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Harga : l’Algérie tarit la route italienne, mais la jeunesse prend le large vers l’Espagne

Les relations algéro-italiennes connaissent une phase ascendante, portées par une coopération énergétique stratégique et une coordination sécuritaire qui, selon des médias algériens, a permis de « tarir » presque totalement les flux de migrants irréguliers en direction de la péninsule italienne.

L’ambassadeur d’Algérie en Italie, Mohamed Khalifi, a affirmé récemment que les départs depuis les côtes algériennes vers l’Italie sont aujourd’hui « proches de zéro », fruit d’un partenariat bilatéral étroit et de mesures strictes de surveillance des frontières.

Ce discours, qui reflète indéniablement le succès d’une coopération ciblée entre Alger et Rome, soulève toutefois une interrogation majeure : pourquoi, dans le même temps, les départs vers l’Espagne connaissent-ils une recrudescence spectaculaire ?

La côte ouest, nouveau théâtre des traversées

Alors que l’axe Est–Méditerranée semble verrouillé par la coopération sécuritaire algéro-italienne, c’est sur la façade ouest, face à l’Espagne, que s’exprime désormais la pression migratoire. Depuis le début de l’été, des centaines de jeunes Algériens ont pris la mer à bord d’embarcations de fortune, défiant les risques et les dispositifs de contrôle.

Mercredi dernier, huit adolescents ont même réussi à voler une embarcation à La Pérouse ( Tamentefoust), avant de rejoindre les côtes espagnoles. Dans les 48 heures qui ont suivi, un autre groupe de mineurs a également pris la mer dans des conditions similaires. Ces traversées spectaculaires, qui alimentent un flot continu d’arrivées sur les plages d’Almería ou de Murcie, illustrent la vigueur persistante du phénomène de la harga en dépit des politiques répressives.

L’attractivité espagnole et les angles morts du contrôle

Cette dynamique met en lumière une réalité paradoxale : si les routes maritimes vers l’Italie se sont asséchées, celles qui mènent vers l’Espagne apparaissent comme un exutoire encore largement attractif pour les harragas algériens. Proximité géographique, réseaux de passeurs bien implantés et perception d’une prise en charge plus souple par les autorités espagnoles expliquent en partie ce basculement.

Elle interroge aussi les limites d’une stratégie focalisée sur un seul axe migratoire. La réussite affichée avec Rome, consolidée par des accords sécuritaires et le cadre multilatéral de l’« opération Rome », ne suffit pas à contenir un phénomène plus diffus, nourri par le désespoir social et le manque de perspectives.

Entre sécurité et développement : un équilibre fragile

L’Algérie met pourtant en avant une approche qui combine sécurité et développement. Elle consacre chaque année 12 millions de dollars à des projets socio-économiques dans les pays du Sahel pour traiter les « causes profondes » de la migration. Mais ces efforts, tournés vers l’Afrique subsaharienne, contrastent avec l’urgence sociale qui mine ses propres régions littorales, d’où continuent de partir des adolescents en quête d’avenir.

 Un contraste révélateur

Ainsi, le contraste est saisissant : d’un côté, l’Algérie se présente comme un partenaire stratégique fiable pour l’Italie, réussissant à « sécher » une route migratoire grâce à un dispositif coordonné ; de l’autre, elle reste incapable de retenir ses jeunes sur son propre sol, ni d’empêcher leur fuite massive vers l’Espagne. Un paradoxe qui met en lumière la difficulté de traiter la harga par le seul prisme sécuritaire, sans s’attaquer aux fractures socio-économiques qui alimentent le désespoir d’une jeunesse prête à tout risquer pour rejoindre l’autre rive.

Samia Naït Iqbal

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