Non, « Houaria », je ne l’ai pas lu. Faut-il avoir lu un livre pour s’insurger contre le crime le plus condamnable, la bêtise ?
Non, je ne l’ai pas lu et doit-on le faire pour s’apercevoir de la sempiternelle œuvre des gardiens de la morale dans notre pays ? Ils ont un système de déclencheur dans la tête. Ils surgissent de l’ombre dès qu’un mot, une parole ou un geste passent à la douane des pensées, des réflexions et des créations.
Et pour ce qui est du manuel des censeurs, il n’y a pas grand-chose qui puisse faire grâce à leurs yeux. Tout est obscénité, parjure et attentatoire à ses codes de bonne mœurs. La culture est pour eux blasphématoire.
Beucoup affirment, avec justesse, que les censeurs de ce genre n’ont en général pas lu le livre qu’ils accusent d’obscénité. Je leur répondrai que je ne suis même pas sûr qu’ils aient lu ou compris le livre qu’ils invoquent pour justifier leurs réactions pavloviennes.
Les censeurs du monde ne réagissent en effet qu’avec l’instinct et le conditionnement. Aucune rationalité ni clémence n’est dans leur vocabulaire. Ils ont cette conviction profonde qu’ils sont investi d’une mission sacrée.
Non, je n’ai pas lu ce roman mais il doit être merveilleux car il les fait réagir. Et tout ce qui les fait réagir est dans le sens d’une humanité libre.
Ils sont bruyants et dangereux mais sont insignifiants et peu armés pour combattre la plus grande des victoires de l’être humain, sa culture et sa liberté. Si petits !
Ils ont peur, peur de ce qu’ils ne comprennent pas. Ils ont peur de ce qu’ils ne peuvent atteindre. Ils ont peur de perdre le seul pouvoir qu’ils pensent avoir, contrôler les esprits. Ils n’ont jamais pu comprendre que l’esprit humain et l’éducation à la liberté leur était inatteignables puisqu’ils n’ont jamais voulu faire un effort pour l’atteindre.
Tiens, moi qui ne l’ai pas lu, le titre de « Houaria » a-t-il un rapport avec ce si joli nom de ma jeunesse dont on dit qu’il est particulièrement oranais ? Ou alors est-ce la traduction du mot arabe « indépendance » ?
Si l’effet de rapprochement homonymique est voulu, je félicite l’auteure. Elle aurait mis en relation une femme, Houria, en concordance avec la liberté et l’indépendance des femmes. Ou alors je dis des bêtises et devrais le lire ou me taire.
« Houaria », un livre que je n’ai pas lu mais faut-il le faire pour être horrifié par l’obscénité des accusateurs. Ils se sont incrustés dans notre beau pays, nous finirons par nous en débarrasser pour qu’il retrouve la splendeur de sa promesse d’avenir qu’il nous avait faite, le sentiment de liberté que nous avions et cet amour du livre que nous mettions au-dessus de beaucoup de choses.
La création de l’esprit est une liberté intouchable, elle définit les êtres humains. On peut librement juger du caractère obscène d’une œuvre si c’est notre propre jugement sans qu’aucun dogme nous l’ait suggéré. « Houria » n’est ni obscène ni insignifiant car c’est le langage de l’esprit.
Non, je ne l’ai pas lu. Mais dois-je lire tout ce qui est censuré par ces personnes ? Il me faudrait trois vies pour y arriver.
Boumediene Sid Lakhdar