Dans un article publié le 21 avril 2023, le site Al-Hurra.com, le portail de la chaîne de télévision éponyme en arabe financée par les Etats-Unis et créé en 2004 pour étendre leur influence sur les pays de la région Mena, revient sur la polémique qui a éclaté entre l’Algérie et le Maroc suite au lancement du projet d’exploitation de la mine de fer de Ghar Djebilet par l’Algérie.
Le directeur général de la Société nationale du fer et de l’acier, Ahmed Ben Abbas, a annoncé, lundi dernier, à la radio algérienne, le démarrage de la construction d’une voie ferrée reliant Ghar Djebilat à la wilaya de Béchar pour faciliter l’exploitation de la mine et le transfert du minerai vers les ports algériens.
Ces décisions prises par l’Algérie constituent un motif supplémentaire de discorde et d’exacerbation des tensions entre l’Algérie et son voisin de l’ouest qui, lui, a vivement réagi en agitant, à travers ses médias, un accord signé en 1972 portant sur l’exploitation en commun de la mine, explique le média américain édité à Washington.
De fait, l’Algérie est tout simplement accusée de violation de l’accord de coopération en question paraphé par Rabat et Alger.
Ledit accord prévoyait, rappelle Al Hurra, la création d’une société commune entre les deux pays dans l’optique de l’exploitation de la mine. Cependant, avec la tension croissante entre eux, l’Algérie a décidé de commencer l’exploitation du gisement en solo.
Ce qui n’a pas manqué de pousser les médias marocains à réagir, instruits sans doute par le gouvernement marocain. Une campagne hostile est ostensiblement menée, dénonçant ce qui est, au sens de la presse du royaume chérifien, une volte-face de l’Algérie, relate Al-Hurra.com qui cite le journal marocain Al Sahifa.
Ce média a écrit que «l’accord concernant l’exploitation conjointe de cette mine est d’une durée de 60 ans, et il a été publié au Journal officiel algérien en 1973. »
L’accord stipule que l’Algérie sera entièrement propriétaire de la mine après 60 ans. Le journal affirme, en outre, que l’accord est toujours valable pour dix ans supplémentaires. Il stipule que « le Maroc a la possibilité de décharger le minerai de Ghar Djebilat sur son sol et de l’expédier par un port situé au bord de l’océan Atlantique.
Pour l’activiste et analyste politique marocain Salem Abdel Fattah, interrogé par le site américain, la décision de l’Algérie est une « violation flagrante » de l’accord d’exploitation conjointe signé entre les deux pays, qui « affecterait l’accord de démarcation des frontières entre eux ».
Dans une interview avec Al-Hurra, il soutient que l’accord d’exploitation conjointe « était dans le contexte d’accords » sur la démarcation des frontières.
Abdel-Fattah estime que la décision de l’Algérie d’exploiter la mine « intervient à la lumière de l’escalade algérienne contre le Maroc, notamment en rompant les relations et en empêchant les avions marocains de traverser l’espace aérien algérien et d’autres mesures ». Il ajoute que « l’utilisation par l’Algérie de sociétés chinoises pour achever le projet est une tentative d’intimider le Maroc en s’appuyant sur les puissances étrangères en ce qui concerne le problème frontalier entre les deux pays ».
Face au mécontentement marocain, l’Algérie affirme que le différend sur la mine a été réglé légalement, selon l’analyste politique algérien, Taoufik Boukada, qui indique dans une interview au site Al-Hurra que le différend sur la mine « s’est intensifié l’année dernière, mais il a été réglé légalement, car la société mixte prévue dans l’accord n’a pas été constituée. » Le délai imparti a expiré.
Taoufik Boukada affirme que la mine est située sur le sol algérien et qu' »aucun pays n’a le droit de revendiquer son partenariat dans une mine située sur le sol d’un autre pays ».
À la fin de l’année dernière, des sources algériennes considéraient que l’accord entre les deux pays était tombé à l’eau, et le journal Al-Shourouk a cité un ancien ambassadeur algérien anonyme disant que « le paragraphe 4 de l’accord stipule clairement que « l’Algérie est propriétaire de cette mine située sur son territoire, et soumise à sa pleine souveraineté ».
Parmi les justifications qui donnent à l’Algérie le droit d’annuler l’accord, le journal cite l’ambassadeur disant que le Maroc « a décidé de rompre unilatéralement ses relations avec l’Algérie en 1976, alors que la signature de l’accord de 1972 visait à jeter les bases d’une paix durable entre les deux pays. »
Découvert en 1952, pendant la période coloniale française, le gisement de fer de Ghar Djebilet est l’un des plus grands au monde. Situé dans la région de Bechar, près de la frontière avec la Mauritanie ses réserves potentielles de fer sont estimées à 1,7 milliard de tonnes, avec une teneur en minerai de fer de 57 %.
Avec des projections de production comprise entre 40 et 50 millions de tonnes par an, l’entrée en production de ce projet permettra à l’Algérie d’être autosuffisante en matière de fer et de l’acier et pourrait même se projeter vers l’exportation.
Actuellement, les importations annuelles de fer et d’acier de l’Algérie sont estimées à environ 10 millions de dollars, soit environ 20 % de sa facture totale d’importation(*)
Synthèse Samia Nait Iqbal
(*) Tous les chiffres sont de Al-Hurra.com