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Glucksman, Dahmoune et la pruderie érigée en souveraineté 

REGARD

Glucksman, Dahmoune et la pruderie érigée en souveraineté 

 A ceux qui doutaient de la transparence des élections du 12 décembre, le ministre Salah Dahmoune vient d’apporter l’argument massue. 

C’est lui, le ministre au langage châtié et à l’accent du bon père de famille, c’est lui, avec sa tête d’Elmer, son riche vocabulaire et sa façon de rendre hommage au peuple, c’est lui, Salah-Eddine Dahmoune, le fils d’Azazga éduqué dans les valeurs familiales, c’est lui qui les a préparées, ces élections ! Eh, oui ! Allez voter le coeur léger, citoyens, citoyennes, le scrutin du sieur Dahmoune est garanti pur sucre !

Des instigateurs, à la solde de je ne sais quelle puissance maléfique, ( » Une minorité de pseudos-Algériens, de traîtres, de mercenaires, d’homosexuels et d’infiltrés que nous connaissons un par un », précise le ministre) et dont M. Dahmoune croit savoir qu’ils « ne veulent du bien ni pour le pays ni pour le citoyen », ont, toutefois, tenté de lui porter tort en altérant ses propos de manière ignoble, lui prêtant jusqu’à l’infamie d’avoir qualifié les adversaires des élections du 12 décembre, de « pervers », de « traître » et d’homosexuels ».

Indigné par ces rumeurs malveillantes, le ministre Dahmoune, en brave fils du Djurdjura, a courageusement apporté une rectification solennelle : « Je n’ai jamais évoqué les marches, ni le hirak, ni qualifié quiconque de quoi que ce soit. Je m’adressais intentionnellement aux relais de la France coloniale qui veulent faire appel au Parlement européen pour internationaliser la question ».

Habilement, et conformément à son statut de premier flic d’Algérie, le sieur Dahmoune laisse subsister une part de mystère : qui peuvent bien être ces « relais de la France coloniale » dont on parle depuis 1962, sans jamais les identifier. Parlerait-il de Bouteflika qui s’était rendu 23 fois à Paris, dont une fois pour des soins qui avaient duré deux mois ? On l’ignore.

Il reste que c’est bien dans un établissement de l’armée française que le président a séjourné pendant plusieurs semaines, y tenant des réunions, « de travail », assurait-on alors, dont une avec son chef d’état-major, Gaïd Salah, actuel chef de Dahmoune qui s’en est inspiré pour son émouvant message aux Algériens.

« Chers compatriotes, je réaffirme, encore une fois, à l’instar du peuple algérien et de la déclaration faite par le ministre des Affaires étrangères, le refus catégorique de toute ingérence étrangère dans les affaires de notre pays par une quelconque partie, de même que je condamne avec force l’immixtion flagrante du Parlement européen dans les affaires de l’Algérie souveraine, libre et indépendante ».

Salah le ministre a pris de Salah le général, cette façon pudibonde de critiquer la résolution du Parlement européen et de revendiquer à la fois les privilèges du vice et les honneurs de la vertu : les dirigeants algériens ont le culot de réclamer, d’un même souffle, le droit de briser la vie des adolescents et celui de pouvoir le faire « en toute souveraineté », ce toupet de marcher sur les dignités citoyennes, d’emprisonner de vieux combattants malades, pour un mot, une parole dite en public sur sa personne sacrée, lui le chef d’état-major, cette outrecuidance de s’offusquer qu’on s’en offusque. Mais, dit-on, ainsi naissent les révolutions. 

Aux dernières nouvelles, le ministre est toujours en poste et devrait annoncer, lui-même, les résultats de la singulière présidentielle par laquelle naîtra une nouvelle raison, pour Alger, de flamber de rage et de colère. 

Auteur
Mohamed Benchicou

 




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