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Expulsions de fonctionnaires par Alger : quelle réponse de Paris ?

France Algérie

La crise diplomatique entre la France et l’Algérie franchit un nouveau palier, sur fond d’expulsions croisées et d’accusations de manquements diplomatiques. L’Algérie vient de décider l’expulsion de 15 fonctionnaires. Paris promet une réponse à cette mesure.

La brouille diplomatique entre Paris et Alger s’intensifie. Ce lundi, la France a dénoncé une nouvelle vague d’expulsions de fonctionnaires français par les autorités algériennes, une décision jugée « brutale » et « incompréhensible » par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Celui-ci a promis une réponse « immédiate, ferme et proportionnée ». Beaucoup d’interrogations surgissent après cette réponse ? Sommes-nous à la veille dun point de non-retour ?

Car, au risque d’aboutir à une rupture diplomatique, les leviers de pression de la France sont limités. Pour autant, la France invitera-t-elle l’Algérie à fermer par exemple une partie de 20 consulats ? Ou ira-t-il jusqu’à réduire drastiquement le nombre de visas pour les Algériens. Mais cette dernière option a ses limites puisqu’il est possible pour les Algériens de solliciter des visas auprès d’un des 27 pays de l’Union européenne et rejoindre la France ensuite.

Il reste les visas pour les hiérarques du régime et leurs enfants établis en France, ainsi que la question des nombreux biens acquis par les pontes du régime dans le pays. Ou simplement, procéder de même qu’Alger : demander le départ de 15 fonctionnaires algériens.

27 fonctionnaires français expulsés

Le chef de la diplomatie française a déclaré hier lundi que « le départ d’agents en mission temporaire est injustifié et injustifiable ». Il s’agit, selon Paris, de personnels du ministère de l’Intérieur déployés pour une mission de renfort. Leur nombre exact et la date de leur départ n’ont pas encore été précisés.

La mesure a été notifiée dimanche au chargé d’affaires français à Alger, convoqué par le ministère algérien des Affaires étrangères, en l’absence de l’ambassadeur Stéphane Romatet, toujours à Paris pour consultations après avoir été rappelé en avril.

Selon l’APS, Alger exige désormais le « rapatriement immédiat » de tous les agents français « nommés dans des conditions irrégulières ». L’Algérie accuse la France de « manquements flagrants et répétés » aux règles en vigueur en matière d’accréditation diplomatique, dénonçant notamment l’absence de notifications officielles et de demandes d’agrément appropriées.

En parallèle, Alger reproche à Paris de bloquer la nomination de deux consuls généraux algériens à Paris et Marseille, ainsi que de sept autres diplomates en attente de validation depuis plus de cinq mois.

Ce nouvel épisode survient dans un contexte de tensions persistantes entre les deux pays. Mi-avril, Alger avait déjà déclaré persona non grata douze agents français du ministère de l’Intérieur, les sommant de quitter le pays sous 48 heures. En représailles, la France avait expulsé le même nombre de diplomates algériens et rappelé son ambassadeur.

La crise diplomatique s’enracine dans une série d’événements tendus remontant à l’été 2024, lorsque le président Emmanuel Macron avait exprimé son soutien à un plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, une position vivement contestée par Alger, soutien historique du Front Polisario. L’Algérie avait alors rappelé son ambassadeur à Paris.

À l’automne, l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à Alger pour des propos jugés « attentatoires à l’intégrité du territoire » avait ravivé les tensions. Début 2025, les relations se sont encore détériorées après le refus algérien d’expulser certains influenceurs ciblés par Paris.

De son côté, la France reproche à l’Algérie de ne pas coopérer dans la reconduite de ses ressortissants en situation irrégulière, visés par des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Dimanche, dans une interview conjointe à France InterFrance Télévisions et Le Monde, Jean-Noël Barrot a reconnu que les relations bilatérales étaient « totalement gelées » depuis mi-avril. Cette situation marque un des points les plus bas dans les rapports entre l’ancienne puissance coloniale et l’Algérie indépendante.

Malgré une tentative de réconciliation initiée début avril par les présidents Macron et Tebboune, les échanges sont restés infructueux. La dernière escalade pourrait durablement compromettre les efforts de normalisation entre les deux rives de la Méditerranée.

Sofiane Ayache

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