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« Histoire secrète de la chute de Bouteflika » : Le Blitzkrieg des services secrets

LES BONNES FEUILLES

« Histoire secrète de la chute de Bouteflika » : Le Blitzkrieg des services secrets

Nous vous proposons un chapitre du livre « Histoire secrète de la chute de Bouteflika » écrit par Nawfel Brahimi El Mili et publié chez les éditions de l’Archipel en France. 

Le Blitzkrieg des services secrets

Le 11ème vendredi de la protesta se déroule comme les autres. Des slogans sont réadaptés mais ils rejettent les « 2B » restants. Les Algériens veulent un changement radical. En face, le pouvoir recule mais ne cède pas, il table, sans doute, sur l’essoufflement du mouvement, d’autant plus que le prochain vendredi sera au mois de Ramadhan. La réponse des manifestions : « nous n’arrêtons pas », Jeûner et marcher, le geste est encore plus fort. Dans une ville de Kabylie, une jeune femme porte une feuille format A4, sortie de l’imprimante en fin de matinée, une seule phrase en gras : « Saïd à El-Harrach », quartier de la plus grande prison algéroise, désormais fréquentée par l’élite du monde des affaires de l’ère Bouteflika. Seul un journaliste local reprend à la marge cet écriteau prémonitoire. Un photographe de presse immortalise une dame portant une pancarte : « Plus des mandants, sauf des mandats d’arrêts », un rêve voire une prémonition.

Pour beaucoup d’Algériens, épris de justice, la sortie de la longue nuit du Bouteflikisme doit avoir une relation mécanique avec l’incarcération des tenants du pouvoir pendant ces deux décades. La journée du vendredi est finie, les policiers dispersent les derniers manifestants, avant de se replier. Au même moment, trois équipes des services de sécurité, appuyées par des troupes d’élite, préparent une opération inédite en Algérie. Un blitzkrieg, une guerre limitée mais éclaire menée simultanément sur trois fronts mais par un seul corps d’armée dépendant de la Direction centrale de la sécurité des armées (DCSA), sous les ordres directs d’Ahmed Gaid Saleh, depuis 2015, année du dépeçage du redoutable DRS.

L’intervention est minutieusement planifiée peu de temps après le discours de chef des armées du 16 avril. Il était explicite dans ses avertissements qui ne concernaient pas que les hommes d’affaires: « les réunions suspectes qui se tiennent dans l’ombre pour conspirer autour des revendications du peuple et afin d’entraver les solutions de l’Armée nationale populaire et les propositions de sorties de crise. Toutefois, ces parties, à leur tête l’ex-chef du Département du renseignement et de la sécurité, ont tenté, en vain, de nier leur présence dans ces réunions et d’induire en erreur l’opinion publique, et ce, en dépit de l’existence de preuves irréfutables sur ces faits abjects.» La principale cible est toute désignée. Ce soir, les hommes de confiance de Gaid Salah vont passer à l’action. Les mots de passe et les codes sont mémorisés, la fréquence radio est cryptée et la « check list » est vue et revue. Le premier commando, installé dans plusieurs voitures, prend la direction d’une impasse privatisée par un panneau de sens interdit, en pleine nuit. Le périmètre est sécurisé par les coéquipiers en position depuis longtemps. Le chef d’équipe sonne à la porte de la demeure perchée sur les hauts de Hydra.

Un des gardiens, reconnait la silhouette du visiteur impromptu sur son écran de contrôle, connecté à plusieurs caméras. Un autre, particulièrement soupçonneux, ouvre lentement la porte,. D’habitude le maitre des lieux l’informe préalablement de toute visite. Ici, personne ne vient à l’improviste, jamais ! Cependant, il est chargé de s’enquérir de l’objet de la visite inopinée. Habitué à garder bien plus qu’une villa, c’est l’antre de Rab Dzaier en personne. Les intrusions forcées chez le Dieu de l’Algérie sont inimaginables. Mais pourtant, d’un ton ferme, l’intrus demande à voir « le Major », comme il appelait son grand chef au bon vieux temps du DRS tentaculaire. Le Major Tewfik finit par se présenter au seuil de sa maison. Son ancien collaborateur lui signifie sans détour et sèchement qu’il est aux arrêts et doit le suivre sur la champ.

Après une si longue carrière dans les services secrets, Tewfik comprend ce qui l’attend mais reprend son ton le plus bureaucratique et exige de voir l’ordre de mission. Tout avait été prévu sauf ce détail administratif. Ne voulant pas violenter son ancien grand patron et sans doute respectueux des procédures, l’officier se met à l’écart mais ses hommes surveillent de prés leur cible. Il rend compte de la situation par Talkie-walkie, il s’entend dire que le document sera livré dans les plus brefs délais mais surtout de rester en place. Un quart d’heure plus tard, un autre officier ramène l’ordre d’arrêt durement signé, le centre de commandement opérationnel des services secrets, « Antar», n’est qu’à deux bretelles d’autoroute plus loin. Sa demande est formellement exaucée, Tewfik n’a que le choix de mettre sur ses épaules une surveste d’été et de suivre le détachement sous haute surveillance. Dans le véhicule banalisé, roulant à toute vitesse, il reconnait tout de suite la destination qui avait été fatale et finale pour tant de personnes dont il avait scellé définitivement le sort d’un murmure de lèvres parfois d’une simple signature. Tewfik arrive à la caserne « Antar », lieu d’investigations poussées du contre-espionnage. Il y passera toute une nuit mais il ne sera pas le seul. La deuxième opération cible, le général-major Athmane Tartag, dit Bachir, successeur de Tewfik. (A suivre)

 




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