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Focus sur une « halqa » au cœur de la présidentielle française

Macron
Partageant quelques analyses avec un célèbre journaliste politique français, je lui écrivais ceci le lundi 14 février 2022 (e-mail intitulé « réflexions sur campagne ») : «Contraste saisissant hier dimanche entre deux impressions, la première se dégageant du meeting de Jean-Luc Mélenchon, la seconde de celui de Valérie Pécresse. Si celle-ci aura beaucoup de mal à imprimer le tempo de sa voûte d’intelligibilité, à l’inverse le leader des « Insoumis » prendra d’emblée ses marques en plantant (sans doute en tant qu’ex-maghrébin) le décor de la halqa.

İl s’agit là d’un théâtre du cercle consistant à disposer les spectateurs autour de la figure centrale du goual. Prenant la parole de façon emphatique, ce conteur qui incarne souvent plusieurs personnages et soumet différentes thématiques « attire par ses paroles comme un aimant », dira Abdelkader Alloula (décédé le 14 mars 1994 à la suite de l’attentat subi quatre jours plus tôt à Oran). Enraciné dans le patrimoine et la culture populaire, le dramaturge algérien fera, après Ould Abderrahmane Kaki et Kateb Yacine, lui aussi appel à une tradition (la halqa) autrefois présente dans les souks ou places publiques, cela de
manière à combiner narration plébéienne et modernité scénique.

Endossant à son tour une mission didactique, Jean-Luc Mélenchon a réussi à transformer une scène montpelliéraine en spectacle récréatif, en tribune d’interpellation et de séduction (…) ».

Remarquant ensuite qu’Emmanuel Macron adoptait un similaire agencement spatial, j’insistais alors (objet de l’e-mail, « réflexions sur campagne, suite et fin ») sur l’aspect visuel
du meeting que ce dernier soutenait, le samedi 02 avril 2022, à l’Arena de Nanterre-La
Défense. « İl m’a d’emblée renvoyé à l’occupation scénique utilisée il y a près de deux mois
par Jean-Luc Mélenchon à Montpellier, soit au fameux cercle de la halqa.

Celui-ci pointant ce jour encore mieux l’idée de centre, en occupant le milieu de la vaste salle le marcheur en chef se postait comme la figure charismatique insufflant le cap « à-venir ». Donc bien joué le goual Manu et ses proches conseillers ! Seulement, cela suffira-t-il à maintenir assez hautes les lignes de force de la digue anti-extrême droite, à inciter les électeurs républicains à se déplacer en nombre suffisant lors d’un second tour devant, selon les derniers sondages, opposer l’actuel premier locataire de l’Élysée à l’indéboulonnable dauphine Marine Le Pen ?».

Le mardi 12 avril à Strasbourg et aujourd’hui (samedi 16 avril) à Marseille, Macron se place encore au milieu de l’arène, copie à bon escient la centralité mélanchonienne. Le clin d’œil appâtera peut-être, dimanche 24 avril, suffisamment de récalcitrants manquant de convictions à son égard !?

Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art et de la culture

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