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Faut-il dissoudre le Comité d’Etat-major opérationnel conjoint (Cémoc) ?

Sécurité au Sahel

Faut-il dissoudre le Comité d’Etat-major opérationnel conjoint (Cémoc) ?

 

A quelques jours de l’ouverture du forum de Dakar sur la paix et  la sécurité, l’analyse intitulée « The Forgotten Maghreb–Sahel Nexus » publié, le 31 octobre dernier, par le  think tank Carnegie Endowment for International Peace, basé aux Etats-Unis, tombe à point nommé pour la diplomatie algérienne en panne sèche d’idées. Cette analyse sur le Maghreb peut-il réorganiser la défense nationale .Quelles sont les tendances à observer pour l’avenir de la région ?

Quelles sont les tendances à observer pour l’avenir de la région ? Selon l’étude, l’initiative de la France de créer la Force du G5 Sahel a suscité des réactions contradictoires de la part du Maroc et de l’Algérie, qui voient dans le Sahara une extension naturelle de leur territoire national. Le Maroc et l’Algérie ont tous deux une longue histoire d’interaction avec le Sahel pour rivaliser d’influence et pour développer leurs récits d’identité nationale.

A l’occasion d’une concertation ministérielle de la francophonie sur « la sécurité et le développement dans un espace francophone solidaire » (organisée en marge des travaux de la 72e Assemblée générale des Nations unies, septembre 2017), le Maroc s’est dit prêt à appuyer les Etats du G5 Sahel dans le domaine de la sécurisation des frontières et la constitution des troupes. Une mobilisation interétatique se structure au sein de la bande sahélo-saharienne, qui peut être considérée d’historique, par la création de cette force conjointe du G5 Sahel. Pourtant, le régime politique algérien tente de réanimer le Cemoc. Le projet du Cemoc de créer une base militaire commune accueillant une force sahélienne dans le désert algérien de Tamanrasset ne s’est jamais concrétisé.

L’Assemblée parlementaire paritaire Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) – Union européenne, lors de sa 24e session qui s’est tenue à Paramaribo (Suriname) du 27 au 29 novembre 2012 a adopté une résolution sur la situation au Mali. Il est mentionné dans cette résolution que l’assemblée parlementaire paritaire « souhaite que le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc), créé en 2010 par l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger, pour coordonner la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et le trafic de drogues dans la zone sahélo saharienne, joue enfin un rôle actif ».

L’inertie du Cémoc n’est pas nouvelle et elle devient un sujet récurrent dans plusieurs analyses publiées par les instituts de recherche en relations internationales. Selon plusieurs analyses politiques, l’absence d’une réaction du Cémoc a entrainé l’intervention militaire française au Mali en 2012. Cette opération a conduit à la situation que l’on connait aujourd’hui au Sahel.

Le Maroc et l’Algérie vont-ils rejoindre le G5 Sahel ?

Le média Africanews TV s’est entretenu à cet effet, en août 2017, avec le Secrétaire permanent de l’organisation régionale G5 Sahel. A propos de la non-intégration par le G5 Sahel de certains pays d’Afrique du nord, le premier responsable du G5 Sahel a répondu que « le G5 Sahel est ouvert à la coopération avec tous les Etats sahéliens ou maghrébins, qui sont prêts à travailler avec nous dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui est quand même un phénomène qui dépasse largement les frontières de l’Afrique. » C’est dans ce contexte qu’aux crises et aux troubles doivent se substituer, la coordination et un débat sur les organisations régionales.

Selon l’analyse du Carnegie Endowment for International Peace, l’UMA – un bloc commercial et politique composé de l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie – considérée comme inefficace, pourrait servir d’interface pour les initiatives du Sahel comme la Force G5. Mais à cause des désaccords entre Rabat et Alger sur le Sahara Occidental, l’UMA n’a jamais décollé économiquement, encore moins politiquement. La même analyse indique que le Maroc et l’Algérie rivalisent pour développer l’influence et le commerce au sud du Sahara, l’UMA n’est peut-être pas prête à coopérer pleinement avec les pays du Sahel, bien qu’une certaine coopération dans des secteurs spécifiques soit possible. Néanmoins, l’Algérie pourrait être persuadée de participer plus activement à la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), un bloc économique régional qui est également chargé de coordonner la sécurité régionale, en particulier contre le terrorisme et le crime organisé, et qui comprend plus de 25 États africains.

À l’heure où des pseudos spécialistes vantent une fois encore la politique de défense algérienne dans les colonnes des journaux, il apparait utile de s’interroger, sur l’absence d’audition des hauts fonctionnaires du ministère de la Défense, par l’Assemblée populaire nationale qui est censée organiser des tables rondes retransmises à la télévision ? Comment l’armée algérienne peut-elle forger une élite militaire consciente de ses responsabilités et de son devoir national avec une doctrine de non-intervention militaire hors des frontières ? Pourquoi l’Ecole Supérieure algérienne de Guerre est de plus en plus concurrencée ? Ces questions véhiculent les vrais enjeux qui se dressent actuellement devant le pays. De plus, il est important de noter que, la réunion du G5 Sahel, qui s’est tenue le 27 janvier 2016 à Nouakchott (Mauritanie), pour le lancement du projet intitulé « Ecole régionale de Guerre du G5 Sahel en Mauritanie » mentionne que « l’école régionale de guerre viendra compléter le dispositif de l’axe défense et sécurité du G5 Sahel dans son volet non-opérationnel, qui comporte deux autres organismes : le Collège sahélien de sécurité et le Centre sahélien d’analyse des menaces et d’Alerte Précoce (CSAMAP) ».

Le G5 Sahel évolue avec l’installation d’une Ecole régionale de guerre dans ses locaux mauritaniens à Nouakchott. De notre point de vue, la concurrence entre le G5 Sahel et le régime politique algérien est souhaitable. Le succès de telle ou telle école dépendra fondamentalement du choix des outils de lutte contre le terrorisme. Cependant, l’austérité imposée par le régime politique algérien ne va-t-elle pas précariser les choix de sa diplomatie ? Ne faudrait-il pas plutôt réformer le Cémoc ?

Auteur
Benteboula Mohamed-Salah, géographe

 




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