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France : Sébastien Lecornu, un Premier ministre déjà tombé

Sébastien Lecornu

Sébastien Lecornu aura passé 27 jours seulement au premier ministère

La scène politique française vient de connaître un de ces moments de stupeur qui révèlent, mieux que tout discours, l’épuisement d’un système. Ce lundi 6 octobre, Sébastien Lecornu a présenté sa démission au président Emmanuel Macron, moins d’une semaine après sa nomination à Matignon. Le chef de l’État l’a acceptée aussitôt. Motif invoqué : « les conditions ne sont pas remplies pour gouverner ».

Ainsi s’achève la mission la plus brève d’un Premier ministre sous la Ve République. Un peu moins d’un mois. Un record qui en dit long sur la fragilité du pouvoir macronien et sur le blocage institutionnel qui paralyse la France.

Un gouvernement déjà contesté avant son premier souffle

Sébastien Lecornu, 38 ans, ministre des Armées avant sa promotion, incarnait le pari d’un rajeunissement de façade et d’une continuité assumée. Son gouvernement, annoncé la veille, était censé relancer une majorité usée. Mais dès les premières heures, la coalition s’est fissurée.

À droite, Bruno Retailleau, nommé à l’Intérieur, a dénoncé sur le réseau X un gouvernement « sans la rupture promise ». À gauche, Jean-Luc Mélenchon a exigé l’examen immédiat d’une motion de destitution d’Emmanuel Macron. Quant à Jordan Bardella, président du Rassemblement national, il a appelé à une dissolution pure et simple de l’Assemblée. En quelques heures, Matignon s’est retrouvé encerclé.

Dans ce climat d’hostilité généralisée, Sébastien Lecornu a vite compris qu’il n’aurait ni les moyens d’agir ni la légitimité de durer. Son entourage parle d’une nuit de doutes et d’échanges tendus avec l’Élysée, avant qu’il ne décide, au petit matin, de rendre son tablier.

Les limites d’un pouvoir sans majorité

Depuis les législatives de 2022, Emmanuel Macron gouverne sans majorité absolue. Chaque loi, chaque budget devient une épreuve de force. Lecornu, réputé loyal et pragmatique, devait incarner un compromis entre la droite républicaine et le centre macroniste. Mais le pari s’est brisé net : l’alliance espérée n’a jamais pris forme, et les Républicains, loin d’entrer dans la coalition, ont préféré se désolidariser du projet.

Cette démission, au-delà de l’épisode personnel, traduit une impasse politique : comment gouverner une France fragmentée, où plus aucun camp ne parvient à incarner une vision commune ? La Ve République, jadis bâtie sur la stabilité, semble aujourd’hui vaciller sur ses fondations.

Macron face à l’usure du pouvoir

Pour Emmanuel Macron, cette démission est un désaveu de plus. Elle s’ajoute à une série de crises qui minent la fin de son second mandat : révolte sociale sur les retraites, impasse budgétaire, défiance croissante dans les institutions.

Le président, qui voulait relancer son quinquennat par un geste fort, se retrouve désormais isolé, privé de Premier ministre et sans issue claire. Les rumeurs d’une dissolution de l’Assemblée nationale refont surface, mais les sondages donnent le Rassemblement national en tête d’éventuelles élections anticipées — un risque que l’Élysée hésite à prendre.

Une République en panne

La démission de Sébastien Lecornu n’est pas seulement un accident de parcours. Elle révèle la panne d’un système politique à bout de souffle. Ni la jeunesse des visages, ni la communication présidentielle ne suffisent plus à masquer l’usure du macronisme et la méfiance profonde des Français envers le pouvoir.

En quelques jours, Lecornu aura symbolisé cette contradiction : vouloir gouverner sans pouvoir, incarner le renouveau tout en reproduisant l’ancien monde. La crise française n’est pas celle d’un homme, mais d’un régime qui peine désormais à se réinventer.

Djamal Guettala – Correspondance de Paris

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