L’augmentation du départ des jeunes talents vers des pays offrant de meilleures opportunités soulève des défis majeurs pour le développement socio-économique des pays de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), notamment l’Algérie où les étudiants ne voient d’avenir qu’à l’étranger.
Brain drain
La fuite de cerveaux vers des pays offrant de meilleures conditions de travail de vie est une réalité en Algérie, mais ailleurs aussi. Les sortants des universités algériens ont les yeux et l’avenir rivés sur l’Occident. Outre la situation économique délétère, les jeunes diplômés algériens aspirent à une vie autrement plus stable où la liberté n’est pas un simple slogan ânonné à longueur de journées par les autorités.
Ce phénomène appelé aussi fuite des cerveaux ou fuite des compétences académiques a fait l’objet d’une intéressante étude menée par un groupe de chercheurs algériens auprès des étudiants de l’Université de Bejaia en 2024 (*)
L’étude qui se focalise sur l’intention de migration des étudiants universitaires algériens révèle que près de 65 % des étudiants souhaitent quitter le pays après leurs études. Un chiffre alarmant qui pose de nombreuses questions sur l’avenir de la jeunesse algérienne et le développement du pays.
Les jeunes diplômés sont attirés par des horizons plus prometteurs, où l’accès à un emploi stable, une meilleure qualité de vie et des perspectives d’évolution sont plus favorables. Mais pourquoi cette volonté de partir est-elle si forte ?
Des motivations multiples
Les résultats de l’étude montrent que les raisons économiques sont au premier plan. Le chômage élevé chez les jeunes diplômés, la précarité des emplois et le manque de perspectives professionnelles en Algérie poussent de nombreux étudiants à envisager un avenir ailleurs. 70 % des sondés affirment vouloir partir pour trouver un emploi mieux rémunéré.
Mais l’économie n’est pas la seule raison. 55 % des étudiants évoquent aussi la volonté d’accéder à une formation de meilleure qualité. Beaucoup considèrent que les universités étrangères offrent un enseignement plus compétitif, reconnu à l’international, et permettent une insertion plus facile sur le marché du travail.
Enfin, 40 % des étudiants citent des raisons socioculturelles, notamment l’envie d’évoluer dans un environnement où les libertés individuelles et les opportunités de réussite sont plus accessibles.
Des destinations privilégiées
La France reste la première destination envisagée par les étudiants algériens, avec 45 % d’entre eux la citant comme leur pays de prédilection. Le Canada suit de près (30 %), attirant par ses politiques d’immigration ouvertes et la reconnaissance des diplômes. L’Allemagne (15 %) et les pays du Golfe (10 %) figurent également parmi les choix les plus populaires.
Cependant, il existe un écart important entre l’intention et la capacité réelle de migration. Seuls 10 % des étudiants interrogés ont déjà entamé des démarches concrètes pour partir, ce qui montre que, malgré une forte aspiration, la migration reste un processus difficile à concrétiser.
Retenir les talents : un défi pour l’Algérie
Si rien n’est fait, l’Algérie risque de voir ses jeunes talents continuer à s’exiler, au détriment de son développement. La question de la rétention des compétences est plus que jamais un enjeu stratégique pour l’avenir du pays. Pour cela, il faudra des changements structurels profonds dans les administrations mais aussi dans la société. Le régime est-il seulement disposé à le faire ?
Samia Naït Iqbal
Pour consulter l’article :
(*)Zahir Hadibi, Yasmine Musette, Sonia Kherbachi, Intentions de migration des diplômés universitaires de Bejaia (Algérie) , MAGHREB-MACHREK: Vol. 60 No 259 (2024): Approches sociologiques des migrations de et dans la région MENA : Algérie
**Maghreb-Machrek » est une publication trimestrielle pluridisciplinaire dédiée à l’étude de l’économie, des sciences politiques et des sciences sociales (y compris l’anthropologie, la géographie et la sociologie) au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). Elle rassemble des articles de chercheurs explorant des thèmes tels que les systèmes économiques et politiques, les mobilisations sociales, les dynamiques transnationales et les relations internationales. La revue adopte une perspective historique pour comprendre les tendances actuelles et propose des analyses approfondies des enjeux contemporains de cette région.