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Harraga 2033 (4) : Alger-Amsterdam, aller simple pour l’enfer

Haragas algériens
Haragas algériens : les barques du dernier espoir d’une vie meilleure.

Le jour du grand départ, ils étaient cinq jeunes villageois à quitter leur colline et s’en aller gaiement rejoindre un groupe d’une quinzaine de personnes sur un coin dissimulé d’une crique près de Tigzirt sur mer.

Le départ était prévu pour le lendemain matin, très tôt. Ils avaient toute la nuit pour fignoler les préparatifs et faire connaissance. Parmi les candidats à l’aventure, il y avait huit hommes, quatre femmes et trois enfants.

Il est cinq heures, ce vendredi matin, quand une embarcation de fortune vient se faufiler dans l’obscurité sur la plage. À son bord, deux passeurs. Ils ne perdent pas de temps. Ils interpellent le groupe sans le moindre salamalec :

– Allez ! allez ! Dépêchons-nous ! Préparez votre argent et vos sacs, et montez en vitesse !

Le temps de compter les liasses de billets et d’embarquer chaque membre du groupe, la chaloupe glisse et file à toute allure sur une eau bien calme pour la saison.

Harraga 2033 (3) : Alger-Amsterdam, aller simple pour l’enfer

Dans cet espace exigu, on fait suffisamment de galanterie pour laisser s’asseoir les femmes et les enfants. Les hommes n’ont d’autre choix que de rester debout. Et puis, il fallait bien commencer par adopter les bonnes manières de leurs pays d’accueil et laisser derrière soi ces reflexes phallocrates indignes du mot évolution.

Avec un peu de chance, Boussad et ses compagnons accosteront quelque part sur les côtes espagnoles. Il faut dire que naviguant sans matériel de précision, le maître à bord s’oriente au petit bonheur la chance.

Après des heures de voyage et d’anxiété, le périple arrive à sa fin. Boussad se retrouve à la frontière franco-espagnole. Mais il n’est pas sorti d’affaire pour autant. Prendre le train était risqué. Mais comme ils sont quatre à vouloir se rendre à Paris et qu’il leur restait suffisamment d’argent, ils décident de s’y rendre en Taxi. Le hasard les ayant fait accoster près d’Alicante, ils ne rencontrèrent aucune difficulté à se rendre en ville pour y flâner et localiser une station.

Arrivé dans la capitale française, notre harraga survit de menus travaux dans des chantiers où les patrons ne sont pas trop regardants sur la régularité des papiers de leurs recrues.

Le projet de Boussad n’était pas de vivoter ainsi avec la menace permanente de se faire contrôler par la police et d’être renvoyé chez lui. Cependant, il lui fallait mettre un peu d’argent de côté afin de poursuivre son périple qui le mènera, si tout se passe bien, à Dunkerque. Là, il avait quelques contacts qui, espérait-il, allaient lui tendre la main pour l’aider à régulariser sa situation et prendre enfin son envol. Son diplôme américain fera le reste. Il en est convaincu.

C’était sans compter sur le destin et cette rouquine venue, il ne sait d’où, bouleverser sa vie… (à suivre)

Kacem Madani

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