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Guerre en Ukraine : exécutions de civils et viols commis par des soldats russes

Kiev

L’ONG Human Rights a publié un premier rapport sur des cas de « violations des droits de la guerre ». Il s’appuie notamment sur des témoignages recueillis dans les zones qui étaient occupées par les Russes, où des centaines de corps de civils ont été découverts. 

« Une cruauté et une violence indicibles et délibérées contre des civils ukrainiens. » L’organisation Human Rights Watch rapporte des exactions commises par des militaires russes contre des civils ukrainiens, dans un rapport publié dimanche 3 avril (lien en anglais). Des faits que l’ONG qualifie de « crimes de guerre apparents ».

Ils se sont produits entre le 27 février et le 14 mars, dans des zones occupées des régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev. Human Rights Watch, qui a interrogé dix témoins ou rescapés, fait état d’un cas de viols répétés, de vols et de plusieurs cas d’exécutions sommaires et de menaces d’exécutions. Des révélations qui s’inscrivent dans la lignée, ces derniers jours, de la découverte de fosses communes et de plusieurs centaines de corps de civils dans la région de Kiev. D’après la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, les corps de 410 civils ont été retrouvés dans des zones reprises aux forces russes.

Plusieurs exécutions sommaires

Pour obtenir ces révélations, Human Rights Watch a mené « des entretiens détaillés avec des témoins oculaires, des survivants et des témoins secondaires », précise à franceinfo Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de l’ONG.

Parmi ces crimes documentés, l’organisation décrit deux exécutions sommaires ayant causé la mort de sept civils ukrainiens. La première a eu lieu dans le village de Staryi Bykiv, dans la région de Tchernihiv, le 27 février. Trois jours après le début de l’offensive de Moscou en Ukraine, les soldats russes ont arrêté six hommes de trois familles différentes, puis les ont exécutés, selon les témoignages recueillis par Human Rights Watch. L’ONG a interrogé Viktoria, la mère et belle-sœur de deux des victimes : « Les soldats nous ont dit de ne pas nous inquiéter, qu’ils leur feraient un peu peur puis qu’ils les laisseraient partir. Nous avons fait 50 mètres… et nous avons entendu des tirs », confie-t-elle. Elle retrouvera leurs corps le lendemain.

« Ils étaient couchés là. Il y avait des blessures par balle au niveau de leurs têtes. Leurs mains étaient liées dans le dos. J’ai regardé le corps de mon fils, ses poches étaient vides », témoigne Viktoria, mère d’une victime à Human Rights Watch

Moins d’une semaine plus tard, le 4 mars à Boutcha, au nord-ouest de Kiev, « les forces russes ont arrêté cinq hommes et exécuté sommairement l’un d’entre eux », rapporte Human Rights Watch, sur la base du témoignage d’une enseignante ayant vu l’exécution. Cette témoin a été amenée de force par des militaires russes sur une place de la ville, avec 40 autres habitants. Ces civils ont attendu pendant plusieurs heures, puis des soldats sont arrivés avec cinq hommes, leur ordonnant de s’agenouiller.

« Les soldats russes ont retiré les tee-shirts de ces hommes. Ils ont tiré une balle dans la nuque de l’un d’entre eux. L’homme est tombé, des femmes criaient. Les quatre autres hommes sont restés agenouillés », affirme une femme ayant vu une exécution sommaire à Human Rights Watch.

D’après cette enseignante, les civils conduits de force sur cette place sont restés encore plusieurs heures avant d’être raccompagnés chez eux par les militaires russes. Cinq jours plus tard, « le corps du jeune homme se trouvait encore à l’endroit où il avait été tué », a relaté la témoin.

Human Rights Watch ajoute qu’un Ukrainien et son fils ont été menacés d’être exécutés le 4mars dans leur village de Zabuchchya, en périphérie d’Irpin, après que des soldats russes ont trouvé un fusil de chasse et une bouteille d’essence dans leur jardin. Deux jours plus tard, des militaires russes ont tiré sur une femme et une adolescente de 14 ans à Vorzel, alors qu’elles sortaient du sous-sol où elles s’étaient réfugiées, selon un homme présent sur les lieux. « Les soldats russes ont pris d’assaut ce même sous-sol et ont lancé une grenade fumigène à l’intérieur. Plusieurs personnes ont paniqué et se sont enfuies à l’extérieur, où des soldats russes leur ont tiré dessus », rapporte l’organisation.

Une femme victime de viols répétés

Au cours de ses recherches, Human Rights Watch a pu recueillir la parole d’Olha (le prénom a été modifié), une Ukrainienne de 31 ans affirmant avoir été violée à plusieurs reprises et battue par un soldat russe dans le village de Malaya Rohan, dans la région de Kharkiv. Les faits se sont produits le 13 mars, d’après son témoignage.

La jeune femme était réfugiée dans le sous-sol d’une école avec sa fille de 5 ans, sa mère, sa sœur et son frère quand un soldat russe est entré de force dans l’établissement. Le militaire l’a emmenée dans une salle de classe du deuxième étage où, tout en pointant une arme sur elle, il lui a ordonné de se déshabiller puis de lui faire une fellation. L’ONG évoque plusieurs rapports forcés. Selon le témoignage de la victime, le militaire a placé un couteau sous sa gorge, puis l’a blessée avec cette arme au niveau du cou et d’une joue. Il l’a frappée avec un livre et l’a giflée plusieurs fois, a affirmé Olha.

« Pendant que je me rhabillais, le soldat m’a dit qu’il était russe et qu’il avait 20 ans. Il a dit que je lui rappelais une fille avec qui il était allé à l’école » témoigne une Ukrainienne accusant un soldat russe de viols.

Le soldat russe a quitté l’école le lendemain matin. L’ONG a pu consulter des photographies corroborant les propos d’Olha, montrant ses blessures au niveau du visage et du cou.

Des cas en cours de vérification

Selon Human Rights Watch, « de nombreux civils ukrainiens » ont également raconté « que les forces russes emportaient de la nourriture, du bois de chauffage, des vêtements et d’autres articles tels que des tronçonneuses, des haches et de l’essence » dans les zones qu’elles occupaient.

L’organisation poursuit son travail d’enquête en Ukraine. « Nous avons reçu des informations, des accusations concernant d’autres exécutions et violences sexuelles », confirme auprès de franceinfo Fred Abrahams, directeur adjoint du bureau des programmes à Human Rights Watch. Trois accusations de violences sexuelles visant des militaires russes, dans la région de Tchernihiv et à Marioupol, sont en cours de vérification. L’ONG tente aussi de retracer les faits à Boutcha. Un chercheur de l’ONG s’y est rendu lundi. 

Quelle sera l’ampleur des « crimes de guerre apparents » que Human Rights Watch commence à documenter en Ukraine ? « Notre rapport ne documente qu’un petit nombre de crimes. Nous craignons qu’il y en ait davantage« , souligne Rachel Denber. Son collègue Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale, pointe le cas de l’exécution sommaire confirmée à Boutcha, le 4 mars. « Un mois plus tard, nous voyons ces images terribles de centaines de corps. Nous ne savons pas encore comment ces personnes sont mortes, mais nous craignons que les tactiques identifiées sur ce cas, le 4 mars, aient pu continuer pendant des semaines. »

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