Il y a 60 ans, l’écrivain algérien et enseignant Mouloud Feraoun, auteur, entre autres, du roman «Le fils du pauvre» en 1950, tombait sous les balles assassines de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), un groupuscule d’ultras opposé à l’indépendance de l’Algérie.
Sur les hauteurs d’Alger, à Ben Aknoun, Mouloud Feraoun a été assassiné avec cinq de ses compagnons, Ali Hamoutène, Salah Ould Aoudia, Etienne Basset, Robert Aymar et Max Marchands. Ils étaient tous inspecteurs des Centres socio-éducatifs (CSE), des structures créées pour venir en aide aux plus démunis, notamment en assurant des cours d’alphabétisation.
En 1950, Mouloud Feraoun publie son premier roman Le fils du pauvre, primé et largement salué par la critique. « L’histoire de Menrad est la mienne. Elle ressemble comme une sœur, à celle d’un certain nb. d’instituteurs kabyles. Ils s’y reconnaîtront. », écrivait Mouloud Feraoun à propos du Fils du pauvre, (extrait de sa lettre à un ami, Louis Julia, datant probablement du début 1947) (*).
Auteur prolifique, il signe coup sur coup La terre et le sang (1953), Jours de Kabylie (1954) avant d’intégrer le catalogue des éditions françaises Le seuil qui publient Les chemins qui montent (1957).
Mouloud Feraoun avait également traduit vers le Français des œuvres du poète Si Mohand Ou Mhand, publiés en 1960 sous le titre Les poèmes de Si Mohand.
Son Journal reste un document particulièrement précieux pour comprendre l’état d’esprit de l’auteur mais aussi des Algériens pendant la guerre d’indépendance. Il est rédigé à partir de 1955 sera publié à titre posthume sous le titre Journal 1955-1962 ainsi que son roman inachevé L’anniversaire, sorti en 1972 et La cité des roses resté inédit jusqu’en 2007.
Né en 1913 dans le village de Tizi Hibel, non loin de Tizi Ouzou, où il suit l’essentiel de sa scolarité, Mouloud Feraoun a été reçu en 1932 au concours d’entrée de l’Ecole normale de Bouzaréah à Alger. Diplômé il commence sa carrière d’enseignant et sera nommé instituteur dans son village natal en 1935.
Il a occupé les postes de directeur des cours complémentaire, de directeur de l’école Nador à El Madania, puis celui d’inspecteur des CSE jusqu’à son assassinat, quatre jours avant la signature des accords d’Evian et la proclamation du cessez-le-feu, le 19 mars 1962.
« Mouloud Feraoun était un écrivain […], un homme fier et modeste à la fois, mais quand je pense à lui, le premier mot qui me vient aux lèvres c’est le mot : bonté…C’était un vieil ami qui ne passait jamais à Paris sans venir me voir. J’aimais sa conversation passionnante, pleine d’humour, d’images, toujours au plus près du réel – mais à l’intérieur de chaque événement décrit il y avait toujours comme une petite lampe qui brillait tout doucement : son amour de la vie, des êtres, son refus de croire à la totale méchanceté des hommes et du destin. Certes, il souffrait plus que quiconque de cette guerre fratricide, certes, il était inquiet pour ses six enfants – mais, dans les jours les plus noirs, il continuait à espérer que le bon sens serait finalement plus fort que la bêtise», avait écrit Germaine Tillion qui dirigeait les Centres sociaux.
En 2012, un colloque international en hommage à Mouloud Feraoun a été organisé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) pour la 50e commémoration de sa disparition.
(*) Pour consulter les manuscrits de Mouloud Feraoun : https://eman-archives.org/francophone/items/show/13