Site icon Le Matin d'Algérie

Exploitation, domination, conditionnement

REGARD

Exploitation, domination, conditionnement

De temps à autre, et cela depuis longtemps, on lit des textes niant, en Algérie, l’existence de classes sociales pour affirmer uniquement celle de clans, de tribalisme, de régionalisme, d’identités religieuses ou ethniques. Qu’en est-il dans la réalité ? Voici quelques propositions de réflexion.

Considérations générales

Les classes sociales sont niées en évoquant principalement la conception marxiste, tenant compte principalement du capitalisme et de ses deux classes sociales fondamentales. Elles forment une unité (celle d’un mode de production économique, capitaliste) contradictoire (où s’opposent des intérêts inconciliables : bourgeoisie contre prolétariat des usines). Quant à la paysannerie, elle est négligée, quand pas méprisée, tant du point de vue économique que culturel.

Les défenseurs de cette conception oublient plusieurs faits. Avant de les mentionner, commençons par définir de la manière la plus concise et fondamentale ce qui caractérise une classe sociale : c’est le regroupement d’un certain nombre de citoyens qui, agissant en tant qu’oligarchie, exploitent économiquement, et donc dominent politiquement, un autre nombre de citoyens ; ces derniers, vendeurs de leur force de travail, constituent la classe sociale des exploités-dominés.

Cette exploitation économique se base sur le fait que les membres de l’oligarchie tirent un profit du travail fourni par les membres de la classe exploitée, sous forme de plus-value. Cette notion n’est pas une invention de Marx, mais elle fut reprise par lui, en l’approfondissant, du théoricien et militant anarchiste Joseph Proudhon.

Cette précision étant fournie, on peut affirmer, alors, que les classes sociales existent depuis… l’antiquité. Dans le monde occidental, même Shakespeare le savait : il l’a montré dans sa pièce de théâtre « Coriolan », opposant les patriciens aux plébéiens de Rome. À moins de vouloir s’en tenir de manière dogmatique au schéma soit disant « scientifique » marxiste, les plébéiens et les patriciens constituaient, déjà, deux classes sociales antagonistes. N’oublions pas, non plus, la classe des esclaves.

Durant l’empire romain, les deux classes exploitées et opprimées, la plébéienne (composée de citoyens libres) ou l’asservie (constituée d’esclaves) ont livré à plusieurs reprises des luttes de résistance émancipatrice contre l’oligarchie impériale… Dans le monde extrême-oriental, existaient la classe oligarchique qui vivait aux dépens de celle exploitée et asservie des paysans ; ils étaient contraints à mettre à disposition, par l’asservissement féodal, leur force de travail ainsi qu’à verser des impôts à l’administration centrale étatique de l’oligarchie impériale.

Il est, cependant, vrai qu’au temps de Marx, le prolétariat semblait le mieux en mesure d’éliminer le système capitaliste, parce que les ouvriers des usines constituaient la classe sociale la plus organisée (en syndicats), la plus accessible aux idées émancipatrices (par la lecture des publications imprimées et par les réunions publiques), la plus consciente d’agir au sein de partis politiques. Tous ces aspects manquaient à la paysannerie, encore davantage au « lumpenprolétariat ».

Toutefois, ceux qui évoquent Karl Marx ignorent, généralement et malheureusement, d’autres théoriciens et militants de la critique et du combat pour une société humaine sans exploitation économique, à savoir et principalement les anarchistes. Proudhon a déjà été évoqué.

Il reste à parler de Michel Bakounine, l’autre très important théoricien et praticien. Dans ses écrits, il ne se limita pas à considérer le prolétariat industriel comme unique classe sociale antagoniste à celle capitaliste. En outre, Bakounine attira toujours l’attention sur les capacités de résistance et d’abolition du système basé sur l’exploitation de la paysannerie sans terre, que ce système soit féodal (tsariste) ou capitaliste (Europe occidentale).

Bakounine considéra le rôle de la paysannerie ; de même, il prêta attention aux nationalistes tendant à se libérer du despotisme impérial, par exemple la lutte de libération nationale des Polonais. Bakounine alla même jusqu’à considérer que ce que Marx et Engels stigmatisaient avec mépris comme « lumpenprolétariat », comme, au contraire, comprenant des éléments capables de prendre conscience de leur asservissement pour, ensuite, s’associer à la lutte contre le système oppresseur.

Ainsi, la lecture des écrits et de la pratique de Bakounine prouve que ce dernier n’aurait pas été surpris, mais conforté dans ses analyses, en voyant, en Algérie, des paysans et des éléments du « lumpenproletariat », tels Ali La Pointe, prendre conscience de leur condition d’exploités, et combattre pour éliminer le système colonial au nom d’une libération nationale, quitte, ensuite, à approfondir cette dernière en se libérant socialement d’une oligarchie exploiteuse autochtone.

À propos de paysans comme classe révolutionnaire, rappelons que le marxiste Staline avait méprisé son rôle en Chine, et considéré celui qui avait reconnu et théorisé ce rôle comme un vulgaire « chef de bande », Mao Tsé Toung. Rappelons encore plus : contrairement aux prévisions « scientifiques » de Marx et d’Engels, la première révolution anti-capitaliste eut lieu dans un pays où industrie et prolétariat étaient nettement minoritaires, alors que la paysannerie était majoritaire : la Russie.

En ce sens, l’action de Lénine fut totalement anti-marxiste, plus exactement de type blanquiste (un coup d’État), ce Auguste Blanqui méprisé par Marx, mais respecté par Bakounine. Enfin, n’oublions pas la première longue période durant laquelle les marxistes français (et leurs corollaires algériens)  des partis « communistes » correspondants ont dénoncé la lutte patriotique algérienne comme un aventurisme, jusqu’à aller, pour le parti français, à voter les mesures spéciales autorisant l’envoi de militaires pour réprimer la « révolte ». C’est dire jusqu’où peut porter l’aveuglement idéologique caractérisé par la méconnaissance d’une réalité, et, comble de l’ironie, aveuglement idéologique de la part de personne qui dénonçaient avec la plus grande véhémence la mentalité idéologique, au nom d’une conception « scientifique ».

Il est vrai qu’un cerveau aussi éclairé que celui de Jean-Paul Sartre commit l’erreur de parler de parler d’« horizon indépassable » à propos du marxisme ; cependant, il eut l’intelligence de reconnaître rapidement la légitimité du combat algérien anti-colonial. Notons que les anarchistes français, eux, ont dénoncé le colonialisme dès son apparition en Algérie, et une partie d’entre eux a soutenu la guerre de libération nationale dès son déclenchement, tandis que d’autres se sont abstenus pour le motif que la nature de sa direction politique laisserait prévoir l’institution d’une oligarchie autochtone dominatrice, après l’indépendance (1).

Dès lors, il reste aux marxistes, s’ils en sont capables (ils le seront s’ils ont la modestie de l’authentique homme de science, capable d’examiner les faits, même quand ils contredisent ses conceptions personnelles) de lire les écrits et connaître les actions de ceux qui eurent le mérite de contester des aspects fondamentaux erronés des théories et des actions politiques de Marx de son vivant ; les critiques anarchistes de ce dernier ont montré une connaissance pratique plus adéquate de ce que sont les exploités et les opprimés, quelque soit leur insertion dans un quelconque système de production économique.

Des réalités algériennes

Malheureusement, en Algérie, beaucoup plus qu’ailleurs, presque la totalité des progressistes sont des marxistes, mais comme Karl Marx lui-même ne les voulait pas. De son vivant, à propos de ceux qui se déclaraient marxistes, il eut cette boutade : « Tout ce que je sais, c’est que moi je ne suis pas marxiste ». Il signifiait par là que lui était débord un chercheur, et donc susceptible de changer d’avis en fonction de l’étude des réalités et du développement du processus cognitif, tandis que ses suiveurs se contentaient de considérer uniquement ses conclusions comme définitives et infaillibles, puisque « scientifiques ». De là s’explique la médiocrité dogmatique dans laquelle est tombé le marxisme, déjà du temps de Marx, au point d’accoucher de monstruosités.

Elles commencèrent par les déclarations et actions de Marx et Engels eux-mêmes contre leurs critiques anarchistes. Elles continuèrent avec les bolcheviques qui s’emparèrent du pouvoir étatique en Russie, en éliminant les soviets libres de travailleurs et de soldats. Le comble fut atteint avec ces caricatures que furent les États « socialistes » ou « communistes ». Il a suffit d’environ soixante-dix ans pour constater les lamentables – et tragiques – échecs.  Lesquels furent explicitement prévus et déclarés par les adversaires principaux de Marx et Engels, en l’occurrence Proudhon et Bakounine.

Malheureusement, les marxistes, en bons « marxistes », ignorent avec dédain ce que leur maître avait stigmatisé de « petits-bourgeois idéalistes », en s’auto-déclarant créateur du « socialisme scientifique ». Encore une fois, il ne reconnut pas que le premier qui employa ce terme ne fut pas lui mais Joseph Proudhon. Cependant, Marx, après avoir sollicité avec insistance la collaboration de Proudhon puis de Bakounine, et constatant leur refus, basé essentiellement sur le refus de créer une « nouvelle religion » (Proudhon) et une nouvelle « caste étatique oppressive » au nom d’une « prétendue science de savants » (Bakounine), après ces refus donc, Marx calomnia de manière absolument ahurissante ces deux théoriciens et praticiens anti-capitalistes. Cette calomnie fut telle que les marxistes (j’en fus un dans mon adolescence) ignorèrent avec mépris les écrits et les pratiques de Proudhon et de Bakounine.

Aussi, parmi les auteurs étrangers, il serait utile de connaître, outre les écrits de Marx et d’autres penseurs et/ou militants anti-capitalistes, également des auteurs comme Proudhon, Bakounine, Malatesta, Kropotkine.

Peut-être, alors, que les réalités algériennes deviendraient plus claires à comprendre : de  l’antiquité jusqu’à celles actuelles, en passant par l’époque coloniale, la guerre de libération nationale, le surgissement de l’autogestion sociale, son étouffement par le capitalisme étatique, et l’actuelle situation.

Considérations particulières

S’il est normal de voir des membres d’une oligarchie évoquer des « clans », du « tribalisme », du « régionalisme », ou encore l’identité religieuse ou ethnique comme causes principales des conflits sociaux en Algérie, il est curieux de voir des Algériens se considérant anti-oligarchiques, d’une part, dénoncer les catégories conceptuelles coloniales (clans, tribus, régionalismes, identité religieuse ou ethnique), tout en employant, d’autre part, ces mêmes termes pour rendre compte de réalités algériennes, passées ou actuelles.

Comme si, en Algérie, on serait demeuré dans la préhistoire, parce que manquent l’industrie et le prolétariat, autrement dit la « civilisation » ! On est certes encore dans la préhistoire, mais seulement dans la mesure où l’être humain le plus fort exploite et domine le plus faible ; mais cette situation est universelle, et elle n’est pas causé par un clan, mais par une oligarchie. Celle-ci prend des formes concrètes en fonction des spécificités de la nation, économiques et culturelles.

La facilité avec laquelle ce terme de « clan » est employé, en voulant rendre compte des réalités algériennes, cette facilité n’est en aucune manière indicative de la pertinence de ce terme, encore plus quand il est employé dans une analyse qui se veut « scientifique » et émancipatrice.

Certes, les réalités sociales algériennes montrent l’existence de clans, de tribus et de régionalisme. Mais ces aspects n’existent-ils pas dans d’autres nations ?… La Belgique ou l’Italie capitalistes ne connaissent-elles pas des régionalismes ? L’oligarchie impérialiste états-unienne n’est-elle pas sujette à des clans, s’opposant les uns les autres, et cela depuis la fondation des États-Unis, et pas seulement actuellement ? Que sont donc ces clans sinon des composantes d’une même oligarchie hégémonique, lesquelles composantes s’opposent sur la manière d’exploiter-dominer, mais sont solidaires quant au but : exploiter-dominer ?

Certes, des mentalités tribales existent en Algérie. Mais sont-elles déterminantes dans le fonctionnement et la dynamique de la nation algérienne actuelle ?… Quant aux conflits causés par des mentalités ethniques et religieuses, n’existent-ils pas dans une nation comme les États-Unis, pourtant pays capitaliste le plus développé ?

Certes, la guerre de libération nationale algérienne fut entreprise par l’ensemble du peuple algérien, avec ses différentes composantes : travailleurs manuels paysans et ouvriers, employés, petits propriétaires, etc. Et, au service du système colonial, il y eut une minorité d’Algériens harkis : des militaires incultes d’origine paysanne sans terre jusqu’aux administrateurs et propriétaires terriens tels le bachagha Boualem.

Cependant, ces faits infirment-t-ils l’existence des classes et de la lutte des classes ?… Oui, si l’on est enfermé dans le schéma dogmatique marxiste. Non, si l’on considère ces autres paramètres : existence d’exploiteurs-dominateurs et d’exploités-dominés, et, comme conséquence, lutte entre ces deux composantes. Serait-il non pertinent de parler, alors, de deux classes sociales, l’une exploiteuse-dominatrice coloniale et l’autre exploitée-dominée colonisée ?… Si l’expression « classe sociale » dérange, employons une autre, telle « composante sociale » ; l’important est d’utiliser des mots capables de rendre compte convenablement des réalités. Quant à la lutte entre ces classes ou composantes sociales (l’une pour exploiter-dominer, et l’autre pour s’affranchir de cette emprise), elle est évidente. Il est toutefois vrai que la jouissance de privilèges sociaux peut aveugler une personne sur l’existence de cette lutte antagoniste.

Dès lors, pour comprendre une formation sociale (une nation) quelconque, quelque soit son niveau de développement économique et de ses rapports de production, n’est-il pas plus pertinent de l’analyser à partir de ces deux critères fondamentaux : exploiteur-exploité ?… Alors, on ne sera plus limité à ne considérer que le prolétariat industriel dans une société fortement industrialisée ; alors, on s’affranchira d’une vision ethnocentriste occidentale (européenne, marxiste), pour parvenir à une vision planétaire et plus conforme aux réalités sociales. Non seulement !

Les deux paramètres exploitation/domination permettent, en outre, d’analyser également d’autres types de relations sociales, notamment celle entre homme et femme et celle entre parents et enfants. Dans le premier cas, l’homme exploité-dominé (comme travailleur salarié) est, en même temps, un exploiteur-dominateur de son épouse. Dans le second cas, des parents peuvent fonctionner comme exploiteurs-dominateurs de leurs enfants.

Aussi, pour en revenir à l’Algérie (ou à d’autres formations sociales non développées industriellement), il est nécessaire d’examiner ce qui existe derrière les clans, les tribus, les identités régionales, ethniques, religieuses. Il est également nécessaire d’examiner, dans les pays industriellement développés, quelle fonction jouent les mentalités claniques ainsi que les identités ethniques, régionales ou religieuses. En effet, en première (ou en dernière analyse), qu’est-ce qui détermine ces phénomènes ?… N’est-ce pas l’existence d’une  partie oligarchique hégémonique (ou qui veut le devenir en éliminant celle existante) ? Et comment se réalise cette hégémonie sinon par l’exploitation économique de la majorité des citoyens ? Or, comme nous l’avons dit au début, là est le critère de définition d’une classe sociale : par le fait qu’elle exerce ou subit l’exploitation économique avec ses corollaires que sont la domination politique et le conditionnement idéologique.

Il n’est donc pas nécessaire que l’Algérie soit l’Angleterre capitaliste du temps de Marx, avec un secteur industriel principal et un prolétariat consistant, pour y trouver des classes sociales. Celles-ci existent sous d’autres formes. Toutes les personnes qui vendent leur force de travail manuel (ou intellectuel) en échange d’un salaire constituent la classe laborieuse manuelle (ou intellectuelle), dont le propriétaire, privé ou étatique, des moyens de production tire profit. Toutes les personnes qui profitent directement de cette force de travail en tirent une plus-value, et représentent donc une classe d’exploiteurs. Enfin, toutes les personnes qui servent de « courroie de transmission », au service des propriétaires, pour gérer cette masse de salariés, constituent cette classe moyenne (inférieure, intermédiaire ou supérieure). Sans oublier ce « lumpenprolétariat », plus exactement ces personnes qui n’ont pas même la possibilité de vendre leur force de travail, et qui se rabattent sur des activités plus ou moins licites.

 

Critères fondamentaux

Élargissons au maximum le problème. À un certain moment, l’espèce humaine s’est divisée entre  maîtres et esclaves. Les formes d’existence de ces deux catégories ont changé avec l’évolution historique. Cependant, encore aujourd’hui, en Algérie comme ailleurs sur la planète, une minorité d’êtres humains jouit de l’exploitation exercée sur une majorité d’êtres humains. Que cette exploitation prenne des aspects divers, selon l’époque et la nation, que ces aspects se manifestent sous forme de clans, de tribus ou autre (sans oublier les formes religieuses ou ethniques), il n’en reste pas moins qu’à la base de toutes ces formes se trouvent, d’une part, des exploiteurs-dominateurs et, d’autre part, des exploités-dominés. Le perdre de vue ou l’occulter, c’est faire le jeu, involontairement (par ignorance) ou volontairement (par manipulation), d’une oligarchie.

D’ailleurs, Marx (et ses suiveurs) a failli en ne reconnaissant pas ce que déjà ses adversaires anarchistes avaient critiqué et dénoncé : la naissance d’une oligarchie de prétendus « savants » et « scientifiques » de la transformation sociale, oligarchies constituées de… marxistes, dans les pays dits « socialistes », « communistes » ou de « démocratie populaire ». Ce déplorable et inédit fait ne doit-il pas, enfin, servir de leçon pour comprendre les réalités sociales, qu’elles soient en Algérie ou ailleurs, dans le passé comme dans le présent ? Pour y parvenir toutes les contributions sont utiles, aussi bien autochtones (telles celles d’Ibn Khaldoun, de Frantz Fanon, d’Albert Memmi, etc.) qu’étrangères, sans aucune exclusion dogmatique. La connaissance scientifique, y compris des formations sociales (nations), est universelle, parce que l’espèce humaine, au-delà des spécificités nationales, est, elle aussi, universelle. Et, malheureusement, sont également universelles l’exploitation économique, la domination politique et le conditionnement idéologique.

Ne sont-ils pas là sont, tout d’abord, les trois maux de toute communauté humaine ? Toute analyse sociale, quelque soit le pays et l’époque, ne devrait-elle pas  partir de là, si cette analyse veut réellement comprendre et servir l’émancipation humaine ? Alors, au lieu de jouer au perroquet de tel ou tel « homme célèbre », efforçons-nous d’imiter les meilleurs d’entre eux. Nos lectures et observations empiriques diverses ne devraient pas être dogmatiquement conditionnées par nos inclinations subjectives et notre positionnement dans le système économique. Au contraire, nous devons recourir à notre propre capacité d’observation empirique des réalités, en nous efforçant à imiter seulement l’attitude du scientifique devant l’objet examiné : sans préjugé aucun pour comprendre et rendre compte des fonctionnements et dynamiques sociales.

À ce sujet, reconnaissons un fait : quelques soient les mérites de Karl Marx et de son compagnon Friedrich Engels (et de leurs disciples), la fréquentation de leurs écrits portent le lecteur généralement à penser avec la tête de ces auteurs, tandis que la lecture d’auteurs anarchistes (comme Proudhon, Bakounine, Kropotkine et Malatesta) portent le lecteur à penser avec sa propre tête. Dès lors, lisons les écrits marxistes avec des yeux anarchistes, afin de réfléchir avec notre libre et personnelle raison. N’est-ce pas cela la créativité authentique ? Et si l’on commet des erreurs, nous disposons, répétons-le, de la modestie du scientifique, toujours prêt à modifier ses théories pour les conformer avec les réalités nouvelles, en vue de diminuer les erreurs d’appréciation.

Dans le domaine social, cette démarche est possible si l’on considère tout d’abord le triptyque constitué par ces trois paramètres fondamentaux : exploitation économique, domination politique, conditionnement idéologique. Alors, l’analyse devient plus claire quelque soit l’aspect considéré : nation, classe sociale, groupe social, jusqu’à la famille ; alors devient plus claire l’examen des catégories comme « clans », « tribus », identité ethnique, religieuse ou sexuelle. Jusqu’à la psychologie, tant individuelle que collective, quelque soit le modèle culturel où elle est insérée, qui devient plus claire à appréhender. Alors, les diverses opacités derrière lesquelles se cachent les oligarchies, quelque soit la nation, deviennent compréhensibles.

K. N.

Email : kad-n@email.com

Renvoi

(1) Voir  L’anarchisme, ce quasi-inconnu en Algérie.

 

Auteur
Kaddour Naïmi

 




Quitter la version mobile