Quels crimes a commis Hadjira Belkacem pour que son nom soit frappé du sceau de l’infamie? Quel préjudice a-t-elle attenté à sa patrie pour que «l’interdiction de quitter le territoire national algérien» (ISTN) soit brandie comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête?
Depuis qu’elle a mis les pieds sur le sol de sa ville natale Tijelabine à Boumerdès, en janvier dernier,
Hadjira, au même titre d’ailleurs que tant d’autres ressortissants algéro-canadiens, est condamnée à subir les affres d’un pouvoir à l’agonie dans les pratiques sont enrobées dans les vieilles méthodes staliniennes.
Soupçonnée par les autorités algériennes d’être à la solde d’une « organisation terroriste », un mobile parmi d’autres fabriqué de toutes pièces par le Haut Conseil de Sécurité de Tebboune, pour inculper à son aise toute voix discordante, Hadjira se retrouve emprisonnée à ciel ouvert dans une «nouvelle Algérie» où l’arbitraire fait office de justice et où la tyrannie protège les bourreaux et les nantis de la nomenclature dans les hautes sphères du sérail. « Le 24 février 2022, dit-elle, j’ai été appréhendée au niveau du Service des Passeports de l’aéroport Houari Boumediene. J’apprends avec stupeur, ajoute-t-elle, l’existence d’un mandat d’arrêt qui a été émis à mon encontre. »
Elle est partie se ressourcer dans son pays en date du 19 janvier 2022 et échapper ainsi au rude hiver du Québec sans douter un instant qu’elle allait être rudoyée par le système judiciaire algérien. « J’ai été arrêtée depuis 11h 00 du matin jusqu’au lendemain à 02 h 00 du matin. J’ai subi, comme une criminelle, pendant de longues heures d’intenses interrogations, raconte Hadjira. Un dossier pénal fut ouvert en mon nom. Après m’avoir pris des photos et mes empreintes digitales, j’ai été emmenée chez un médecin légiste pour des examens afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’ecchymoses ou de blessures », soutient-elle.
D’interrogatoire en interrogatoire, le cauchemar n’en finissait pas. « Je fus emmené par la suite, relate Hadjira, dans une voiture de police à la Direction Générale de la Sécurité de la capitale où j’ai pris connaissance, ironie du sort, des charges retenues contre moi à savoir : Appartenance et financement d’un groupe terroriste (Rachad) via la tenue de collectes de fonds à Montréal et possession d’un montant indéterminé de devises étrangères», conclut-elle.
Hadjira pour l’avoir côtoyée de près, est par excellence la perle rare dont la communauté algérienne au Québec en général et à Montréal en particulier est fière de compter parmi elle. Cofondatrice de l’Association de la Sépulture musulmane du Québec (ASMQ), «organisme canadien enregistré de bienfaisance » qui s’occupe de l’enterrement des défunts dont les familles sont pauvres et à faible revenu, Hadjira ouvre à tout venant la porte de sa maison durant toutes les saisons. Elle s’affaire comme une fourmi à venir en aide aux démunis, aux orphelins, aux sans-abris, aux personnes en fin de vie…etc.
Philanthrope innée, elle est née pour faire du bien et apporter un tant soit peu de chaleur dans le cœur des familles des défunts. Elle est au four et au moulin. Tantôt présente au cimetière, tantôt aux chevet des malades, certes Hadjira organise des levées de fonds, mais pour acheter d’avance des lots de tombes au carré musulman des pompes funèbres à Montréal en l’occurrence Magnus Poirier pour que les musulmans d’ici soient dignement inhumés.
« Honteux, scandaleux que de trainer dans la boue une femme aussi humaine, engagée à servir sa communauté corps et âme», témoigne une de ses amies proches qui a voulu garder l’anonymat.
Quant à Hadjira, elle martèle que « ces accusations infondées ont pour origine une source anonyme. La ou les personnes derrière cette diffamation cherchent tout simplement à me détruire, moi et ma famille. Un simple appel anonyme, enchaine-t-elle, a suffi pour transformer cette dénonciation calomnieuse en un mandat d’arrêt visant ma personne. »
Peut-être, elle est méconnue dans le milieu associatif algérien, à Montréal par contre, le nom de Hadjira Belkacem est sur tous les lèvres de par sa générosité, son empathie, sa bienveillance et son ouverture d’esprit.
Éducatrice de formation, Hadjira occupe présentement ses journées dans sa localité en Algérie à faire des campagnes de nettoyage des quartiers le matin; et le soir elle attend les enfants au seuil du portail de l’école pour leur distribuer des livres à lire ou des puzzles à résoudre tandis qu’au Québec son jeune enfant, sous le choc, traumatisé à l’instar de toute la famille, verse des larmes en classe, incapable de faire ses examens de fin d’année.
Par-dessus tout, ce que les renseignements généraux algériens ignorent est que Hadjira Belkacem, cette femme digne héritière de Fadhma Nsoumer, vendait des galettes à Montréal pour acheter des livres aux enfants du peuple en Algérie au moment où ceux des ministres et des hauts gradés se pavanent sur le pavé uni des écoles à l’étranger.
Hadjira Belkacem fut cette femme résistante qui s’est battu sans relâche auprès des parents de Thanina, une petite fille atteinte de la sclérose latérale amyotrophique. Un hôpital à Montréal voulait la débrancher depuis ses six mois et mettre fin à ses jours ; mais grâce à la mobilisation de la communauté à leur tête Hadjira, la petite Thanina fut transférée à Toronto où elle est dignement prise en charge. Elle a aujourd’hui huit ans. «Hadjira, lui a amassé la modique somme de 48 000$ pour payer son fauteuil spécial, louer les services d’un avion, payer les frais d’installation à la famille», nous confie un des membres de l’ASMQ. Il fallait faire absolument preuve de courage, de résilience et d’altruisme pour mener à bout cette mission.
L’espoir est permis qu’un jour Hadjira retrouve sa liberté et sa famille à Montréal. « Je demande une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce qui m’arrive, sachant que je suis innocente de toutes les charges qui ont été faussement retenues contre moi, clame-t-elle. Le préjudice moral, psychologique, physique et matériel que je subis, moi et ma famille, s’alourdit de jour en jour, regrette-t-elle.
Hadjira, tôt ou tard, le temps t’absoudra et l’histoire condamnera tes bourreaux qui à tort et à travers remplissent les geôles de prisonniers dont le seul délit est l’amour de la liberté.
Ali Atman, enseignant de français langue seconde- Montréal