C’était aux temps d’Alger bonheur, Alger émotionnelle, Alger romantique, Alger passionnelle, Alger sensible, Alger paisible, Alger fraternelle, Alger en fête pour panser ses plaies et oublier les drames du passé.
Le cœur en émoi pour célébrer le futur, les peines collectives de la guerre effacées pour être remplacées par des tourments individuels, ceux de l’amour déclamé sans détours…Sali-trach kalbi ya3tik kh’bar, khalih yechtki, yehkilek hiwar (questionne mon cœur, laisse le se lamenter, il te contera son histoire) chantait alors le prince du Chaâbi Amar Ezzahi.
En ces années d’insouciance, les ruelles de la Casbah d’Alger distillaient moult fragrances de gaieté en serments de fidélité pour l’éternité… Serments dont il reste encore, des décennies plus tard, des souvenirs vivaces de sahrat (soirées) autour de lueurs magiques, celles de dik chem3a li h’rakna ! (La bougie de nos ébats.)
À sa disparition, en novembre 2016, c’était une tranche de nos vies qui s’en était allée ! Un bout de la douceur de nos h’moum (Afflictions) d’amour qui disparaissait ! Une part de nos rêves d’une Algérie de paix et de volupté qui s’effritait !
Bien qu’originaire d’Ath Yenni, le répertoire d’Amar Ezzahi ne contient pas de succès originaux en kabyle. Notre chantre se contentait de reprises, comme Jahagh, d’Akli Yahiatene ou encore Anfas anfas, de Cheikh Arab Bouyezgarene.
Biographie
De son vrai nom Amar Aït Zaï, Ezzahi est né le 1er janvier 1941 à Iboudraren, daïra d’Ath Yenni dans la wilaya de Tizi Ouzou.
C’est en écoutant Boudjemaâ El Ankis, dans les années 60, qu’il s’éprit du Chaâbi. Autodidacte, il apprendra ce style de musique algérois sur le tas, en virtuose du mandole.
Il aura la chance d’avoir, dans son orchestre, durant quinze ans, un musicien de talent qui lui a transmis plusieurs qacidat, il s’agit de cheikh Kaddour Bachtobdji avec lequel il a commencé à travailler en 1964.
Son premier enregistrement date de 1968. Ya djahel leshab et Ya el adraâ furent les deux chansons de son premier 45t. La musique et les paroles étaient signées de Mahboub Bati. En 1971, il enregistre trois 45t et en 1976, deux 33t. II compte trois chansons supplémentaires à la radio et quatre autres à la télévision.
Modeste, réservé, se confiant rarement, fréquentant souvent le café El Kawakib, Ezzahi, l’un des plus brillants interprètes du Chaâbi des années 1970, disparaît pratiquement de la scène artistique à partir de 1980 et n’est présent que lors des fêtes familiales.
Il réapparaît le 10 février 1987 dans un récital à la salle Ibn Khaldoun à Alger pour s’effacer à nouveau.
Il meurt le 30 novembre 2016. À l’annonce de sa mort, le ministre algérien de la Culture, s’est rendu à son domicile pour lui rendre hommage. Ses funérailles ont eu lieu le lendemain 1er décembre. Il a été inhumé au cimetière d’El Kettar sur les hauteurs d’Alger.
On ne sait pas grand-chose de sa vie privée sinon qu’il a vécu une vie d’ascétique : il n’était pas marié et n’avait pas d’enfants. Pourtant il a chanté de sacrés hymnes à l’amour avec une passion à donner des frissons. Pour preuve l’un de ses premiers grands succès Sali-trach kalbi ya3tik kh’bar que nous vous proposons d’apprécier.
Kacem Madani