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Grande-Combe/France : agression filmée, piste d’un crime raciste et islamophobe

Aboubakar, jeune Malien d’environ 22 ans,

Aboubakar, jeune Malien d’environ 22 ans, tué à la mosquée de Grande-Courbe

Un homme a été tué vendredi dans une mosquée à La Grand-Combe (Gard, sud de la France). Le suspect, en fuite, est toujours activement recherché dimanche alors que plusieurs rassemblements en hommage à la victime sont prévus.

Un homme, en fuite, est toujours activement recherché par la police, alors que plusieurs hommages sont prévus pour rendre hommage à Aboubakar Cissé. Ce jeune homme a été tué à coups de couteau, vendredi, dans une mosquée à La Grand-Combe (Gard).

Les enquêteurs explorent toutes les pistes, y compris celle d’un crime raciste ou islamophobe, le suspect, Olivier H., s’étant filmé en train d’insulter Allah. « La piste d’un acte antimusulman n’est pas négligée, bien au contraire. Il est hors de question de tolérer dans notre société ce genre d’actes », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui s’est rendu à Alès en début d’après-midi, dimanche 27 avril. Franceinfo fait le point sur ce que l’on sait à ce stade de l’enquête ouverte pour « assassinat » et sur les nombreuses réactions politiques.

La victime a reçu « 40 ou 50 coups de couteau »,  le suspect s’est filmé en insultant Allah

Un fidèle musulman a été tué vendredi, vers 8h30, dans la mosquée Khadidja, une salle de prière située dans le hameau de Trescol, dans la petite commune gardoise de Grand-Combe, au nord d’Alès. Selon le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini, la victime et son agresseur étaient « seuls à l’intérieur de la mosquée », lorsque les faits ont eu lieu. Les « deux hommes étaient occupés à prier, lorsqu’un des deux a porté plusieurs dizaines de coups de couteau à l’autre, avant de le laisser pour mort et de prendre la fuite », a expliqué le magistrat, ajoutant que la victime aurait reçu « 40 ou 50 coups de couteau ». Le corps de la victime n’a été découvert que « vers 11 heures, 11h30 »« lorsque les autres fidèles sont arrivés pour la prière du vendredi à la mosquée », a précisé Abdelkrim Grini. Une autopsie doit permettre de préciser ces premières constatations. 

L’agresseur s’est filmé après son passage à l’acte, a rapporté le parquet d’Alès à France Télévisions, samedi, confirmant une information de l’AFP. Sur ces images tournées avec son téléphone portable et obtenues par France Télévisions, l’homme brandit son couteau et tient des propos injurieux contre « Allah » et contre la victime, que l’on voit agoniser au sol. Au vu des propos tenus, la piste islamophobe fait partie des hypothèses examinées par les enquêteurs, a annoncé le procureur. Le Parquet national antiterroriste (Pnat) est en phase d’observation sur ce dossier, mais ne s’en est pas encore saisi. L’enquête pour assassinat a été confiée au groupement de gendarmerie du Gard et à la section de recherches de Nîmes ainsi qu’à la police judiciaire.

La victime était un fidèle de la mosquée

La victime, âgée de 23 ou 24 ans, « fréquentait régulièrement » cette mosquée située dans le hameau du Trescol, a précisé le procureur d’Alès à l’AFP. Aboubakar Cissé venait bénévolement chaque semaine faire le ménage dans la mosquée avant la prière du vendredi. Il était seul sur place quand le suspect est entré, a expliqué le magistrat. Selon plusieurs personnes interrogées sur place vendredi par l’AFP, Aboubakar Cissé était arrivé du Mali il y a quelques années. 

Le suspect est activement recherché

Le suspect, Olivier H. n’a toujours pas été interpellé, dimanche, mais il a pu être identifié, notamment grâce aux images des caméras de surveillance dont est équipée la mosquée Khadidja, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. Né à Lyon en 2004, cet homme de nationalité française, issu d’une famille bosnienne, a une partie de sa famille dans le Gard. Contrairement à sa victime, l’homme « ne fréquentait absolument pas [cette mosquée] et n’y était a priori jamais venu auparavant », a précisé le magistrat. Sans emploi connu, il n’était apparemment pas connu des forces de l’ordre. « C’est quelqu’un qui n’avait pas d’activité particulière » et « qui était sous les radars », a déclaré dimanche le procureur d’Alès, Abdelkrim Grini, lors d’un point-presse devant la sous-préfecture, au côté du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Ce dernier a précisé que « plus de 70 enquêteurs » étaient mobilisés « nuit et jour » afin de trouver le suspect.

« Nous travaillons maintenant pour interpeller [le suspect]. Nous espérons le faire très vite », a réaffirmé le magistrat. « La piste d’un acte antimusulman est privilégiée, mais ce n’est pas la seule », a ajouté Abdelkrim Grini. Selon lui, d’autres éléments laissent penser que le mobile du crime pourrait être différent.

Considéré comme « potentiellement extrêmement dangereux », selon le procureur d’Alès, l’homme est activement recherché. Dans « les propos décousus » que le jeune homme tient dans la vidéo qu’il a lui-même tournée juste après l’acte, Olivier H. semble en effet « manifester son intention de recommencer », a précisé samedi soir le magistrat à l’AFP. Interpellé samedi, le petit frère mineur du suspect a été placé quelques heures en garde à vue avant d’être relâché sans aucune charge en début de soirée, a précisé le procureur d’Alès, ajoutant que « toutes les pistes » restaient envisagées, dont celle d’un crime « raciste et islamophobe ».

Plusieurs hommages sont prévus dimanche

A La Grand-Combe, une marche blanche a réuni environ 2 000 personnes, dimanche après-midi en hommage à Aboubakar, entre la mosquée Khadidja où s’est déroulé le drame et la mairie, selon la journaliste d' »ici Gard Lozère » sur place.

Plus tard dans la journée, un rassemblement se tiendra à Paris, à 18 heures. Une minute de silence est prévue. Plusieurs figures de La France insoumise, dont Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Eric Coquerel ou Rima Hassan, ainsi que la numéro 1 des Ecologistes, Marine Tondelier, ont appelé à s’y rendre pour rendre hommage à la victime et manifester « contre l’islamophobie ». De son côté, le Parti socialiste appelle à rejoindre cette mobilisation parisienne pour dire « non à la haine contre les musulmans » et « non au racisme ». Des rassemblements sont prévus dans plusieurs autres villes.

Des politiques dénoncent l’islamophobie

Les réactions politiques se sont multipliées durant le week-end sur les réseaux sociaux, nombre d’entre eux dénonçant un acte islamophobe et raciste. Dimanche, Emmanuel Macron a adressé un message de soutien à la famille de la victime et « à nos compatriotes de confession musulmane ». « Le racisme et la haine en raison de la religion n’auront jamais leur place en France », a ajouté le président de la République sur X.

Du côté du gouvernement, François Bayrou a estimé que « l’ignominie islamophobe s’[étai]t exhibée sur une vidéo », samedi, sur X. « Nous sommes avec les proches de la victime, avec les croyants si choqués. Les moyens de l’Etat sont mobilisés pour que l’assassin soit saisi et puni », a ajouté le Premier ministre. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a regretté samedi un « ignoble assassinat » dans « un édifice religieux sacré », qui « blesse le cœur de tous les croyants, de tous les musulmans de France ». Dès vendredi, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déploré un « événement épouvantable », faisant part de son « soutien à la famille de la victime et [sa] solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière ».

Dans l’opposition, les réactions sont également nombreuses. « La République ne peut accepter que nos concitoyens de confession musulmane subissent un climat de peur », a réagi, samedi, le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, en dénonçant « un acte ignoble motivé par le racisme et l’intolérance ». « L’islamophobie tue. Tous ceux qui y contribuent sont coupables », a déclaré samedi Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, sur X, avant d’affirmer dimanche que « le meurtre d’un musulman en prière [étai]t le résultat des incessantes incitations à l’islamophobie »Dans un communiqu, le patron des communistes, Fabien Roussel, a dénoncé la « haine antimusulmans ». A l’autre bout de l’échiquier politique, le patron du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déploré sur X(Nouvelle fenêtre) un « ignoble assassinat ». Son allié Eric Ciotti, président de l’UDR, a estimé sur le même réseau social(Nouvelle fenêtre) que « ces atrocités visiblement motivées par des haines religieuses [étaient] une source d’inquiétudes pour la République ».

Localement, le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et recteur de la mosquée Sud-Nîmes a regretté que le préfet ne soit pas venu sur place. « Les fidèles sont un peu déçus que le préfet ne se déplace pas pour leur apporter son soutien et les rassurer », a souligné Abdallah Zekri, dimanche, sur franceinfo. 

Bruno Retailleau s’est rendu à Alès dimanche

L’attitude du ministre de l’Intérieur a dans un premier temps été critiquée. « Je me demande si M. Retailleau, hier, avait piscine. On ne l’a pas entendu », a regretté dimanche Dominique Sopo, président de SOS Racisme, sur franceinfo. L’écologiste Sandrine Rousseau a fait le même reproche au locataire de Beauvau. « Il se rend sur place dès qu’il y a le moindre sujet, pourquoi là n’est-il pas sur place, pourquoi ne pose-t-il pas les mots, pourquoi n’a-t-il pas la même fermeté dans son langage ? », s’est interrogée la députée de Paris, dimanche, sur franceinfo.

Le ministre de l’Intérieur a finalement bousculé son agenda pour se rendre à Alès dimanche après-midi. Après avoir échangé avec le préfet, des élus locaux, le procureur et le président du conseil départemental du culte musulman, Bruno Retailleau a exprimé devant les caméras « un message de compassion, de solidarité et de mobilisation »« La piste d’un acte antimusulman n’est pas négligée, bien au contraire. Il est hors de question de tolérer ce genre d’actes dans une société hyperviolente ».

Francetvinfos/AFP

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