« On ne peut comprendre la laïcité que si on revient à la République. C’est parce qu’elle est République qu’elle est indivisible. C’est parce qu’elle est République indivisible qu’elle est laïque. C’est parce qu’elle est ces trois choses qu’elle est démocratique et c’est parce qu’elle est ces quatre choses qu’elle est sociale. Quand on retire un des termes ou qu’on le nie, c’est toute la République qu’on nie. » Jean-Pierre Sakoun
Il convient de tirer tout de suite un enseignement précieux de la terrible déculottée de la candidate du Parti socialiste, qui n’a absolument plus rien à voir avec un quelconque parti de gauche, et ce, depuis un moment déjà. Depuis l’élimination en 2002 de Lionel Jospin, vous savez, ce Premier ministre qui a le plus privatisé depuis l’instauration de la Ve République, ceux que je considère comme faisant partie de mon camp n’ont pas retenu les leçons du passé.
Vingt ans plus tard, la gauche a failli présenter une flopée de candidatures qui allait de Nathalie Artaud et Philippe Poutou, c’est habituel, à Anne Hidalgo et à Fabien Roussel en passant par Yannick Jadot, Christiane Taubira et Arnaud Montebourg, sans oublier l’ineffable Jean Luc Mélenchon. C’est dire la multiplication des égos. Et cette gauche a totalement sombré. Soit qu’elle ne représente plus rien, soit qu’elle a enterré, sous une couche de béton, ses propres ambitions.
Le PS n’est plus qu’un souvenir associé à deux François, Mitterrand et Hollande. Taubira n’a pas hésité à mettre sa dignité sous ses godasses et La France Insoumise, la mal nommée, a cocufié une des grandes valeurs de la République, la laïcité. Seul Fabien Roussel s’est présenté avec un discours d’une fraîcheur républicaine incontestable avec la certitude qu’il ne ferait pas le poids face aux mastodontes.
Les deux finalistes de cette élection étaient attendus. Et sondages ou pas, chacun de nous connaissait les noms des adversaires de cette finale. Un autre élément ne m’a pas surpris. Le fait que Jean Luc Mélenchon n’ait pas, ne serait-ce qu’une seule fois, parlé de République et de laïcité. Pour lui, les règles premières des lois communes sont quantité négligeable. Il est allé jusqu’à se soumettre à ce paternalisme bon enfant en voulant à tout prix être le porte-parole des musulmans, ces victimes permanentes du système qu’il dégobille, ces souffre-douleur qui ne sont pas tout à fait français et qu’il faut à tout prix protéger.
Les travailleurs ayant déserté les rangs de la gauche, il fallait bien trouver d’autres cibles. Son score du premier tour est connu : 21,95%. Ce résultat ne dit pas tout. Il faut le décortiquer ou, du moins, essayer de le comprendre. Dans ses places fortes, Mélenchon a fait des scores à la soviétique. Dans ces « territoires perdus de la République », la majorité absolue a été atteinte pour lui dès le premier tour. Les votants de Roubaix lui ont accordé 52,50% des voix, ceux de Bobigny 60,14%, Saint-Denis 61,13%, 47,95% à Sarcelles, 62,06% à Garges-lès-Gonesse, 63,95% à La Courneuve, 60,48% à Clichy-sous-Bois…
Les chiffres sont éloquents ! J’y trouve deux raisons : 1) La large courbe islamo-condescendante du candidat. 2) Les oukases, sinon les injonctions de vote, des mosquées dominées par les salafistes et les frères musulmans et jusqu’à des officines étrangères ou des personnalités très marquées comme le CCIE basé en Belgique ou le suisse Hani Ramadan, frère du non moins connu prédicateur. Le journal La Croix indique que Mélenchon a pu avoir 69% du vote musulman d’après une étude de l’IFOP. C’est dire ! Et ce vote massif des musulmans pour un candidat à la présidentielle peut indiquer que l’ensemble des candidats LFI aux législatives le paieront très fort.
En s’appuyant sur une seule communauté, Jean Luc Mélenchon s’est détourné de la mouvance universaliste de gauche qui s’est donnée corps et âme pour lui lors des élections présidentielles de 2017. Sombre constat finalement : s’il drague la « communauté » musulmane, il perd ses soutiens laïques et s’il clame son amour pour les valeurs de la République, les musulmans se détournent de lui.
Voilà pour la gauche et ses ramifications ultimes.
Quant à la droite dite républicaine, nous avons vu que Pécresse et Les Républicains se sont effondrés et ont été réduits à la portion congrue. Les voilà aujourd’hui en train de tendre la sébile pour rembourser les créanciers. Vers la droite extrême, les deux partis présents ont essayé de vendre leur quincaillerie pleine de remugles et de relents mille fois subis dans un passé pas si lointain. Si les argumentaires du clan Le Pen sont archiconnus, ceux de Zemmour ont débité la vérité historique à la cognée. C’est ainsi que nous avons appris que le maréchal Pétain, collabo effréné condamné à mort par la France libre et gracié par le général De Gaulle, a pu sauver des juifs français pendant l’occupation. Ignominie suprême, il est allé jusqu’à mettre en cause les Français qui ont un prénom étranger, oubliant que son propre nom était un nom berbère. Il n’a pas arrêté de soutenir que la France ne pouvait être que judéo-chrétienne en mettant aux oubliettes les deux derniers siècles qui ont propulsé la France comme le pays fondateur des valeurs humanistes les plus pointues avec ce slogan inscrit sur tous les monuments de la République : Liberté, Egalité, Fraternité.
Un candidat à la présidence de la République se distingue par le respect des valeurs du pays qu’il se propose de présider, et non pas en mettant en avant ses lubies et ses extravagances. Il s’est acharné contre la sécularisation du pays, il s’est entouré de royalistes bon teint, de nostalgiques de l’empire et des cafardeux qui n’arrivent pas à effacer la formule archaïque, vétuste et surannée de « fille ainée de l’église ». En revanche, il a réussi une performance rare – faire passer Marine Le Pen pour une militante de gauche !
Des deux prétendants au trône de France, le premier, Mélenchon, s’est entouré d’islamo-compatibles et sa défaite va faire exploser son parti après sa propre mise à la retraite, le deuxième, Zemmour, n’a pas réussi, par son outrance, à faire le tiers des voix de Le Pen et, depuis les résultats, n’a pas cesser lamentablement de ramper pour embrasser les pieds de celle sur laquelle il crachait la veille.
Je ne m’étalerai pas sur le président sortant qui, logiquement, se succédera à lui-même. Girondin assumé, il n’a pas cessé depuis sa prise du pouvoir de déconstruire le pays et, avec lui, la République. Chef d’une caste de copains et de coquins, il a aidé les riches en les rendant plus riches. Ami des nantis et de ceux qui gèrent les grandes entreprises en même temps que des morceaux de la souveraineté du pays, il a eu comme alliées la crise sanitaire, paravent derrière lequel il peut se protéger des accusations de laisser-faire, et la guerre en Ukraine, qui l’a propulsé comme Chef des Armées européennes.
Enfin, l’opposition a été inexistante pendant cinq ans et les candidats qui se sont présentés face à lui dans cette élection ont été d’une nullité abyssale. Si demain son élection à la tête du pays parait être légitime, et heureusement, il est à espérer qu’il y ait un second round lors des élections législatives à venir pour lui opposer les forces vives de la nation – l’impétuosité de la jeunesse, la générosité des travailleurs, le dynamisme du peuple d’en bas…
Il faut que l’opposition parlementaire soit la plus large possible et que Jupiter 1er se rende compte qu’il ne gouverne pas le pays au nom de l’Union européenne. Il faut qu’il y ait le moins possible de députés de la faction d’En marche (arrière toute) qui n’ont été que des godillots durant leur mandature en acceptant de procéder à une casse sociale dans les règles.
En tant que militant universaliste, j’aimerais qu’il y ait un maximum de députés qui proviennent d’un bloc qui resterait à construire pour représenter une République laïque et sociale. Avec pour objectifs prioritaires une rupture totale avec la République des possédants, avec le laisser-faire face aux crimes qui pourrissent la vie des citoyens, l’arrêt de l’expansion du communautarisme, la réindustrialisation de la France et l’indépendance politique du pays face aux lobbies des tenants de la démagogie supranationale.
Supérieurs à la gauche et à la droite, il y a la République qui protège le peuple, seul souverain légitime des décisions prises. Et la République est obligatoirement laïque et c’est parce qu’elle laïque qu’elle devient indivisible, sociale et démocratique.
Kamel Bencheikh, écrivain