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ExxonMobil s’est débarrassé du volet social

Achat de la raffinerie d’Augusta par Sonatrach 

ExxonMobil s’est débarrassé du volet social

Mercredi dernier, le PDG de Sonatrach a lancé en grande pompe que l’entreprise qu’il gère vient de signer un accord de principe avec Esso Italiana (filiale du groupe américain Exxon Mobil) pour l’achat de la raffinerie d’Augusta, en Sicile, d’une capacité de traitement de 198.000 bbl/j (soit environ 8 tonne/j) et de trois ports où les tankers peuvent accoster pour charger ou décharger du pétrole brut et des produits pétroliers en Italie, plus précisément à Augusta, Naples et Palerme ainsi que de leurs systèmes d’oléoducs associés, offrant une capacité de stockage supplémentaire 565.000 barils de gasoil 309.000 barils d’essence.

Un projet qui s’inscrit dans une stratégie de développement à l’étranger, a expliqué son P-DG, Abdelmoumen Ould Kaddour, aux « Echos ». Pourquoi cette primeur des détails au quotidien français et pas à un quotidien national notamment El Moudjahid. Il s’agit là d’une affaire de forme qui montre l’empressement du concerné de rendre compte à la France et non au propriétaire de l’entreprise dont il a la charge. Cette transaction selon des sources proche de l’aval pétrolier devrait revenir à Sonatrach pour près de 850 millions de dollars sans compter le coût  social pour maintenir en poste près de 660 travailleurs toute catégorie socio professionnelle confondue.

Pour une capacité de 8 millions de tonnes avec un contrat d’enlèvement du type offtake, cela paraît rentable sur la base des hypothèses retenues par l’acheteur dans ses calculs de rentabilité. Or, la Sonatrach pour comparer le traitement du pétrole dans les deux régions, avance un coût de raffinage de 15 dollars le baril contre 6 dollars seulement pour son partenaire en Italie. Serait-il concevable d’admettre que Sonatrach qui dispose d’une matière première à la portée de la main, d’un équipement (battery limit investment, utilities etc.) complètements amorti, de l’eau, de l’électricité pour le refroidissement et la vapeur subventionnées par le trésor public est comparable en Italie où il faut acheter le brut entre 540 à 500  dollars la tonne, supporter les frais de son stockage, acheter l’eau l’électricité à son prix réel. Le coût moyen de raffinage dans toutes les régions du monde se situe dans la fourchette de 5 à 12 dollars le baril.

Par exemple, pour la gigantesque raffinerie d’Exxon Baytown au Texas, le baril raffiné revient à 4$ pour une petite raffinerie comme celle de Torrance en Californie, cela tourne autour de 12 dollars dans les conditions extrêmes, alors !comment se fait-il que le nôtre atteigne un tel niveau de 15 dollars, Il est vrai que nos raffineries supportent des frais d’entretien et d’achat d’additifs comme les catalyseurs au prix international mais c’est le même cas partout dans le monde. La seule différence est le coût de main d’œuvre qui dépasse celui des raffineries européennes par le nombre dit en Algérie « sureffectif » mais  vite compensé par le niveau des salaires qui n’est pas le même. Le salaire moyen en Europe comprenant main d’œuvre opérationnelle et de supervision est de 2500 euros/mois, En Algérie, il n’est que de 55000 dinars donc à peine 400 euros puisqu’on s’obstine de comparer les coûts en dollars.  

1- ExxonMobil préfère investir dans ses raffineries performantes

 La situation actuelle du raffinage en Europe ne semble pourtant, guère propice aux investissements. Les marges de raffinage s’établissent à 15 euros par tonne en moyenne, jusqu’à présent et notamment cette année après 25 euros et plus par la passé, un niveau largement sous le seuil de rentabilité estimé à un peu plus de 35 euros. En cause, les surcapacités qui plombent le secteur, après avoir pourtant été fortement réduites ces dernières années. Plusieurs raffineries annoncé au nombre de 20  ont été fermées depuis 2007, représentant une baisse de 15% des capacités. La France a déjà réduit ses capacités de 100 à 60 millions de tonnes entre 2008 et 2017, mais n’est pas épargnée par la crise. Pour résister à cette situation de crise, les groupes pétroliers investissent dans leurs raffineries les plus performantes, afin notamment de les adapter à la demande : la France importe, par exemple, 17 millions de tonnes de diesel par an, faute de capacités de production, mais exporte 3 millions de tonnes d’essence. Comme ExxonMobil, Total a converti des unités de ses raffineries européennes, à Gonfreville en Normandie et à Anvers : le groupe a engagé 1 milliard d’euros en Normandie entre 2011 et 2017 et a annoncé plus 1 milliard d’investissements en Belgique. Total a aussi décidé, en 2011, de fusionner ses branches raffinage et pétrochimie, ce qui lui a permis de réaliser 250 millions d’euros d’économies, l’an dernier, grâce aux synergies dégagées. Le groupe n’en a pas moins décidé de réduire fortement son exposition à l’Europe dans cette activité. ExxonMobil, avec sa filiale Esso qui s’est débarrassée de ses stations-service en 2014, a subi une perte de 447 millions d’euros sur la même année et donc se débarrasser du coût social de la raffinerie d’Augusta qui tourne au ralenti est une bonne affaire. Est-ce le cas pour Sonatrach qui devra se déplacer arme et bagage ou gérer une population italienne à distance ?                                                                                 

2- Les besoins de consommation en Algérie

Si l’on se réfère aux chiffres avancés par l’Autorité de Régulation des Hydrocarbures (ARH) dans bilan 2016 et la déclaration du ministre de l’Energie qui situe la croissance de la consommation  de carburant de 2017 à près 7%, on obtient l’évolution contenue dans le tableau ci-après : Unité : millions de tonnes

La consommation tout type de carburant confondu dépasse donc des 17 millions de tonnes et ce n’est pas les augmentations contenues dans les dispositions de la loi de finance 2018 qui vont l’arrêter puisque près de 70% du déficit concerne les gas oïl destinés en majorité aux industriels et  transporteurs qui vont les répercuter sur les citoyens. Or, si l’on en croit les déclarations des uns et des autres, le déficit se situe autour de 3 millions de tonnes qu’on importe pour une facture de 1 million de dollars pour madame Mme Fatma Zohra Cherfi et de 2 milliards pour le PDG de Sonatrach à moins d’une  erreur de transcription de la presse. On a donc 120000 tonnes par mois soit 1 444 000 tonnes par année de brut envoyé en Italie pour donner au plus 576 000 tonnes de carburants qui seront en complément à cette nouvelle acquisition.

Rappelons que ce contrat de processing avec le suisse Vitol est signé. Maintenant une question central va se poser sur cette précipitation de sauter sur une occasion et reconnaissons le, un bon prix d’achat, à près de 580 millions d’euros, c’est certainement une bonne affaire. Est-ce que la commission européenne va permettre à Sonatrach de s’intégrer dans la commercialisation des produits pétroliers dans son territoire? Il est vrai qu’au moment de la signature, Sonatrach est couverte par un contrat d’enlèvement qui la couvre pendant 10 ans d’accompagnement par la filiale Esso mais depuis le mardi dernier, la situation a complètement changé. Pourquoi ?

Donald Trump a décidé de quitter l’accord Iranien et donne six mois aux entreprises mondiales et notamment européennes d’assainir leur accord pour se retirer de ce pays. Passé ce délai, il leur appliquera en vertu du principe de  l’extraterritorialité de lourdes sanctions. Economiquement cela pourrait les dissuader mais politiquement les poids lourds de la communauté européenne ne vont pas céder et feront pression sur les majors qui opèrent dans leur territoire sinon ils seront taxés de suiveurs ce qui affecte leur souveraineté. ExxonMobil est américaine et la commission européenne ne va pas lui faciliter les tâches, et c’est Sonatrach qui paiera les pots cassés.

De l’autre côté, doit-elle fonctionner en sous-capacité c’est-à-dire uniquement pour combler le déficit des 17 millions de tonnes tout produit pétrolier confondu ou faire fonctionner cette raffinerie à pleine capacité par ponctuer 198000 baril de sa production journalière de 1,2 millions de baril par jour sans compter celle réservée à ses capacités internes ? Que restera t-il pour l’exportation et les conséquences qui en découlent pour le financement du train de vie du circuit économique interne. En définitive, l’acquisition serait une bonne affaire pour celui qui a des liquidités à investir. Est-ce le cas de l’Algérie ? Ou doit-on dorer et déjà séparer le destin de l’Algérie du mastodonte ? C’est du moins ce qu’ambitionne ce PDG pour la faire sortir complètement de sa sphère sociale pour l’intégrer au groupe des cinq pétroliers mondiaux ? 

 

Auteur
Rabah Reghis

 




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