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Feux de forêt : comment éteindre l’incendie de la désinformation ?

COUP DE COEUR, COUP DE GUEULE

Feux de forêt : comment éteindre l’incendie de la désinformation ?

Les feux de forêt ayant affecté l’Algérie au cours de ces dernières semaines ont fait beaucoup de « bruit », où se sont trouvés mêlés et enchevêtrés le vrai et le faux, la solidarité et les cancans gratuits, la dénonciation saine et citoyenne et la calomnie à tout-va.

Cela pose sans doute un sérieux problème de communication à tous les échelons, même si le directeur général des forêts, Ali Mahmoudi, s’est longuement exprimé sur différents médias pour éclairer l’opinion et corriger des visions ou des déclarations peu enclines à s’armer d’esprit de responsabilité.

Hormis quelques rares acteurs jouissant de cet esprit de responsabilité, dans les réseaux sociaux élisent domicile malheureusement beaucoup de charlatans, de porteurs de règlements de comptes, d’étourdis, de gens chauffés à blanc par des politicards immoraux et d’autres énergumènes qui laissent peu de place à la discussion franche et au débat sérieux. C’est sans doute la rançon de l’accélération des technologies de la communication.

Néanmoins, il importe à ceux qui se battent sur le terrain, à ceux qui mettent leur vie en danger pour préserver et sauver le patrimoine forestier algérien, d’apporter la contradiction, de jeter une lumière crue sur ces efforts titanesques et de relativiser les images, les chiffres et les expressions colportées par certains médias classiques ou les réseaux sociaux dans le domaine de la lutte contre les incendies de forêt.

Les incendies de forêts-intégrant aussi bien les formations forestières que les formations issues de la dégradation des celles-ci (maquis, garrigues, broussailles,…) sont évalués, à la première semaine du mois d’août, à quelque 9000 hectares. À cela s’ajoutent les dégâts ayant touché la faune sauvage, affectée dans son biotope, et les récoltes agricoles (céréales, arbres fruitiers, fourrages, ruches,…).

On est loin de la « quiétude » qui a prévalu en 2018, soit une superficie de 1263 ha parcoure par le feu. C’est l’année où sont enregistrées les pertes les plus faibles depuis 1962. L’année d’avant, 2017, a connu un été dramatique, avec plus de 52 000 ha de différentes formations végétales ravagées par les incendies.

Faisant partie de la grande forêt méditerranéenne, la forêt algérienne, d’une superficie de 4,1 millions d’ha, est marquée par une fragilité incontestable dans son aire d’évolution, dans l’environnement humain où elle vit et dans la nouvelle situation de changements climatiques affectant toute la planète, les pays nord-africains et subsahariens en premier. Sans que l’on ait des données fiables et scientifiquement établies, il demeure cependant clair que les changements climatiques ne sont pas une vue de l’esprit.

L’espace forestier algérien subit, en plus du feu, beaucoup d’autres facteurs de dégradation, dans leur grande majorité d’origine anthropique.

De la coupe illicite de quelques arbres, jusqu’aux grands incendies, en passant les constructions dans le domaine forestier national, les défrichements dans un but de reconversion des forêts en parcours ou en terrains céréaliers, l’éventail des infractions et des délits s’aggrave d’année en année, malgré tous les efforts des pouvoirs publics à défendre, protéger et développer un patrimoine précieux, qui embellit les montagnes et les collines, qui régule le régime des eaux, qui protège le sol contre l’érosion, qui fournit de l’oxygène et des produits et sous-produits forestiers (bois, liège, plantes médicinales, huiles essentielles,…), qui abrite une riche faune sauvage, des sites récréatifs et de détente et qui inspire la création artistique et littéraire.

Parmi les facteurs de dégradation les plus dommageables à la forêt méditerranéenne en général et à la forêt algérienne en particulier, le feu demeure en tête du classement. Chaque année, des milliers d’hectares de couvert végétal partent en fumée sur les montagnes et sur les collines. Sont alors calcinés les arbres purement forestiers (pin d’Alep cèdre, chêne vert, chêne liège,…), des arbres fruitiers- à commencer par l’olivier qui se trouve, dans plusieurs régions d’Algérie mêlé à des essences forestières-, des broussailles, des habitats d’animaux, parfois rares ou en voie de disparition, des ruches d’abeille posées dans les bois en vue de la transhumance,…etc.

Au vu des superficies incendiées depuis l’indépendance, avec une moyenne allant de 25 000 à 30 000 ha/an, l’année 2019, dont le bilan définitif ne sera établi qu’à la fin octobre, paraît comme une année « normale » selon les déclarations du directeur général des forêts faites la semaine passée aux médias. Bien entendu, cela n’exonère pas les hommes de terrain- agents forestiers et agents de la protection civile, avec les travailleurs des communes- et les responsables du secteur, des efforts supplémentaires à fournir pour juguler le phénomène des incendies de forêt, limiter les dégâts, sauver les arbres, les animaux et les citoyens.

À ce niveau de réflexion, l’on ne peut que nous incliner devant l’acte de bravoure accompli par l’agent forestier de Skikda, Yacine Chaâbane, en sauvant deux membres d’une famille d’un incendie de forêt où il a risqué sa vie. C’était en juillet dernier. Un mois auparavant, ce fut Sahnoune Abdelkader, un agent de la protection civile à Oran, en congé, qui a sauvé une famille encerclée par les flammes dans un appartement, après que, au pied du bâtiment, un restaurant eut pris feu.

L’on se souvient également que, à Mostaganem, un forestier a perdu la vie au cours de la lutte contre un incendie de forêt. En 2012, sur la frontière algéro-tunisienne, dans la wilaya de Souk Ahras, ce sont deux agents- l’un de la protection civile, l’autre relevant de l’administration des forêts, qui perdirent la vie dans un gigantesque incendie transfrontalier.

Avec tant d’efforts, où il est même enregistré des martyrs du métier, il est pour le moins indécent de déblatérer contre tout ce qui bouge et de prétendre dénoncer, dans le climat feutré et douillet de certaines rédactions, l’absence des services concernés sur le terrain. Les habitants, et surtout les jeunes, de certaines localités encerclées par le feu dans le Djurdjura et ailleurs, qui ont apporté aide et assistance aux agents forestiers et de la protection civile, donnent une belle leçon de citoyenneté, de solidarité et d’engagement actif, loin des commérages, des cancans et des logorrhées martiales qui sont incapables d’éteindre le feu ou de sauver une famille prise en otage par les flammes.

Sur les réseaux sociaux, et même sur les chaînes de télévision, le débat technique sur les incendies de forêts n’a pas encore eu lieu. Dernièrement, sur un plateau TV, on a invité des journalistes, des citoyens, des élus, mais aucun technicien. Est-ce de cette manière que l’on prétend éclairer l’opinion sur un sujet de haute importance?

Amar Naït Messaoud

Ingénieur forestier

Auteur
Amar Naït Messaoud, ingénieur forestier

 




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