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France 5 déprogramme un documentaire sur la guerre d’Algérie : censure ou simple report ?

Armes chimiques en Algérie

La chaîne publique France 5 a provoqué une vive controverse en déprogrammant un documentaire inédit intitulé « Algérie, sections armes spéciales », qui révèle l’utilisation d’armes chimiques par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.

Initialement prévue pour le 16 mars, la diffusion de ce film a été rapportée, probablement en raison de l’actualité internationale. Cette décision intervient dans un contexte de tensions diplomatiques entre Paris et Alger, alimentant les spéculations sur une éventuelle censure.

Réalisé par la documentariste Claire Billet en collaboration avec l’historien Christophe Lafaye, ce documentaire de 53 minutes dévoile comment, entre 1956 et 1962, l’armée française a eu recours à des gaz toxiques pour déloger les combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) retranchés dans des grottes, notamment dans les régions des Aurès et de Kabylie. Ces pratiques, longtemps méconnues du grand public, constituent l’un des derniers tabous de la guerre d’Algérie.

Des décennies de dissimulation

L’utilisation d’armes chimiques par la France pendant la guerre d’Algérie a été soigneusement occultée pendant des décennies. Les autorités françaises ont toujours nié le recours à ces armes, malgré les témoignages et les indices recueillis par certains historiens. Ce n’est que récemment que des chercheurs comme Christophe Lafaye ont pu accéder à des archives militaires déclassifiées, révélant l’ampleur de ces opérations spéciales.

Ces armes chimiques ont été utilisées à partir de 1957 pour neutraliser les combattants de l’ALN retranchés dans des grottes difficiles d’accès. Les gaz employés, similaires à ceux utilisés lors de la Première Guerre mondiale, pénétraient dans les cavités, ne laissant aucune chance aux personnes s’y trouver, qu’il s’agisse de combattants ou de civils. Les corps étaient ensuite extraits une fois le gaz dissipé.

Des réactions contrastées

La décision de France 5 de déprogrammer ce documentaire a suscité de nombreuses réactions. Officiellement, la chaîne justifie ce rapport par l’actualité internationale, précisant que le film serait diffusé ultérieurement sans indiquer de date précise. Cependant, cette explication est perçue par certaines comme une tentative de censure, notamment en raison des tensions diplomatiques actuelles entre la France et l’Algérie.

La réalisatrice Claire Billet a exprimé son incompréhension face à cette décision, indiquant que le film avait déjà été diffusé par la Radio Télévision Suisse (RTS) le 9 mars et qu’il était disponible en ligne sur leur plateforme. Elle a également rappelé que le documentaire avait été projeté en avant-première à Paris sans susciter de réactions négatives.

Cette déprogrammation intervient dans un contexte où les questions mémorielles liées à la guerre d’Algérie restent particulièrement sensibles. Récemment, le journaliste Jean-Michel Aphatie a été suspendu par RTL pour avoir comparé les crimes de la colonisation française en Algérie à ceux commis par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Une diffusion en ligne en guise de compromis

Face à la polémique, France Télévisions a décidé de rendre le documentaire disponible sur sa plateforme en ligne, sans préciser de date pour une diffusion télévisée. Une solution intermédiaire en attendant une éventuelle diffusion en prime-time.

Cette affaire met en évidence les difficultés auxquelles une partie de la sphère politico-médiatique est confrontée lorsqu’il s’agit d’aborder la question des massacres et exactions commises par l’armée française en Algérie. Ce passé colonial demeure véritable plaie ouverte au sein d’une certaine opinion française qui refuse de regarder le passé en face. Et partant continue d’affecter les relations entre l’Algérie et la France.

Rabah Aït Abache

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