Mes lointaines études de droit, même si elles n’ont pas eu une prolongation professionnelle, m’ont fait retenir certains principes rigoureux. Je ne ferai mention ni du nom ni n’apposerai une photo de celui que le lecteur devinera.
L’information avait été un cataclysme lorsque les premières accusations sont apparues il y a quelques années. Cette fois-ci c’est le nombre de plaignantes qui rend l’affaire encore plus explosive.
Puisque je me l’interdis, je me reporterai sur la globalité des affaires de délinquance sexuelle des prêtres dans l’Église.
L’ampleur de la dérive
Nous le savons, c’est arrivé depuis le début de la religion catholique. Mais on peut comprendre que ce qui était considéré déjà à cette époque comme une dérive est aujourd’hui une situation inacceptable par la société. Le rapport Sauvé avait contribué à ce mouvement de défiance recensant les cas et démontré l’ampleur du drame.
D’abord du point de vue pénal, le viol en général et surtout en situation de pédophilie, constitue un crime (même si la qualification de délit sexuel est un terme générique). D’autre part la société ne supporte plus l’hypocrisie et l’emprise d’une religion dont elle a considérablement amoindri le pouvoir par la laïcité et la généralisation de l’instruction.
Les affaires tombent comme la grêle en hiver. Il ne se passe pas un mois sans que des prêtres prédateurs sexuels ne soit découverts et condamnés. Alors que l’Église les avait longtemps protégés par son silence, elle ne peut plus aujourd’hui le faire car cela entache sa réputation et la met davantage en risque de marginalisions encore plus importante et de condamnation pénale.
L’affaire du moment est un tsunami dans la société française comme dans le monde, parmi les croyants comme tous les autres, parce qu’elle touche à un personnage éminent dont la vie a été consacrée aux démunis et à tous ceux qui souffrent (on ne peut lui enlever cela).
Il est l’icône absolu comme le restera Mère Thérèsa. Les fondations de bénévolat essaient de reprendre pied en continuant leur mission. Ils ont cependant débaptisé tous les lieux et associations portant le nom du prêtre.
L’histoire d’une absurdité contre nature
Il faut dès le départ retenir que les évangiles ne contiennent aucune obligation à ce sujet. Elles rapportent seulement que Jésus et les apôtres étaient célibataires et entièrement consacrés à la diffusion de leur message messianique.
Lors de l’installation de l’Église chrétienne les prêtres étaient ordonnés et les évêques nommés sans que leur mariage ne leur soit interdit. Mais au IV siècle une condition tout à fait baroque leur fut imposée, ils ne pouvaient pas avoir de relations conjugales avec leurs épouses.
La première raison de cette absurde disposition se devine, à l’image de la vie de Jésus Christ, les rapports charnels pouvaient perturber leur mission auprès de leurs paroissiens. Mais la seconde est assez inattendue, elle avait pour objectif que, de père en fils, des dynasties ne s’installent au sein de l’Église chrétienne. Au passage cela n’a pas empêché le lien familial élargi de parvenir à crée des dynasties de Papes.
La situation étant devenue si absurde et surtout ingérable, notamment par des naissances illégitimes, au XI ème siècle le Pape Grégoire VI a tranché en interdisant aux prêtres de se marier.
Il faut attendre les Réformateurs, en opposition avec l’Église chrétienne (de Rome), pour qu’ils dénoncent, lors du concile de Trente, ce qu’ils considéraient comme contre nature et créant des dérives. D’autant que la mission des chrétiens assignée aux fidèles (et donc aux prêtres également) était de « croître et diffuser le message du Christ ». C’est vrai qu’il est impossible de remplir cette mission en interdisant le mariage. On ne connaissait pas encore à cette époque la technique de naissance in vitro. Pourtant la vierge Marie leur en avait prouvé la possibilité (devant l’absurde, le rire se défend).
Il était prévisible qu’une telle affaire n’allait pas se régler définitivement. Le débat a continué sans jamais aboutir à une levée de l’interdiction. Même la force révolutionnaire de 1789 n’avait pas réussi à supprimer la règle, elle qui fut la première tentative sérieuse de mettre à genoux le pouvoir de l’Église.
Le concile Vatican II, pourtant une grande référence de la tentative de modernisation, n’a pas lui non plus débouché à la levée de l’interdiction. Tous les papes ultérieurs, censés être les héritiers de cette ouverture et auraient pu avancer dans la rupture n’ont pas modifié la règle.
Lorsque la crise des années 70’ avait ébranlé l’Église catholique, la position de refus du mariage s’était maintenue. Mieux encore, lorsque le Pape Jean-Paul II avait affirmé le caractère sacré du célibat, lui qui était la « star » de l’espoir de la modernisation des pratiques dans la religion.
Le célibat est-il la cause unique ?
Hélas non, même si ce que nous venons d’exposer reste vrai. L’Eglise protestante est aussi marquée par la même ampleur des dérives.
En France les cas de signalement et de condamnations de prêtres dans l’Église réformée sont aussi nombreux. Au point que le Conseil national des Evangéliques de France avait adopté en 2021 une « Charte d’engagement pour lutter contre les abus sexuels ».
Il en est de même aux États-Unis où une affaire de très grande ampleur d’abus sexuels avait été révélée par la presse en 2019. 380 pasteurs, diacres, enseignants et bénévoles ont commis de nombreux actes d’agressions sexuelles envers 700 fidèles dont la majorité étaient des enfants. L’enquête a mis au jour une situation sur une période de vingt ans. On peut s’imaginer le nombre considérable d’affaires anciennes ou non découvertes dans notre époque.
La frustration a toujours été un facteur déterminant pour générer des pulsions condamnables, en conscience ou non. Pour les deux Églises la dérive aura été la conséquence, chez les uns, l’interdiction du mariage et, chez les autres, un ordre moral puissant qui caractérise la société protestante.
Peace and love
Il faut dire que certaines images ou circonstances ne plaident pas en faveur de l’Église catholique. Elles ne sont qu’humour mais rajoutent à la suspicion de beaucoup.
Et puis de nombreux humoristes ont noté qu’il était tout de même curieux que des hommes habillés en robe s’occupent de l’éducation des enfants. Et que dire du look de Jésus, hippie des années 70’, une communauté libertariste dont certains membres allaient jusqu’à prôner la liberté sexuelle avec des enfants.
Que pouvons-nous également penser de ces hommes en pleine vigueur qui écoutent, derrière une fenêtre grillagée et dans un secret imposé par l’Église, les confidences de femmes qui étalent leurs pensées et actes interdits. Et comme la parole de Jésus n’est pas sectaire, la confession est ouverte aux jeunes et hommes adultes.
La conclusion de tout cela est que si les perversions des humains existent dans toutes sociétés humaines, pourquoi leur donner encore plus de possibilités de placer les crédules et innocents entre les mains des religions et autres sectes sous prétexte d’un message de paix et de compassion ?
Boumediene Sid Lakhdar