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Feuilleton. Le retour de Si Belaredj (IX)

Cela fait quelques jours qu’un serviteur de l’annexe du Palais manque à l’appel. La surveillance est renforcée aux postes frontaliers terrestres de l’est du pays. Même les vieilles dames sont priées de descendre des véhicules pour accomplir elles-mêmes les formalités douanières.

Les taxi-clandestins ont maintenant l’obligation de déclarer l’identité de leurs passagers au commissariat de police le plus proche, avant même de prendre la route vers la frontière tunisienne. Mais toujours pas la moindre trace de Si Nouira.

Pendant ce temps, dans une pièce mystique du Palais royal chérifien, Moh Labkhor est agenouillé, suppliant un saint nouvellement installé dans le pays : « Ya Sidi Belaredj, Ya M’dawi Ledrar. Ya Sidi Belaredj, Ya M’dawi Ledjrah…(ô Sa Sainteté Belaredj, guérisseur de notre mal…) ».

Feuilleton. Le retour de Si Belaredj (VIII)

La télévision marocaine annonce l’organisation d’une grande cérémonie royale en l’honneur d’un visiteur de marque. Des travaux de construction d’un Mausolée au sein de la cour royale sont lancés. Les sujets du Roi accourent de partout, mais ils sont gardés à l’extérieur des murs. Seuls les laudateurs attitrés sont admis à la cérémonie. Les festivités s’ouvrent sur une chanson de Cheb Faudel : « Sid El Malik Djak El Khir Ou Lahsane, Sid El Malik Ma3andek Haja Fi Hadrate El 3adyane (ô mon Roi, c’est une bénédiction divine… ».

Pendant ce temps, les laudateurs font le tour du mausolée, passent et repassent, puis arrivant devant une estrade, se courbent et… Mouaaah sur la patte gauche ! Ils ajoutent aussitôt une petite prière : « Rdaytek Ya Sidi Belaredj (Ta bénédiction Si Belaredj) ».

Voyant les lèvres adoratrices solliciter de moins en moins sa main royale, Moh La Sniffe a du mal à réprimer sa contrariété. Après tout, c’est lui-même qui a provoqué cet engouement pour la sainte patte gauche ! Via son entourage, il a laissé entendre partout dans la monarchie que Si Belaredj était lui aussi descendant du Pro…

A Alger, l’arnaque est découverte. C’est une copie de Si Belaredj qui a été autopsiée. L’illustre revenant a été exfiltré. Le passeur, Si Nouira, qui avait organisé sa fuite par la frontière terrestre de l’ouest, est condamné par contumace à la perpétuité, pour haute trahison.

Les jours passent. Une nuit, pendant que Moh Labkhor est enfermé dans sa pièce mystique avec son invité de marque, un gardien vient interrompre ses prières.

Taleb Lihoudi de Sahet El-Fna (1) demande à le voir en urgence.

« Mrahba, khir Ma Djab Khwalna ( Bienvenue ! Que de bonnes nouvelles, j’espère, de la part de nos oncles ) ? « .

Daoud Benalia entre directement dans le vif du sujet :  » J’ai fait un rêve étrange, cette nuit même, et je suis venu te prévenir. J’ai vu dans mon songe Si Belaredj se transformer en un corbeau noir, pour te dévorer le foi et le pancréas pendant ton sommeil… ».

Moh Labkhor ne réussit pas à se contenir : « Wakha Sidi Rebbi, 3nayetkoum Ya Khwali (Quel malheur ! Votre protection mes oncles ! ». Taleb Lihoudi poursuit : « Tu es prévenu, cela peut être un Herz de tes voisins ».

Lorsque Moh Labkhor est de retour dans sa pièce, il ne trouve ni Si Belaredj, ni le gros joint qu’il a laissé posé sur le cendrier. Affolé, il court partout dans le palais, avant de découvrir son invité dans la salle du trône, déchiquetant le cuir de son siège royal. Il songe aussitôt aux prémonitions du sorcier juif.

Les deux regards se croisent. Complètement transformé, Si Belardj se lance derrière Moh La Snif qui perdra de larges pièces de sa gandoura. Paniqué, sa voix résonne dans le Palais royal : « H’mayetkoum Ya Khwali, H’mayetkoum… (Votre protection mes oncles, votre protection… ». A suivre

Zohra Droul

Contact de l’autrice : droulzohra@gmail.com

Notes

  1. Taleb Lihoudi signifie le sorcier juif. Sahet El-Fna est une place commerçante à Marrakech où des tours de magie sont notamment donnés publiquement pour impressionner les touristes.
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