce qui importe pour ces médias, c’est leur intérêt et celui de leurs sponsors. La nature a horreur du vide Ces experts n’occupent-ils pas le vide laissé en la matière, par ceux qui sont censés prendre en charge la communication, qu’elle soit officielle ou qu’elle participe de l’avis intellectuel et/ou scientifique ? C’est aussi une bonne question. Ces gens-là cherchent en fait à se distinguer par une posture différente, mais néanmoins «intéressée», de l’ensemble des professeurs, pour évoquer cette catégorie de personnes, beaucoup plus préoccupés par le suivi de leurs chairs et l’avenir de leurs étudiants. Ces derniers d’ailleurs ne se sont pas trompés pour dire, avec beaucoup de retenue, que ces «professeurs-experts » gagneraient à se limiter à enseigner, plus ou moins correctement, le module pour lequel ils sont payés. Car, ce que l’on a retenu de leurs interventions passées, outre la langue de bois, c’est l’indigence du discours développé, tenant de la discussion de bureau ou du café de commerce, entre potes et collègues, où les mots fusent comme une logorrhée.

Des éléments de langage, éculés, redondants, galvaudés, qui ne font pas avancer le «schmilblick», en quelque sorte ! Quels sont leurs objectifs ? Tout d’abord pourquoi persistent-ils alors à faire des interventions très minimalistes, comme celles que font les personnes à court d’idées ? Pour ensuite, se confondre en conjectures sur des thèmes divers, sans éléments en main, pour en faire l’évaluation ? Ou, plus grave encore parler de choix stratégiques et sécuritaires, indûment ? C’est pour sortir de leur anonymat, apparaître à la télévision, épater leur famille et accessoirement se manifester auprès «de qui de droit», sait-on jamais, en cette période précisément où l’on évoque avec insistance un changement de gouvernement.

Rappelons que certains syndicalistes ont pu ainsi, à force d’apparaître à la télévision et revendiquer tout et n’importe quoi, se faire un nom et en définitive « se faire élire » à l’APN. L’intervention de ces experts se fait-elle à titre onéreux ? Perçoivent-ils des jetons ? Sont-ils mandatés pour intervenir en cette qualité ? Et par qui éventuellement ? Sont-ils connus par leurs publications ou des livres qu’ils auraient écrit et qui les conforteraient dans ce statut d’expert ? Engagent-ils directement ou indirectement l’université dont ils dépendent, ou les formations politiques dont ils relèvent ou les institutions publiques où ils émargent ? Les experts à l’exception des consultants agréés viennent en général dispenser leur savoir gracieusement. Certains ne sont pas désintéressés pour autant s’ils venaient à faire la promotion de leur dernier livre. Ce qui arrive rarement chez nous !

Aux avocats, médecins et autres professions libérales, le label « vu à la télé » permet de rabattre des clients. Aux autres, l’exposition de leur personne peut booster leur carrière. L’autre motivation, au contraire, est nombriliste selon les spécialistes qui précisent que « se faire voir à la télévision est un plaisir narcissique dont il ne faut pas avoir honte à condition d’en être conscient pour ne pas s’égarer » ! Pour en finir avec ce sujet, citant ce réalisateur de télévision qui, pour justifier la présence d’un politologue souvent invité sur les plateaux-télé a dit de lui qu’outre ses connaissances avérées, il a aussi une qualité rare : « il se tait quand il n’a rien à dire » !

Auteur
Cherif Ali

 




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