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Fellag de retour bientôt sur les scènes d’Alger ?

Rumeur, info ou blague de mauvais goût 

Fellag de retour bientôt sur les scènes d’Alger ?

Il est souvent difficile, dans cette course à l’info facile, reprise fréquemment sous forme de copié-collé intégral par de nombreux journaux en ligne sans en vérifier la source ni se préoccuper du sérieux qu’elle est supposée reproduire, de ne pas tomber dans le piège de l’excitation qui vous fait rêver du meilleur pour le pays.

À cet égard, la nouvelle concernant un prochain retour sur la scène algérienne de Mohamed Fellag, après 20 ans d’absence, est l’une des plus dures à avaler quand on découvre que notre humoriste international lui-même n’est pas au courant de ce projet dans lequel il est directement impliqué. À moins que cela ne fasse partie d’un dessein secret qui se susurre entre initiés célestes pour rajouter du « Idh’haq bissmi fakham-atika », en prévision du 5ème mandat ?  Nul doute qu’au jeu du dindon de la farce, Fellag se prêterait volontiers si le but est de sortir le peuple de la léthargie dans laquelle on l’a, de force, plongé depuis des décennies. Après tout, il faudrait bien, pour équilibrer des interactions instables entre gouvernants et gouvernés, opposer aux frasques de ceux qui, comme Djamel Ould Abbes et Abdoulmoumen Ould Kaddour, n’amusent personne, un génie du terroir doté de l’art et la manière de déclencher rires et fou-rires en s’égayant à disséquer de façon subtile la société avant de lui renvoyer les reflets de ses propres tares sous forme de gags analytiques désopilants servis sur un fond de lucidité quasi absolue !

Il va de soi que tel retour serait synonyme de bonheur collectif dont on a sevré le peuple depuis qu’on a chassé de leurs terres de nombreux talents du pays. J’avoue que la nouvelle de ce retour avait spontanément déclenché en moi des vagues de joie immenses, car enfin me disais-je un peu de gaieté pour ce peuple auquel on a fait perdre le sens du rire et les échanges d’antan qui stimulaient gaieté et humour collectifs bon-enfant. Cet humour du terroir que Fellag seul sait reproduire, à l’inégalable, avec la précision de ciseleur qu’on lui connait, pour réconcilier l’homme avec ce propre unique qui le différencie des autres espèces animales, le rire. Ce rire qui se fait rare et tend à disparaitre de l’espace public de tous les pays, avec une rapidité fulgurante.

En France, les statistiques indiquent que si pendant les années 1940, le citoyen riait en moyenne 20mns par jour, ce temps s’est réduit à 6mns dès les années 1980, pour chuter à une seule et unique minute de nos jours. C’est dire la symbolique hautement significative d’un Fellag qui viendrait donner un coup de pied dans cette fourmilière de tristounets qui se dégage du pays. Ce pays promis à tous les espoirs au sortir de la nuit coloniale a été travesti de force par une bande de malfrats qui s’est acharnée à faire abattre sur lui des brouillards de tristesse là où un soleil radieux et un grand bleu qui invitent au rêve et moults évasions fantastiques devraient illuminer chaque visage et rendre joyeux chaque parcelle des décors et du quotidien des algériens, qu’ils soient kabyles, oranais ou chaouis !

Mohamed Saïd Fellag de retour, c’est la réconciliation authentique, spontanée et instinctive du pays avec lui-même qui se profilerait pour remplacer l’entente de façade, le deal de complaisance entre assassins sur le dos du citoyen, l’éternel dindon des farces politiques qui se trament au sommet.

Fellag en Algérie, ça serait un retour en fanfare à ces années d’espoir de la décennie 1980, pendant lesquelles nous nous amusions à prédire des seuils de suffrages, pour le Front Islamique de la Supercherie, inferieurs aux 12% habituels du Front National, son reflet miroir, en termes de haine et de xénophobie.

Fellag au pays, on se met à en rêver, c’est des retrouvailles bon enfant entre le « kbaïli bounou-bounou » et le « aârav amessas » de nos années d’innocence. Ces deux sobriquets mignons, que l’on éructait gaiement lors de petites chamailleries entre camarades dans les cours de récréation, ne représentaient rien d’autre que les faces d’une pièce devenue infracassable au fil des années de guerre contre le colon. Ces formules qui nous amusaient beaucoup ne portaient nulle empreinte d’inimité, car toute différence de forme, en termes de vocabulaire, se diluait très vite dans un fond commun que la guerre de libération avait affermi, si l’armée des frontières ne s’en était pas mêlée pour faire souffler ce vent de discorde noirâtre qui ne fait que s’amplifier. Ces petites formules n’avaient rien de malveillant, bien au contraire, avec du recul, elles diffusaient autant de tendresse que de bienveillance, exprimées sous forme de « je t’aime, d’amour et de haine » passionnels entre nos tribus (au sens affectif, bien évidemment).

Fellag en Algérie c’est le reflet de l’Algérie d’il y a 30 ans. Celle de la parenthèse enchantée et de la petite récréation (dixit Hocine Ait Ahmed) arrachée par les jeunes de Bab-El-Oued que le pouvoir avait vite fait de transformer en cauchemar, en légalisant le FIS, le père et le saint esprit auxquels on a confié pour mission d’envahir et de peindre de vert mortuaire les artères d’Alger la blanche, avant d’en verrouiller les accès et enchainer ses habitants en en livrant les verrous au dernier survivant de l’imposture des frontières.

Fellag en Algérie, c’est le symbole d’une Algérie exilée qui revient avec un plein d’énergie pour irriguer ses racines et en dépoussiérer les bourgeons de toutes sortes de scories cumulées en son absence, en aidant le citoyen d’en bas, auquel on a confisqué jusqu’aux moindres repères, à retrouver ses boussoles et mieux distinguer, à travers un œil averti, tout ce qui se trame contre lui !

Fellag en Algérie enfin, c’est le signal que tout le monde attend pour dire stop ! ça suffit ! on arrête de creuser ! il faut remonter maintenant !

Mais est-ce vraiment ce que désirent les guignols au sommet ? Remonter et se mêler au monde qui avance fait-il partie du protocole et de la feuille de route de ceux qui érigent des mosquées et inaugurent des zaouias au sein même de la capitale, la locomotive du pays, pour noyer le peuple et l’entrainer dans des abysses sans fond, hors-desquels on ne sort jamais ?

Fellag, c’est le compagnon de route ou le grand frère que tout algérien rêve d’avoir à ses côtés pour l’aider à traverser les moments de doute, d’hésitation et de tourmente !

Qui d’autre que Fellag a su diagnostiquer les afflictions dont souffrent nos sociétés, et qui d’autre que lui pourrait les soulager, à défaut de pouvoir les soigner pour de bon ?

Profondément imprégné de l’esprit du terroir et des valeurs universelles qui nous ont été transmises par « el-kouffar » et dont il a toujours su faire un mélange de jolis cocktails « khorotovs », Fellag serait accueilli au pays comme une hirondelle qui annonce à elle seule le printemps !

Le terme « el-kouffar », pluriel de « kafer » qui désigne, rappelons-le, tout être humain qui n’a pas la chance de naître musulman, n’est d’ailleurs pas là par hasard, il m’a été susurré par un ami (berbère natif du versant arabophone de Bordj Bou Arreridj, pas fier du tout d’avoir été arabisé par l’islam, comme il se plait à l’assumer), et me ramène à l’anecdote suivante qu’il a vécue tout récemment :

Dans une rame de tramway surchargée, une femme âgée parmi les voyageurs debout essaie, tant bien que mal, de s’accrocher et de résister aux secousses pour ne pas culbuter. Une poignée de jeunes barbus assis l’observent, quasiment amusés par ces mouvements incertains qui la secouent dans tous les sens, sans qu’en aucun d’eux ne se déclenche le réflexe de lui céder la place. Mon ami de BBA, la soixantaine bien entamée se lève et lance un « reyhi ya yemma » bienveillant à son adresse. Notre vieille dame s’assoit et se met à débiter, de façon spontanée, une série d’incantations aux saints et aux Dieux pour que toutes sortes de barakas tombent du Ciel, en guise de remerciements pour un bienfaiteur, lui-même tombé du ciel. Quand elle termine ses envolées, celui-ci assène, à haute et intelligible voix :

– H’na rabawna el-kouffars ya yemma (nous, on a été éduqué par les mécréants, mère) !

Loin de s’en offusquer, la dame surenchérit :- « Ehhh…! Ehhh… ! Ehhh… ! Hadi goulha ou 3awadwa, bach yefahmouha el-fahmines ! » (Ouiiii… ! Ouiiii… ! Ouiii… ! tu peux le dire et le redire pour que comprennent ceux qui peuvent encore comprendre).

-Yaw el-fahmines harbou, ma b’ka gheir koukou3ou f’l’bled (ceux qui ont compris sont partis, il ne reste plus que les cocoricos (terme populaire pour désigner les muezzins, ces hurleurs du matin que Kateb Yacine surnommait « el-klebs douars ») au pays, rajoute un voyageur témoin de la scène !

Une anecdote à la Fellag en somme !

Tout comme la poésie de Lounis Ait Menguellet, l’humour de Mohamed Fellag, bien que s’inspirant des thématiques et des anecdotes du terroir, porte en lui toutes sortes d’empreintes universelles décodables par monsieur tout le monde. Le grand petit-plus de Fellag, c’est qu’il touche aussi bien le public berbérophone que l’arabophone et le francophone, tant il a su combiner les expressions des trois langues pour les faire fusionner en cocktails détonnant d’hilarité. Il y a 20 ans de cela, le hasard de son calendrier l’a fait atterrir à Lannion, une petite ville de la côte de granite rose où nous nous étions installés, quelques années auparavant. Le soir du spectacle, nous débarquons avec une bonne dizaine de collègues et amis, toutes origines confondues. Avant le show, je dois avouer que j’avais beaucoup de mal à refouler quelques appréhensions quant aux réactions et les doses de rire que déclencherait Fellag chez des Bretons beaucoup plus habitués aux escarmouches sarcastiques des guignols de l’info, de Coluche ou de thierry le Luron. J’avais tort de m’en faire, car le lendemain dans nos labos, il n’était question que de sciences humoristiques et du spectacle de Fellag. Un thésard parisien avait résumé la prestation en ces termes : – » En trois décennies de vie passées, je ne me souviens pas avoir ainsi ri aux larmes pendant toute une soirée ! Tu n’as pas le temps de reprendre ton souffle du gag précèdent qu’en voilà un autre qui s’enchaine pour provoquer l’esclaffe en permanence » !  Un régime turbulent de rigolades, jamais amorti, en somme, pour inviter la terminologie de quelques thématiques de l’époque. 

Au-delà des gags qui s’enchaînent et se déchaînent comme les instruments d’une symphonie qui rassemble les accords de Cherif Kheddam, de Baligh Hamdi et de Sébastien Bach pour les combiner et en faire jaillir une harmonie hors pair, il y a dans les spectacles de Fellag, une espèce de symbiose subtile dans laquelle les langues kabyle, arabe et français se mélangent et se retrouvent chacune dans les bras protecteurs des deux autres, le rire en véritable mèche d’implosion pour rassembler les différences !  Ah si telle implosion pouvait s’appliquer et fonctionner partout, de Tamanrasset à Dunkerque, de Casablanca à Bagdad et au-delà jusqu’aux plaines de Sibérie et les déserts du Texas et d’Arabie, il ferait bon vivre partout sur la planète Terre ! Malheureusement, les spectacles servis chaque jour sur le petit écran n’ont rien d’hilarant. Ils démontrent qu’au contraire, l’humanité est au bord de l’explosion fatale qui annoncera son inéluctable extinction. Alors, autant partir hilares, les sketchs de Fellag en ultime hymnes au rire, à la joie, à la mémoire de notre bref passage sur Terre !

Dommage que son retour en Algérie ne se précise pas ! Car nul autre que Fellag ne saurait restituer au p’tit peuple un peu de gaieté, de volonté et de confiance en soi pour le sortir de l’apathie dans laquelle on l’a délibérément plongé !

Et là, nous sortons du cadre de l’humour pour rentrer dans le politique où excellent les clowns Ould Abbes, Ould-Kaddour et autres Tliba, ce poids lourd FLiN-tox qui est à l’homo-sapiens ce que le Sumo japonais est à la fusion nucléaire. Une petite poignée de pitres chargés d’amuser la galerie pour faire oublier la faillite du pays et faire avaler la pilule d’un 5ème mandat qu’ils sont seuls à souhaiter et rêver, pendant que les complices vident les caisses et effectuent des transferts de devises, via toutes sortes de transactions scabreuses pour s’assurer les 20% de butins et autres zakats habituels promis par les cieux pour services rendus !

De quoi stimuler mille et un gags dans la caboche de Mohamed Fellag, si seulement ces agitations sombres et stériles en haut lieu ne présageaient pas d’une regrettable tragédie, encore une, une de plus, une de trop que Aek el-Mali n’hésitera pas à provoquer au nom d’un koursi promis qu’il gardera pour l’éternité, quitte à sacrifier jusqu’au dernier survivant du ghachis !

Conclure en évoquant ces « sanafirs » lugubres des zaouias vous précipite immanquablement dans un état de mélancolie tel qu’on a envie de dire, quitte à tout contredire, s’il te plait Fellag, ne t’en mêle pas !  

Mais pour ne pas terminer sur une note obscure, dans un texte dédié à notre géant de l’humour, et en guise d’addendum enchanté, cette petite anecdote reçue du pays, en espérant qu’elle comblera la petite minute de rire nécessaire pour tous.

Ça se serait passé tout récemment en Allemagne. Une bagarre éclate entre deux jeunes musulmans, l’un shiite et l’autre sunnite. La police intervient et les embarque au commissariat le plus proche. Le commissaire mène l’interrogatoire :

– Racontez-moi tout, pourquoi cette bagarre, dites-moi ?

– Il a insulté Abou-bakr et notre mère Aïcha, répond le sunnite.

– Il a insulté Fatima et Ali, répond le chiite.

– Et ils sont où tous ces gens injuriés, demande le commissaire, ils pourront témoigner aussi !

– Ils sont morts, répondent-ils à l’unisson.

– Morts ? Mais…où sont les corps ?

– Au cimetière !

– Quoi ? vous les avez tous tués et enterrés ?

– Non ! non, Monsieur le commissaire !

– Mais où, quand, comment sont-ils morts alors ? Expliquez-vous bon sang ! tonne l’officier qui commence à perdre patience.

– Ils sont morts, il y a 14 siècles Monsieur le commissaire !

Interloqué, l’officier les dévisage et finit par comprendre, le sourire laissant place à la colère.

– Aaah ouaiii…. j’ai compris….. ne vous inquiétez pas ! On va s’occuper de vous ! Attendez-moi une minute !

Le commissaire sort de la pièce et fait signe à quelques collègues de se rapprocher. À voix basse, il ordonne :

– Eh, les gars ! Réembarquez-moi ces deux pauvres garçons, leur place est dans l’asile psychiatrique ! Ils viennent d’avouer plusieurs meurtres dont un matricide commis il y a …14 siècles ! Et encore, ils n’ont pas tout avoué ! rajoute-t-il, clin d’œil complice en sus.

 

Auteur
Kacem Madani

 




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