Les élections approchent. La course d’entrée par effraction au Palais s’annonce rude. Des ambitieux planent sur les hauteurs d’Alger et la question de faire barrage aux prétentieux devient une impérative. Un conclave est tenu secrètement dans une annexe du Palais, lieu officieux où sont prises les décisions les plus décisives pour l’avenir de la nation.
Après un conclave de douze heures de temps, la contre-Khoutta est adoptée : c’est Tadjamoû Belaredj Min Adjl El Istimraria (Le Rassemblement de Belaredj pour la Continuité) qui mènera la campagne présidentielle.
Un grand évènement est prévu pour le lancement du nouveau parti politique du Palais. Des moyens colossaux sont mobilisés pour les préparatifs. Des bus acheminent Zaghratate (1) de Barigou et Chatahate de Relizane (2) vers la résidence d’Etat. Le personnage antique de la chanson patriotique,Lâazouni, lance un tube pour la circonstance : « T’ir W Rafraf Ya Belradj Fi Sma Zerka W 3az Jdadek, Wa Ida Essendouk Mab’ghach, Nbed’louh Wendjibou Wahed M3abi fi Khatrek, Yak Doula B Rjalha Weli Mala9ch Bih El Hal, Ard El Allah Wass3a… ».
La chanson passe en boucle sur la radio et les chaînes de télévision. A l’approche de l’évènement, des sonos sont placées à l’entrée des sièges des mairies et dans les places publiques où le tube de l’année est bombardé à longueur de journées.
Petit incident, un court-circuit dans une mairie à la périphérie d’Alger a privé la population de jouir de ce qui est décrit comme étant un 3ourss Intykhabi. Les mauvaises langues, c’est-à-dire les rivaux du maire, prétendent que celui-ci ne trouve pas la chanson à son goût et qu’il a donc lui-même provoqué la panne électrique. Le Wali le fait immédiatement remplacer sans s’embarrasser des formes. « On verra après », dit-il dédaigneusement à son secrétaire général.
La contre-campagne ne tarde pas à venir. Sur les réseaux sociaux, le sigle du nouveau parti politique est tourné en dérision : Le Rassemblement de Belaredj pour le Naufrage Collectif ! Très rapidement, des rassemblements de la diaspora sont organisés dans des capitales occidentales pour dénoncer une nouvelle machination du Palais. Le slogan 3ych Ya Belaredj Fi Bled El Kawkaw (Amuse-toi Cigogne dans la république bananière) retentit dans les places publiques.
Un nouveau conclave est convoqué. Le lendemain, une vingtaine de députés prennent « spontanément » l’initiative de saisir Majlis Chouyoukh (Le Conseil constitutionnel) pour exclure les binationaux de la parole nationale. Le surlendemain, le Journal Officiel fait état d’un article interdisant à toute personne autre que celle détentrice de la nationalité algérienne exclusive de s’exprimer sur les questions nationales. Les binationaux sont désormais autorisés à seulement faire entrer de la devise, avec obligation de repartir les poches vides.
Des voix s’élèvent et crient au fascisme. D’autres réclament un référendum. Pour donner l’exemple du sérieux de la démarche, le Palais bloque l’accès au site d’un journal électronique qui a osé critiqué l’initiative. « Fais-toi lire maintenant exclusivement par les binationaux », lâche avec un rire bruyant le Censeur en chef du Palais.
Pour contrer cette campagne, le Censeur en chef propose de créer un bras médiatique pour le Rassemblement de Belaredj pour la Continuité. L’idée séduit et le journal est nommé El 3ayeb (Le Boiteux).
A peine le premier numéro lancé que le Palais se retrouve face à un sérieux embarras. Une copie du certificat de naissance de Si Belaredj circule sur les réseaux sociaux. Elle atteste que lui-même est né après guerre en Alsace.
Difficile de démentir. Reste une seule solution : la vingtaine de députés à l’origine de l’initiative est accusée d’avoir fomenté un complot pour couper les liens des binationaux avec leur Patrie, et nuire ainsi aux intérêts économiques et diplomatiques du pays. L’article de loi est annulé. Le Conseil constitutionnel est dissous. La vingtaine de députés est jetée en prison. A suivre…
Zohra Droul
Contact de l’autrice : droulzohra@gmail.com