Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a affiché une volonté claire de réchauffer les relations franco-algériennes, après plusieurs mois de tensions. Reçu par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue Ahmed Attaf, le chef de la diplomatie française a affirmé être porteur d’un message fort du président Emmanuel Macron : reconstruire un partenariat « d’égal à égal, serein et apaisé ».
La rencontre entre le ministre français et le chef de l’Etat aura duré plus de 2 heures, selon plusieurs médias. Cette visite intervient moins d’une semaine après l’échange téléphonique entre les présidents Macron et Tebboune, qui s’est conclu par un communiqué conjoint appelant à la réactivation des liens bilatéraux. Jean-Noël Barrot a souligné que, malgré les divergences, « les liens humains, historiques et culturels » entre les deux pays appellent à une reprise du dialogue.
Un retour à la normale annoncé
Symbole de cette volonté de réconciliation : la réactivation immédiate de tous les mécanismes de coopération entre Paris et Alger. Qu’il s’agisse de sécurité, de justice, de mobilités ou d’économie, les deux parties entendent relancer les échanges de manière concrète et efficace.
Sur le plan sécuritaire, les services de renseignement des deux pays renouent leurs contacts. Une réunion de haut niveau entre responsables de la sécurité est actée, tout comme l’ouverture d’un dialogue stratégique sur la situation au Sahel.
Le dossier des biens mal acquis sur la table
Dans le domaine judiciaire, la visite prochaine du Garde des Sceaux français en Algérie marquera la reprise du dialogue bilatéral. Les deux pays travailleront notamment sur les dossiers sensibles des biens mal acquis. Jean-Noël Barrot a mentionné l’invitation du Parquet national financier à ses homologues algériens pour une réunion à Paris. Sur cette question, il y a lieu de rappeler la question de l’extradition d’Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’Industrie sous Bouteflika. Mais aussi tous les investissements réalisés par la nomenklatura en France. Le régime est-il capable d’aller chercher en France le fruit des milliards pillés ? Peu sûr.
Mobilité, économie, mémoire : les chantiers sont relancés
La coopération migratoire, autre dossier central, redémarre « sans délai ». La question des visas, des réadmissions et des accords de mobilité fera l’objet de discussions dans un cadre consulaire rénové. Une rencontre entre les consuls algériens en France et les préfets français est en préparation.
Sur le plan économique, les deux pays veulent surmonter les blocages récents, notamment dans les secteurs agroalimentaire, automobile et maritime. Un Comité mixte économique franco-algérien se réunira avant l’été, tandis qu’une rencontre est prévue entre le MEDEF et le CREA le 19 mai prochain.
Barrot a également évoqué la relance des travaux de la commission mixte d’historiens sur la mémoire coloniale. L’historien Benjamin Stora a été invité à Alger pour poursuivre les discussions, notamment sur les restitutions d’objets culturels.
Affaire Sansal : appel à un geste d’humanité
En conclusion de sa déclaration devant la presse, Jean-Noël Barrot a lancé un appel en faveur de Boualem Sansal, intellectuel franco-algérien. Il a exprimé le souhait, partagé par Emmanuel Macron, qu’un geste d’humanité soit envisagé par les autorités algériennes, compte tenu de l’âge et de l’état de santé de l’écrivain.
Par cette visite, la France et l’Algérie entendent ainsi « lever le rideau » ( phrase de Tebboune reprise par J. N. Barrot, ndlr) sur une nouvelle phase de leur relation, tournée vers le respect mutuel, la coopération concrète et l’intérêt partagé de leurs peuples. Une étape cruciale dans un partenariat souvent houleux, mais indéniablement structurant pour les deux rives de la Méditerranée. La phrase est comme un rappel que tout cette crise qui aura duré 8 mois était du théâtre ! Alors c’est reparti pour de vrai cette fois ?!
Samia Naït Iqbal