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Hirak : le jour d’après

DECRYPTAGE

Hirak : le jour d’après

Bientôt trois ans pour la « Révolution du sourire » en Algérie. Les espoirs portés par tout un peuple vont-ils se concrétiser. « Le peuple comme un seul homme », comme dirait le chanteur Lounes Matoub, s’est levé pour revendiquer et se réapproprier son Histoire. Depuis  février 2019, combien  de manifestations organisées au su et au vu de la planète entière.

Cette révolution pacifique s’est faite sans violence et sans débordements ; elle reflète une maturité politique du peuple algérien. Ce dernier, qu’on disait sourd au débat politique, a déjoué bien des pronostics et donné des leçons à beaucoup de bien-pensants nationaux et internationaux.

Tandis que dans la rue le Peuple faisait sa révolution, dans les officines du pouvoir la contre-révolution se dessinait. Pas directement d’abord, mais de façon insidieuse, Les revendications et les slogans des citoyens furent repris par certains cercles qui d’habitude étaient très hermétiques à tout changement. Nous avons même été surpris par la campagne anti-corruption lancée à travers le pays. A-t-elle été efficace, ou était-elle simplement un levier d’ajustement conjoncturel ?

En tout cas, il est étrange et surprenant de se réveiller avec « la gueule de bois » et de s’apercevoir qu’au final les acquis démocratiques sont bien plus faibles que sur la ligne de départ. Toutes les libertés ont été fragilisées et sont moins bien garanties.

Nous constatons surtout que cette révolution/contre-révolution revêt une crise multidimensionnelle. Le jeune Etat algérien, tel que défini depuis son Indépendance, se découvre divisé dans ses fondements mêmes. On ne saurait bien entendu revenir sur l’unicité de l’Etat et de son peuple. Mais le débat est tellement animé et parti dans tous les sens qu’on se demande si cette révolution n’a pas en définitive ouvert la boîte de Pandore ! Là, la responsabilité des « élites » et des « intellectuels » est engagée. Il n’est aucunement acceptable de revenir sur les acquis de l’Indépendance algérienne et les aspirations de la plateforme de la Soummam. En revanche, il est du devoir des Institutions de promouvoir la réalité historique. Il faut puiser dans le passé pour construire l’avenir sereinement.

Révolution & contre-révolution et puis après ?

Le départ d’un président puis l’arrivée d’un autre, le référendum constitutionnel puis les élections législatives, et enfin bientôt les élections municipales. Tous ces rendez-vous sont louables, mais nous sommes en droit de nous poser la question : en définitive, à quoi servent toutes ces consultations, surtout quand elles n’ont pas été accompagnées de débats préalables et réels avec le peuple ?

Nous pouvons comprendre la nécessité de restaurer l’autorité de l’Etat et de surcroit légitimer une politique, mais encore faut-il que toutes ces actions reposent sur une confiance rétablie. Cette tâche est un exercice plus ardu.   Nous sommes en droit également de nous poser la question sur le « jour d’après ». Après toutes ces consultations des citoyens, quand le débat populaire va-t-il s’engager réellement ? Il est nécessaire à plusieurs niveaux.

Sur le plan économique, nous avons besoin d’un réel programme de réformes économiques. L’exemple de la catastrophe économique vénézuélienne guette à tout moment.

Il faut d’urgence une vision sérieuse et en débattre démocratiquement. A défaut, nous sommes condamnés à vivre d’une économie de rente pétrolière et gazière.

Quand allons-nous libérer les énergies créatrices d’emplois et d’innovations. Les entrepreneurs et chefs d’entreprises ne cessent  de réclamer la libéralisation de l’économie. Il faut leur assurer un tissu économique et entrepreneurial viable, compétitif à l’intérieur et à l’international. Il est urgent de concevoir un plan de relance économique à la hauteur des capacités et opportunités importantes du pays, d’entrer de plain-pied dans la transition énergétique et écologique.

Il est primordial d’attirer et de maintenir les forces vives de la nation sur le territoire national. Jusqu’à quand allons –nous regarder, voire pour certains se réjouir, l’exil de notre jeunesse qui, pour une partie d’entre elle, prend le risque de mourir en traversant la Méditerranée. 

Sur le plan politique et international, il faut bien sûr défendre nos intérêts mais aussi éviter absolument l’isolement. Nous vivons dans un monde ouvert propice aux échanges, où les diasporas revêtent une attention particulière.
A l’intérieur, maintenant que les institutions de l’État ont été «renouvelées», il faudrait ouvrir le champ politique et appeler les forces vives de la société civile à participer au débat national. Il faut libérer tous les détenus politiques et promouvoir une presse libre et indépendante. 

Adopter une politique d’union nationale et non favoriser une partie par rapport à une autre. L’adage qui consiste à diviser pour mieux régner ne saurait s’appliquer lorsqu’il s’agit de l’unité nationale. Tout discours raciste d’un bord comme d’un autre devra faire l’objet de poursuites judiciaires systématiquement.

Culturellement et sur le sujet de l’identité, allons-nous une fois pour toutes assumer toutes nos racines ? L’algérianité n’est pas un concept vain. L’Algérie est méditerranéenne et africaine. 

La réforme de l’enseignement devra être à la mesure des espoirs que nous formulons pour les futures générations. On ne saurait amoindrir aucune langue, toutes sont vecteurs de savoir. La langue de travail qu’est le français doit être sauvegardée. Au même titre que l’arabe, le tamazight devra avoir sa place.

Sur le plan institutionnel, il est fondamental que toutes les catégories sociales, toutes les régions du pays, soient réconfortées sur leur histoire, sur leur identité, et rassurées sur leur devenir ?  Il faut enfin tordre le cou à cette rumeur qui prétend que le destin de l’Algérie se joue sans son Peuple. Pour cela, il faut rétablir dans toute la société un niveau satisfaisant de confiance. Or, la confiance ne se décrète pas, elle se vérifie sur le terrain, pour préparer le jour d’après. 

Auteur
Lyazid Benhami, auteur

 




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