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Guerre d’Israël à Gaza : la tension monte entre l’État hébreu et la Russie

Vladimir Poutine

Depuis le 7 octobre, la Russie, qui avait jusque-là maintenu une position diplomatique qui lui permettait de parler avec tous les acteurs au Moyen-Orient, a pris ses distances avec Israël.

Jusqu’ici, l’État hébreu montrait un positionnement prudent avec les déclarations et prises de position venues de Moscou. La visite de représentants du Hamas dans la capitale russe ce jeudi a changé la donne et suscité la colère officielle d’Israël. Ce vendredi 27 octobre, la Russie lui répond.

Vladimir Poutine avait attendu une semaine avant d’appeler Benyamin Netanyahu et de faire savoir qu’il présentait ses condoléances « aux proches des victimes ».  Un geste contraire aux usages diplomatiques avec un pays considéré comme un partenaire proche. Le président russe avait aussi comparé le siège de Gaza au blocus de Leningrad, qui avait fait environ 800 000 morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

Avec la visite du Hamas à Moscou, cette fois, Israël signifie qu’une ligne rouge a été franchie, et a déclaré via son ministère des Affaires étrangères jeudi soir « considérer l’invitation de hauts responsables du Hamas à Moscou, comme une mesure obscène qui soutient le terrorisme et légitime les atrocités des terroristes du Hamas ».

Le mot « terrorisme », lui, n’est apparu pour la première fois dans la bouche de Vladimir Poutine qu’il y a deux jours. Lors d’une réunion mercredi avec des représentants religieux – une réunion comme il en tient régulièrement – le président russe affirmait ainsi : « La Russie a connu et sait ce qu’est le terrorisme international ». Avant d’ajouter : « Je tiens sincèrement à exprimer mes condoléances aux familles des Israéliens et des citoyens d’autres pays dont les proches ont été tués ou blessés lors de l’attaque du 7 octobre ». À aucun moment, Vladimir Poutine ne nomme le Hamas, ni ne le rend responsable. L’organisation n’est du reste pas labellisée comme « terroriste » par Moscou et se rend régulièrement dans la capitale russe. Il est à noter que les talibans sont eux classés « terroristes » par la Russie, mais que leurs délégations se rendent régulièrement dans le pays. Ils étaient ainsi présents au Forum économique de Saint-Pétersbourg en juin 2022 et 2023.

La Russie, « un pays ami du peuple palestinien »

Pour répondre à la diplomatie israélienne, la Russie a choisi deux canaux, s’exprimant dans la droite ligne des propos présidentiels précédents, soit une condamnation du terrorisme dans des termes généraux. D’abord via son ambassade en Israël, qui a publié ce vendredi un long communiqué, précisant notamment : « Nous condamnons fermement le recours à des méthodes terroristes, y compris le meurtre de civils, la prise en otage de femmes, de personnes âgées et d’enfants, qui doivent être libérés (…). Il est absolument inacceptable de nous accuser de soutenir le terrorisme (…) de remettre en question le travail ciblé de notre pays pour résoudre les tâches humanitaires (…) dans l’intérêt des citoyens de la Russie, d’Israël, de la Palestine et d’autres pays ».

Le porte-parole du Kremlin a lui ensuite déclaré : « Le terrorisme, dans aucune de ses manifestations, ne peut être justifié d’aucune façon. Cela correspond absolument à notre position constante, qui a été exprimée à plusieurs reprises par le président de la Russie. Quant à la bande de Gaza, il y a en effet une catastrophe humanitaire en cours, qui fait l’objet de l’attention et de la plus profonde préoccupation de presque tous les pays », estime Dmitri Peskov.

Ce vendredi matin, dans le journal Kommersant, le représentant de la délégation du Hamas à Moscou, Abu Hamid déclarait notamment : « La Fédération de Russie est un pays ami du peuple palestinien ». Il y déroulait aussi ses arguments et sa revendication d’un cessez-le-feu pour libérer les otages.

Un choix assumé 

L’épisode montre surtout le choix assumé de se distancer d’un pays autrefois considéré comme un partenaire proche

Les événements du 7 octobre ont d’abord été considérés par la Russie comme un moment pour tenter de se présenter comme un meilleur médiateur. Les premiers propos de Vladimir Poutine avaient été en effet pour fustiger Washington. « Il s’agit d’un exemple clair de l’échec de la politique des États-Unis au Moyen-Orient », déclaration du président russe faite le 10 octobre.

En mesure de parler à tous les acteurs de la région, Moscou avait de bonnes cartes en main pour essayer de rompre son isolement, se trouver un espace sur la scène internationale. Au-delà, il y a une réalité, le massacre des populations palestiniennes à Gaza ne semble pas émouvoir le camp occidental. Plus de 7000 morts palestiniens ne suffisent pas à acheter la mort de 1500 Israéliens. L’inféodation aveugle en faveur des autorités actuelles israéliennes ne favorise pas les porteurs du message de paix et de négociation entre les deux parties. Pourtant, tout le monde reconnaît que ce conflit meurtrier qui dure depuis 75 ans ne peut finir qu’autour d’une table de négociation. Alors les dividendes que peut tirer Poutine de cette guerre contre la population de Gaza, comme le supposent certains analystes, sourds devant les souffrances palestiniennes, n’est qu’un calcul mesquin.

L.M./Rfi

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