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Genève : Lettre ouverte de dénonciation des violations des droits des détenus en Algérie

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Genève : Lettre ouverte de dénonciation des violations des droits des détenus en Algérie

Nous publions la lettre ouverte de dénonciation des violations des droits des détenus en Algérie adressée à Madame la Haut Commissaire auprès du Haut-Commissariat des droits de l’Homme à l’ONU.

Madame Michèle Bachelet, Haut-commissaire,

Voici ci-dessous les faits qui seront prouvés à première réquisition :

1.- Vous trouverez en annexe la liste, mise à jour au 20 août 2020, des détenus dits d’opinion. Cette liste est publiée par le Comité national pour la libération des détenus d’opinion. Ce Comité a été créé en 2019 suite aux multiples arrestations, détentions et condamnations des manifestants.

2.- Comme vous le savez, sans doute, l’Algérie traverse une période difficile depuis que le peuple s’est soulevé pour s’opposer au 5ème mandat du Président déchu, Abdelaziz Bouteflika.

3.- Ces manifestations de masse ont commencé, le 16,17, 19 et surtout le 22 février 2019. En effet, le peuple est sorti par millions périodiquement, chaque vendredi. Les étudiants ont manifesté également tous les mardis. A ceci s’ajoute la mobilisation hebdomadaire de la diaspora de par le monde entier, le samedi et/ou le dimanche.

4.- Le régime soucieux de mettre fin à ces manifestations, pourtant pacifiques, a procédé, presque à chaque manifestation en Algérie, à plusieurs arrestations et répressions.

5.- Le régime a réprimé durement les manifestations en utilisant des projectiles, des cartouches de gaz lacrymogène et en tabassant les manifestants sans retenue. Ces moyens disproportionnés ont engendré des blessures  en causant parfois des lésions  graves et irréversibles notamment au visage. En effet, plusieurs manifestants ont été éborgnés.

  • Tout moyen de preuve sera produit à première réquisition.

6.- Ces manifestants, lors de leurs arrestations, ont été victimes  de sévices corporels, menaces et  insultes dégradantes portant atteinte à leur dignité. Pourtant, notre pays est signataire du Pacte International des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques dont l’article 10 stipule que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

  • Tout moyen de preuve sera produit à première réquisition.

7.- En outre, les droits de la défense de ces manifestants, pendant leur garde à vue ont été bafoués. En effet, ces manifestants n’ont pas pu notamment exercer leur droit d’entrer en contact et/ou de communiquer avec un avocat (art 60.3 de la Constitution algérienne), ni d’être assistés par un avocat, ni de leur droit de connaître les motifs de leurs arrestations. 

8.- Pire encore, ces manifestants ont été systématiquement mis en détention préventive. Or, ces mises en détention préventive ne peuvent être justifiées par aucune base légale. Il est précisé que toutes ou presque toutes les demandes de remise en liberté ont été rejetées, sans motifs justificatifs. C’est dire dans ces conditions la gravité des violations des droits de la défense. 

9.- Toutes ces mesures répressives n’ayant pas entamé la détermination du mouvement populaire à poursuivre ces manifestations pacifiques, le régime, par la voix de Feu Monsieur Gaïd Salah, Chef d’état-major des corps armés, a tenté de diviser cette union des forces démocratiques en interdisant le port de l’emblème Amazigh. Or, aucune disposition légale ne réprime le port de cet emblème.

10.- Nonobstant l’absence de toute disposition légale réprimant le port de l’emblème Amazigh, la répression et les arrestations se sont poursuivies.

11.- Quasiment toutes ces arrestations ont été justifiées par l’article 79 du Code pénal : Art. 79 – (ordonnance n° 75-47 du 13 février 1975) Quiconque, hors les cas prévus aux articles 77 et 78, a entrepris, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, est puni d’un emprisonnement d’une durée d’un à dix ans et d’une amende de 3000 à 70000 DA.

12.- Une simple lecture de cette disposition, reproduite ci-haut, permet de comprendre que le fait de manifester pacifiquement ne porte nullement atteinte à l’intégrité du territoire. Donc, ces arrestations sont utilisées par le régime à des fins politiques, soit pour intimidation ou pour semer la terreur dans l’esprit des manifestants. 

13.- Les journalistes ne sont pas épargnés par cette vague d’arrestations et de répressions. En effet, plusieurs journalistes ont été arrêtés à tort, mis en détention préventive et condamnés lourdement. Or, ils n’ont fait qu’exercer leur métier de journalistes, soir relayer l’information sur le terrain en couvrant les différents événements et manifestations.

– Preuves : – plusieurs preuves seront produites à première réquisition.

14.- Au mois de mai 2020, le régime a fait adopter une nouvelle loi liberticide, lui permettant de poursuivre les auteurs de tout statut ou toute publication numérique dénonçant les disfonctionnements et la mauvaise gestion des affaires publiques

15.- les conditions de détentions sont déplorables, en raison notamment de la surpopulation carcérale, du peu d’hygiène,  de la vétusté des lieux etc.

16.- Les graves atteintes aux droits de l’Homme énumérées ci-dessus sont exemplatives et non exhaustives. Elles demeurent très inquiétantes et nécessitent une interpellation urgente des Autorités algériennes sur ces points.

En vous remerciant de l’attention prêtée à ces lignes, nous vous prions, Madame Michèle Bachelet, Haut-commissaire, de croire en nos sentiments très distingués.

Me Nacéra Haddouche, avocate

Me Lachemi Belhocine, avocat

Liste des détenus au 20 août 2020 établie par le Comité National pour la Libération des Détenus – CNLD

1/ Alger:
Walid Nekiche (26/11/2019)
Rachid Nekkaz (04/12/2019)
Khaled Drareni (29/03/2020)
Soheib Debaghi (19/05/2020)
Sofiane Rabiai (14/06/2020)
Zahir Keddam (23/06/2020)
Hakim Bdaoui (09/08/2020)
Smaïl Djendjoula (/09/08/2020).

2/ Relizane:
Yacine Doubi Bounoua (26/12/2019)
Menad Larbi (26/11/2019)
Abdellah Benaoum (09/12/2019)
Yacine Khaldi (09/12/2019)

3/ Tlemcen :
Aissam Sayeh (31/05/2020).

4/ Mostaganem :
Bilal Menadi (01/12/2019)

5/ Chlef :
Toufik Hassani (06/03/2020)
Ali Mokrane (15/04/2020)
Youcef Bouzina (22/04/2020)
Abdelkader Djabellah (29/04/2020).

6/ Ain Temouchent :
Saïd Riahi (19/07/2020).

7/ Médéa :
Smail Guerba (janvier 2020)
Chawki Younsi (01/07/2020).

8/ Bordj Bou Arreridj :
Brahim Laalami (03/06/2020).

9/ Annaba :
Zakaria Boussaha (14/04/2020).

10/ Sétif :
Walid Kechida (27/04/2020).

11/ Adrar :
Mohad Gasmi (14/06/2020)
Hassen Laroui (01/07/2020)
Laid Elazaoui (04/08/2020)
Abderrahman Boufares (06/08/2020)

12/ Blida :
Réda Chérifi (28/05/2020).

13/ Boumerdes :
Hamza Djaoudi (18/06/2020).

14/ Tizi Ouzou :
Mohamed Hamali (15/06/2020)

15/ Mascara:
Baghdad Belhadj Elbachir (28/06/2020).

16/ M’sila :
Houssam Chebabhi (18/06/2020).

17/ Bouira :
Adel Chibane (28/06/2020).

18/ Constantine :
Abdelkrim Zeghileche (23/06/2020).

19/ Tipaza :
Abdelnacer Chebane (25/06/2020, Kolea)

20/ Ouargla :
Ameur Guerrache (02/07/2020).

21/ Tamanrasset :
Allal Badi (06/08/2020)
Abidine Badi (13/08/2020).

22/ Oum El Bouaghi :
Djamel Merzoug (19/08/2020).

Auteur
Me Nacéra Haddouche et Me Lachemi Belhocine

 




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