Mercredi 28 octobre 2020
Hold-up du 1er novembre 1954
L’Algérie post-indépendante a connu autant de Constitutions que de Présidents, et la violation de tous les fondements constitutionnels du pays – en vertu de la loi – n’a jamais cessé, bien au contraire.
Toutes les Constitutions qui se sont succédé n’ont pas servi la cause de la démocratie, ni comme système de référence ni comme idéal de valeurs. Aucune n’a permis de bâtir un Etat de droit où le Pouvoir émane du droit et limité par le droit.
Le 22 février 2019, les Algériennes et les Algériens humiliés, ignorés par ce Pouvoir, sont sortis massivement dans la rue et à travers tout le pays, pour exiger un changement radical qui les ferait accéder, enfin, à la citoyenneté et pour laquelle le peuple s’est battu contre le colonialisme français.
Les tenants du Pouvoir confrontés à cette revendication, portée par une population pacifique, ont mis en branle un système de «riposte graduée», fondé sur toutes les formes de violence. Ils ont pensé clore cet épisode, qui a vu un peuple mobilisé pour un changement réel, en désignant Tebboune comme Président. Aujourd’hui, dans sa quête de légitimité et au travers de la légalité, il soumet un avant-projet de révision constitutionnelle au référendum : la seule voie par laquelle le Pouvoir actuel peut associer le peuple formellement à un soi-disant changement.
Cette nouvelle Constitution ne résoudra pas les questions politiques centrales posées par le Hirak : le déploiement concret des libertés collectives et individuelles et l’indépendance réelle de la justice ; les possibilités de contrôler les différents pouvoirs ne sont en effet nullement garanties quand le Président détient, de façon absolue, les principales décisions de nomination : Cour constitutionnelle, Conseil de la magistrature, etc.
Le changement doit être fait « par le peuple » et non « au nom du peuple». Par conséquent, les membres de la Coordination Nationale des Universitaires Algériens pour le Changement (CNUAC) estiment que le Pouvoir en place a délibérément choisi d’exclure les Algériennes et les Algériens de la révision de la Constitution et désapprouvent vivement l’instrumentalisation de l’université à des fins politiques. Ils s’estiment en droit de considérer que le processus mis en place pour sa confection constitue une fin de non-recevoir aux revendications du Hirak. En revanche, le peuple algérien hérite d’un cadeau qu’il n’a jamais réclamé : cautionner l’envoi des troupes armées sur des théâtres de guerre à l’étranger.
En prévision du référendum sur la Constitution prévu pour le 1er novembre 2020, les membres de la CNUAC dénoncent le coup de force constitutionnel du Pouvoir en place. Ils dénoncent aussi le hold-up programmé par le choix de la date. Une date qui constitue un repère historique pour toutes les Algériennes et tous les Algériens. Cette nouvelle Constitution s’enracine dans les formes politiques habituelles d’exercice de l’autorité dans notre pays, d’humiliation et de mépris à l’égard de la population.
Aujourd’hui, les Algériennes et les Algériens ont compris qu’il faut rompre avec ce système archaïque pour enfin construire une Algérie véritablement démocratique, réellement sociale et définitivement réconciliée avec son passé et sa mémoire, de nouveau destinée à être violée et violentée le 1er novembre prochain.
Nous, membres de la CNUAC, engagés dans le Hirak, refusons de prendre part à cette mascarade et rejetons ce référendum constitutionnel du fait accompli, aussi bien dans sa forme que dans son fond, car nous sommes convaincus qu’il ne saurait garantir au peuple ses libertés fondamentales, ni assurer la séparation des pouvoirs politique, législatif et exécutif, encore moins promouvoir l’indépendance de la justice.
Pour une Algérie libre et démocratique.
Alger le 27-10-2020