Aussi glorieux soit le passé, s’il n’est pas convoqué pour mieux valoriser l’avenir, il sera toujours un fardeau pour le présent, et empêchera la compétition générationnelle de se faire au profit d’un avenir radieux et mieux construit.
En effet, continuer à dire que le passé révolutionnaire, ou un autre, est le seul à même servir de terreau pour toute glorification inhibe toute vision lointaine et réduit le champ d’action de ceux qui ont pour véritable vocation de bâtir le présent qui lui-même servira de socle pour l’avenir.
Surtout quand ce passé sert surtout à distribuer une rente et à privilégier une partie du peuple au détriment des autres, au motif que la légitimité révolutionnaire est éternellement indétrônable.
Kamel Daoud, puisque c’est lui qui fait l’actualité actuellement, a été agréablement surpris de découvrir et d’écrire (ce qui lui a valu de fortes inimitiés) lors de son voyage au Viêtnam qu’il n’y avait aucun ministère des combattants, et encore moins des ayants-droits à n’en plus finir.
Leur révolution, symbolisée par la bataille Dien-Bien-Phu qui a ébranlé les certitudes du colonialisme et posé les jalons de la décolonisation dans le monde entier, est restée comme simple date historique, rayonnante bien sûr et source de fierté nationale, mais le présent et l’avenir n’y sont jamais arrimés de manière inamovible.
Le risque des privilèges tirés sur des décennies par des révolutionnaires est que les nouvelles générations ne croient plus à leur idéaux, car il les voit comme de simples fonctionnaires rémunérés pour une mission qu’ils ne cessent eux-mêmes de définir par le vocable de « devoir ».
Et quand leurs descendants sont aussi récipiendaires des mêmes subsides, la pilule ne passe plus auprès de leurs contemporains qui ne s’y reconnaissent plus et finissent par désespérer de tout ce qui vient de l’Etat.
Il est primordial, voire vital, de traiter les gens sur le même pied d’égalité et qu’ils aient les mêmes chances dans tous les domaines, sans qu’aucune autre considération que la compétence et l’honnêteté ne s’y immiscent.
Même les révolutionnaires concernés en sortiront grandis, glorifiés et portés au panthéon, car leurs actes passés seront ainsi perçus comme sacrifices faits pour leur nation, dans le désintéressement le plus total, et non pour de quelconques revenus pécuniaires ou matériels. Ils gagneront ainsi une aura de grands héros que personne ne pourra leur disputer.
Le passé doit servir de rampe de lancement pour le progrès au profit des générations présentes et futures. Il ne doit pas se servir avidement en dévorant tout sur son passage.
La génération présente comprendra subséquemment qu’elle pourra, elle aussi, servir d’exemple pour celles à venir, en étant maître et « héroïne » d’une autre révolution : à la fois politique, économique, industrielle, culturelle, technologique, scientifique, etc.
Il est inconcevable de jouer aux dés avec le temps. Il faut respecter la conjugaison de chaque temps.
Le passé ne doit pas empiéter sur le présent, et ce dernier ne peut faire que se surpasser pour se réaliser et se projeter dans le futur en tirant le meilleur du passé.
Il faut laisser chaque génération vivre son temps. Les liens intergénérationnels se feront tout seuls, naturellement.
Ce n’est qu’ainsi que l’espoir renaîtra, le véritable amour de la patrie l’emportera et que la harga cessera !
Youcef Oubellil, écrivain